Vivre sans services de première nécessité: Une famille écoute la télé des voisins faute d’électricité

  • Tous les jours, qu’importe le temps, une mère de famille parcourt plusieurs fois une longue distance à pied pour aller chercher de l’eau potable

Les Jeux des îles sont chose du passé, mais restent encore frais dans la mémoire de Sonia et de ses deux fillettes. C’est de chez elles, dans une maison en tôle de deux pièces, qu’elles ont suivi les événements grâce au son de la télévision des voisins. Avec son compagnon et ses enfants, Sonia vit dans une maison où il n’y a ni électricité ni eau. Tous les jours, qu’importe le temps, la mère de famille parcourt une longue distance à pied, avec trois bidons en main pour récupérer de l’eau potable pour son foyer. Elle fait plusieurs fois le même trajet, sous le regard admiratif de ceux qui la croisent.

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« J’ai l’impression de m’étouffer, de vivre dans une prison », confie Sonia (prénom modifié), 35 ans. Quand les solutions semblent impossibles, la précarité, nous explique-t-elle, devient alors une pression suffocante. Le cerveau se fatigue vite et finit par ressembler à une prison où les rêves d’une vie meilleure sont barricadés. Ce n’est pas son salaire dérisoire et le revenu mensuel de Rs 4 500 de son foyer qui la tourmentent. Et encore moins de vivre dans une maison en tôle (propre et bien tenue) qu’elle loue à Rs 2000. Mais l’absence d’électricité et d’eau courante sous son toit, privant ses deux jeunes enfants d’un minimum de confort.

Quand Sonia et sa famille se sont installées dans cette maison en tôle de deux pièces plus ou moins solide, il y a deux ans, elle savait d’avance qu’elle n’aurait pas accès à l’eau et à l’électricité. « Ma priorité était un toit. Avec ma famille nous vivions chez ma mère et son mari dans une maison de deux pièces seulement », raconte-t-elle.

La promiscuité devenant gênante, Sonia décide d’aller vivre ailleurs. Cependant, le coût élevé de la location des maisons dans la région ne lui a pas laissé d’autre choix que de continuer à vivre chez sa mère pendant quelque temps, jusqu’au jour où elle est tombée sur ce qui lui a paru être une occasion. « La propriétaire de cette maison est décédée et la connexion électrique coupée. C’est son héritière qui a accepté de me la louer. En réalité, elle ne voulait pas le faire. Je l’ai suppliée, je lui ai un peu forcé la main. Je n’avais qu’un seul but, quitter la maison de ma mère », confie Sonia. Depuis, pour faire parvenir de l’eau potable jusqu’à sa maison, la jeune femme vit un véritable parcours du combattant.

Il y a un robinet et une télé

Le seul moyen pour Sonia d’approvisionner sa maison en eau est d’en récupérer chez sa mère. Ainsi, depuis deux ans, elle quitte sa maison tous les matins à 9h avec deux bidons vides dans un sac et un autre qu’elle tient à la main pour se rendre chez sa mère. Après plusieurs minutes de marche et plusieurs centaines de mètres, elle peut remplir les premiers conteneurs. De 9h à 11h, Sonia ne comptera pas les allers avec des bidons vides et les retours avec ceux-ci remplis. « Parfwa mo zwenn dimounn ki demann mwa si mo ankor pe marse mem. Dan nimport ki letan, mem kan ena gro lapli mo bizin sarye delo », dit-elle. « Je ne peux pas constituer de réserve, c’est pour cela que je dois chercher de l’eau tous les jours », explique la mère de famille.

Pendant les vacances scolaires, Sonia est accompagnée de ses filles âgées de 4 et 10 ans. Ces petits bras lui sont d’une aide supplémentaire. Il n’y a pas que des bidons qu’elle transporte sur son trajet, mais aussi des vêtements et autres vêtements à laver. « Chez ma mère, je mets les vêtements à tremper le temps que je m’approvisionne en eau et que je rentre chez moi pour la stocker. C’est une fois que j’ai terminé ma corvée d’eau que je vais faire ma lessive. J’étends les vêtements chez ma mère et les reprends lorsqu’ils sont secs », dit elle. Dans sa cuisine, il y a un robinet. Et un autre au lavabo de sa salle de bains. Mais pour le moment, ils font office d’accessoires. Idem pour la télévision à écran plat qui trône sur une table dans la cuisine.

Cela fait longtemps que les images n’ont pas défilé sur l’écran de la télévision. En y pensant, Sonia craque et laisse couler des larmes, sous le regard de sa benjamine. « Est-ce que je suis pauvre ? Oui, je le suis. Non pas parce que ma maison est en tôle et que nous avons un petit revenu. Mais parce que mes enfants me demandent souvent de baisser le son de la radio pour écouter celui de la télévision du voisin ! Je suis pauvre parce que, quand mes filles se réveillent au milieu de la nuit et veulent aller aux toilettes, elles ne peuvent pas allumer une lumière pour s’éclairer. Et qu’à la nuit tombée, ma fille qui est en Grade 5 ne peut plus continuer à faire ses devoirs », confie Sonia d’une voix tremblotante.

« Des biscuits à Rs 5, petit extra pour les enfants »

À l’école, la fillette s’excuse souvent en prétextant l’oubli. « Li pa dir ki pena kouran lakaz. Mem si so profeser pa kontan, li prefer pa dir ki pena kouran kot li », explique sa mère. Les Jeux des îles, dit elle encore, c’est à travers la télévision des autres qu’elle et ses filles ont pu suivre des compétitions de chez elles. « Mes filles me demandaient de les emmener à la fan zone dans le centre. Mais je me suis résignée à les faire sortir par le temps pluvieux et venteux », raconte Sonia. Ne pas être connectée à l’électricité c’est aussi, dit-elle, « se débrouiller sans réfrigérateur puisqu’aucun repas ou autre aliment préparé ne peut être conservé. » D’ailleurs, dans la cuisine, il n’y a pas une grande quantité de provisions.

Sonia qui, deux fois semaine se rend au bureau d’une organisation nongouvernementale qui l’a employée comme cleaner, touche, dit-elle, un salaire de Rs 900 par mois. Sa famille qui est inscrite sur le Social Register of Mauritius (SRM) perçoit une allocation de Rs 1150 mensuellement. Et lorsqu’il travaille, son compagnon qui est aidemaçon ramène de quoi faire bouillir la marmite. « Chaque semaine nous dépensons quelque Rs 1000 en achat de nourriture, le strict minimum, et parfois des biscuits qui coûtent Rs 5, un petit extra pour les enfants. Kan fini fer tou bann depans ki bizin, pa res nanie », dit Sonia. Les vêtements et autres effets utiles, c’est l’ONG ou sa mère qui les lui offrent. À la fin de la semaine, elle n’a pas un sou supplémentaire en poche pour sortir avec ses filles. Les centres commerciaux, elle les a fréquentés, pas pour le plaisir, mais pour y travailler.

Sonia est une femme qui se bat pour sortir de la précarité, d’où la décision de cette ONG de lui tendre la main. Pour connaître des jours meilleurs, dit-elle, elle se contenterait de l’électricité et de l’eau dans sa maison en tôle. Mais si les discussions entre l’ONG qui l’emploie et son voisin s’avèrent concluantes, elle pourrait bénéficier d’une connexion qui lui pourvoira en eau courante. Quant à l’électricité, les chances d’une connexion sont moindres. Il y a deux ans, elle s’était inscrite en tant que bénéficiaire du SRM pour une maison sociale. Mais comme beaucoup de demandeurs de logement social comme elle, Sonia s’entend souvent dire « Dosie-la pran letan » quand elle va aux renseignements.

Même si elle se dit prête à vivre dans des conditions difficiles, Sonia se refuse de priver ses filles d’un meilleur avenir, dont un toit. Si elle a abandonné l’école en Std VI sans savoir ni lire ni écrire « pou res dan lakaz, zwe », elle croit dans l’éducation de ses deux filles. Il ne sera pas question qu’elles connaissent le même parcours qu’elle.

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