1er mai – Traditionnelle fête du travail : Labour Day sous le spectre du verrouillage de l’EMPLOI

Des rassemblements virtuels des syndicats pour garder la flamme de la lutte des travailleurs

Pour la deuxième année consécutive, le coeur ne sera pas à la Fête du Travail. Et pour cause les séquelles du deuxième confinement lié au Coronavirus du 5 mars, avec initialement le SKC Surat Cluster, et pour accélérer la propagation le New Souillac Hospital Covid-19 Cluster, cela même en dépit du fait que Maurice entame aujourd’hui la phase II de son déconfinement. Au-delà de l’interdiction de tout rassemblement public avec dix personnes, le Labour Day 2021 voit planer le spectre du verrouillage de l’emploi, à l’image des Shutters bien cadenassés, expression hantée par Lakwizinn du Prime Minister’s Office (PMO), du QG du ministère du Travail à Victoria House.

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Certes, le discours officiel du pouvoir est cousu de garanties que tout est mis en oeuvre pour préserver et sauver des emplois, mais le quotidien de l’ensemble des salariés, à l’exception des fonctionnaires et des employés des corps para-étatiques, se conjugue au conditionnel, si ce n’est pas déjà au passé composé, que ce soit pour les emplois ou encore le niveau des salaires et des Fringe Benefits. Avec le Lockdown depuis le 10 mars dernier, tout un chacun ne peut que constater que le roulement dans le monde des affaires s’est littéralement arrêté. L’Hôtel du Gouvernement a sorti la carte pas si magique du Wage Assistance Scheme (WAS) en faveur des salariés mais les critères pour y accéder sont encore plus contraignants que lors de la précédente édition. Le plafond du chiffre d’affaires de Rs 50 millions imposé dans un deuxième temps fait que bon nombre d’entités économiques sont disqualifiées d’avance au guichet de la Mauritius Revenue Authority (MRA), décuplant les risques de restructuration des entreprises dans un avenir pas si lointain.

En ce 1er mai et à la veille de l’entrée en vigueur de la phase II de la réouverture de l’économie, même si le principal secteur, générateur d’emplois et de croissance, demeure à l’Intensive Care Unit (ICU) des affaires, chaque salarié s’interpelle pour savoir de quoi sera fait demain. L’angoisse que vivent ceux qui ont déjà perdu leur emploi respectif depuis la première vague et l’incertitude, qui pèse sur ces quelque 3 000 employés d’Air Mauritius avec la mise sous administration volontaire depuis 54 semaines, ne font que s’amplifier dans la conjoncture. Car le verrouillage de l’emploi est devenu plus qu’une réalité avec aucun vaccin en vue pour s’immuniser contre cette phrase fatidique: « You are fired! »
Avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête, peut-on encore parler de Fête du Travail? La question reste posée…

De la MLC à la GWF en passant par la FSSC

Une pensée spéciale aux Frontliners et victimes de licenciements

COVID-19 oblige, les syndicalistes sont contraints cette année de ne pas descendre dans la rue pour célébrer la Fête du Travail. C’est donc à travers des messageries téléphoniques et les réseaux sociaux qu’ils comptent s’adresser à leurs membres. La Fête du Travail perd-elle toute son importance dans ce contexte ? Les avis divergent. Si certains parlent de regroupement virtuel pour faire le point sur les effets de la COVID-19 sur l’emploi à Maurice, d’autres maintiennent que cette fête a toute son importance en raison de nombreux droits qui ont été acquis pour les travailleurs à la suite d’une longue lutte de la classe laborieuse marquée par des pertes de vie humaine et des grèves.
Le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, explique qu’en raison de la COVID-19, les activités syndicales ont considérablement diminué bien avant la célébration de la Fête du Travail. « Avec la limitation imposée sur le nombre de personnes pouvant se regrouper, bon nombre de syndicats n’ont pu réunir leurs exécutifs pour prendre des décisions qui s’imposent », dit-il. N’empêche, ajoute-t-il, la célébration de la Fête du travail de ce samedi est « le moment pour les travailleurs et les syndicalistes d’avoir une pensée spéciale pour les Frontliners et pour ceux qui ont perdu leur emploi en raison de la COVID-19, et de faire une réflexion sur les moyens de protéger l’emploi ».
Haniff Peerun poursuit : « Pour moi, c’est la première fois que la classe patronale se rend compte de l’importance des travailleurs pour leur entreprise. Sans l’appui des travailleurs, le profit des entreprises diminue drastiquement. Les patrons seront bien obligés maintenant de prendre conscience de la nécessité de s’occuper de la santé, de la sécurité et du bien-être des travailleurs sur leur lieu de travail. Faute de quoi, une entreprise peut être paralysée, provoquant ainsi des pertes énormes. Les employeurs doivent réaliser que ce sont des hommes et des femmes travailleurs qui font tourner la machinerie et qui font entrer le profit des entreprises. »

La Fête du Travail, cette année, estime le président du MLC, est aussi « l’occasion de remercier les nombreux hommes et femmes travailleurs qui ont mis leur vie en péril pour protéger la nation mauricienne contre la COVID-19 ». Il ajoute : « On doit en ce jour remercier les pompiers, les policiers, le personnel médical et paramédical, les éboueurs et tous ceux qui opèrent dans les services essentiels. » Cependant, avec la fin de la période de confinement sanitaire et, par conséquent, celle du Wage Assistance Scheme, il craint fort que « certains employeurs utiliseront cette situation comme prétexte pour dire que les affaires vont mal et qu’il faut licencier ».

Le président de la State and Other Employees Federation (SOEF), Radhakrishna Sadien, est d’avis que la célébration de la Fête du Travail, cette année, « perd quelque peu de son importance », car les syndicats n’ont pas la possibilité de réunir leurs exécutifs en raison des restrictions imposées par l’État. « Il y a aussi ce sentiment de peur qui anime les travailleurs pour se réunir en foule, car une cérémonie de prière, la dernière fois, a plongé le pays dans un deuxième confinement sanitaire », a-t-il dit. Au fait, poursuit-il, les syndicalistes sont maintenant habitués à une telle situation, car cela fait deux années de suite que les responsables syndicaux sont contraints de ne rien organiser en raison de la présence du coronavirus à Maurice.

Sur le plan international, dit Radhakrishna Sadien, même l’Organisation internationale du Travail (OIT) a été contrainte de ne pas organiser de conférence internationale. À Maurice également, plusieurs organisations syndicales n’ont pu organiser leurs assemblées générales, qui se tiennent normalement en mars de chaque année. Sur le plan de l’emploi, il craint lui aussi que « les employeurs tentent de mettre des travailleurs sur la touche si les assistances financières du gouvernement sont supprimées ».
Il estime que « la Mauritius Revenue Authority (MRA) peut soulever davantage de fonds pour soutenir cette assistance financière aux travailleurs ». Il propose de même que la MRA « mène une enquête approfondie sur ceux qui ont perçu de Self Assistance Scheme alors qu’ils font normalement de bonnes affaires ». Il devait citer l’exemple des marchands de ‘dal puri’ où il n’y a aucun contrôle sur les chiffres d’affaires. Certains, dit-il, ont « une meilleure situation qu’un cadre supérieur ».

Pour Deepak Benydin, président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions (FPBOU), la célébration de la Fête du Travail doit faire l’objet d’une réflexion du ministère du Travail sur les nombreux cas de discrimination qui prévalent dans le monde du travail. Il devait citer, en exemple, les employés des corps para-étatiques, qui perdent leur temps de service lorsqu’ils sont embauchés dans la Fonction publique. Il ajoute que « c’est aussi l’occasion de rendre hommage aux nombreuses femmes qui, pendant des années, ont contribué à l’avancement dans le pays ».

Il poursuit : « On ne peut pas oublier dans ce sens la mort d’Anjalay Coopen ou encore la contribution de feu Emmanuel Anquetil pour les travailleurs. Malgré les contraintes imposées par la COVID-19, la classe syndicale doit célébrer à sa façon cette fête. On va essayer d’aller déposer des gerbes sur les tombes des grands tribuns ce jour-là. » Il soutient qu’il faut également faire une réflexion sur l’avenir des travailleurs dans le pays si un jour le gouvernement décide d’enlever le Wage Assistance Scheme et le Self Employed Assistance Scheme.

Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), maintient que la Fête du Travail doit continuer à être, pour les travailleurs, « un jour mémorable ». Il ajoute : « Cette fois-ci, les travailleurs doivent jeter un nouveau regard sur la COVID-19, qui a secoué le monde du travail ces deux dernières années. Il est malheureux que beaucoup de pays dans le monde, à l’exception de l’Australie, la France, le Canada et les États-Unis, n’aient pas pu à maintenir leurs entreprises en opération. Cela a provoqué des pertes d’emploi massives. Le gouvernement n’a pas été proactif à Maurice, ce qui fait qu’il a dû puiser dans les fonds publics alors que les dettes publiques ont dépassé le seuil de 65% du Produit intérieur brut, soit environ Rs 130 000 sur la tête de chaque Mauricien. »

Il poursuit : « En sus de cela, les travailleurs ont été témoins de la mauvaise gestion de la crise, des abus sur l’Emergency Procurement, de la dilapidation des fonds publics par des milliards, de la nomination des protégés politiques dans les corps para-étatiques ou encore de la chute d’Air Mauritius. » Et de souligner qu’il partage la douleur des employés d’Air Mauritius qui ont perdu leur emploi « en raison de la mauvaise gestion de ceux qui sont à la tête de la compagnie d’aviation nationale. »

Le président de la FCSOU invite les travailleurs à se serrer les coudes pour redynamiser le monde du travail et mettre en oeuvre le concept du travail décent prôné par l’OIT. Il a tenu à saluer le rôle joué par le personnel médical et paramédical pour lutter contre la COVID-19. « Ce sont eux les vrais soldats du pays », a-t-il conclu.
Pour le président de la General Workers Federation (GWF), Clency Bibi, les syndicats se trouvent dans une situation « très embarrassante » du fait qu’il ne pourra réunir pas plus de dix personnes pour la Fête du Travail. « Dans ce contexte, je crois que cette fête perd un peu de son importance », dit-il. Les dirigeants de la GWF auraient voulu descendre dans la rue pour sensibiliser les travailleurs sur les dangers qui pointent à l’horizon, avec une éventuelle suppression de l’assistance financière aux travailleurs. Il souligne que la GWF optera pour une vidéoconférence pour adresser un message à ses membres.
Il a saisi l’occasion pour dire qu’il « n’accueille pas favorablement » la position prise par Business Mauritius à l’effet que chaque entreprise doit décider si leurs travailleurs doivent venir travailler durant les grosses averses. « C’est ce genre de mentalité de la part des employeurs qu’il faut changer. Que se passera-t-il si un travailleur meurt en rentrant chez lui en raison des inondations ? On ne peut pas continuer à avoir deux catégories de travailleurs dans le pays », a conclu le syndicaliste.

La Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) veut, de son côté, célébrer la Fête du Travail ce samedi à travers une conférence interactive sur Facebook, car elle ne peut pas réunir tous ses membres à cette occasion. Cette conférence sera suivie par environ 150 délégués syndicaux. « Nous avons opté pour le Mass Gathering, mais de façon virtuelle. Je pense qu’il ne faut pas continuer à utiliser la COVID-19 pour faire peur aux travailleurs. Il y a d’autres défis beaucoup plus inquiétants qui guettent les travailleurs. Je parle ici de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le monde du travail et le Work From Home, qui est devenu la nouvelle zone franche mauricienne », affirme Reaz Chuttoo.
Il poursuit : « Désormais, les salariés sont payés à la tâche et sont surveillés de près avec des caméras à domicile. Les patrons peuvent passer des commandes avec l’employé à n’importe quelle heure et, en sus de cela, ils ne se soucient pas de sa santé. Les patrons d’entreprises font de bonnes affaires, car ils n’ont pas à payer l’allocation de transport et la consommation de l’électricité. C’est sur ces aspects que les syndicalistes doivent orienter leurs réflexions. »

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