2018 : les leaders des partis politiques face à leur destin

2018 n’a été un fleuve tranquille pour aucun des principaux leaders des partis politiques mauriciens, que ce soit ceux du pouvoir ou de l’opposition. Chacun a connu des hauts et des bas, à l’image de leur parti. Alors que 2018 tire à sa fin, malgré sa volonté et sa détermination, aucun d’entre eux ne peut se targuer d’avoir un contrôle absolu sur son avenir ou celui de son parti durant la nouvelle année, qui commence cette semaine.

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L’année politique a débuté dans le sillage de l’élection partielle dans la circonscription No 18 du 17 décembre 2017, à laquelle aucun parti au pouvoir n’avait présenté de candidat et qui s’est terminée par une victoire du candidat du Parti travailliste devant les candidats du MMM, du PMSD, du Mouvement patriotique et du Reform Party. Cette partielle faisait suite à la démission du leader du Reform Party, Roshi Badhain, du parlement.

La victoire du dirigeant du PTr, Arvin Boolell, est bien entendu récupérée par le leader des Rouges, qui y retrouve un peu de répit après s’être retrouvé au creux de la vague depuis sa défaite aux dernières élections générales. Il n’a pas cessé depuis de maintenir sa présence sur la scène politique. En fait, Navin Ramgoolam est le leader qui aura vécu la situation la plus cornélienne sur la scène politique. Il est pratiquement écartelé entre l’enchevêtrement des affaires auxquelles il doit faire face devant les cours de justice et ses activités politiques. Voilà quatre ans qu’il est resté cloué à Maurice, interdit de quitter le pays sans l’autorisation de la cour. Ce qui est une punition ultime pour un dirigeant politique connu pour son goût des voyages, en particulier à Londres, alors qu’il était à la tête du gouvernement ou même avant.

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Quoi qu’il en soit, le leader du Parti travailliste semble faire contre mauvaise fortune bon cœur. Chacune de ses comparutions en cour bénéficie d’une couverture médiatique. Il en profite des fois pour faire des déclarations à la presse à sa sortie. Sur le plan politique, il multiplie réunions et meetings à travers le pays et semble bénéficier de la sympathie de certaines organisations, dont la SDTF qui ne rate pas une occasion de le présenter comme invité d’honneur lors des cérémonies publiques organisées à l’occasion de fêtes religieuses, en affirmant que le Premier ministre a refusé ses invitations. Aujourd’hui, Navin Ramgoolam semble être devenu l’homme à abattre pour son principal adversaire du jour, le MSM. Il était d’ailleurs la cible principale d’Anerood Jugnauth lors de sa sortie politique à Roches-Noires à l’occasion d’une fête de fin d’année organisée par la régionale de la circonscription no. 7 où Ravi Yerrigadoo et Prakash Maunthrooa s’affichent comme des candidats potentiels pour les prochaines élections.

Mais selon les dirigeants du PTr, même si le Parti travailliste et Navin Ramgoolam sont perçus comme une alternance au pouvoir, il y a encore du chemin à faire. D’aucuns se demandent quand le PTr organisera son assemblée générale pour élire son nouveau comité exécutif. De plus, on estime que le projet de rupture préconisé par Navin Ramgoolam n’est pas encore très clair. « Pour nous, rupture voudrait dire le renouvellement d’au moins deux tiers des dirigeants du parti et une présence féminine plus importante, et cela devrait se refléter sur la liste des candidats », fait remarquer un dirigeant. Cette rupture devra être définie avec plus de précision sur le plan économique, insiste-t-on. Le plus grand problème pour les dirigeants du PTr est le sentiment que 40% de l’électorat mauricien sont encore indécis.

Pravind Jugnauth en quête de reconnaissance

Le mois de janvier 2019 marquera les deux ans de Pravind Jugnauth à la tête du gouvernement. Une large partie de son Prime ministership a porté sur sa volonté de s’affirmer comme leader de son parti, du gouvernement et du pays. Sa tâche n’a pas été aisée, même si dès le départ, il a récusé toute comparaison avec un autre leader. Cela n’a pas été facile pour lui de se défaire de la perception entretenue par l’opposition qui traite son arrivée à la tête du gouvernement comme le passage de témoin entre « papa-piti ». D’où le terme « premyer minis linpost ».

D’aucuns considèrent qu’il a eu tort de prendre sous sa charge non seulement la fonction de Premier ministre, mais également celle de ministre des Finances qui normalement en est une à plein-temps. Ces lourdes responsabilités ne semblent pas lui avoir laissé suffisamment de temps pour affirmer son autorité sur ses troupes. Avec pour conséquence que les abus commis par certains membres du gouvernement, à la tête de diverses institutions et les scandales de corruption qui en ont découlé, projettent l’image d’un leadership faible.

Le grand problème est que la commission d’enquête sur la drogue est venue mettre en cause des membres de son gouvernement et de son parti, malgré le fait que les remarques qui ont été exprimées à leur encontre sont actuellement contestées en cour. Le résultat est que la lutte sans merci que Pravind Jugnauth affirme mener contre le trafic de drogue avec le nombre d’arrestations et le volume de stupéfiants saisi est toujours considérée insuffisante par ses principaux détracteurs. Au chapitre du développement, il a réussi à mettre en chantier les principaux projets d’infrastructure dont le Metro express présenté comme le symbole du “Smart Maurice”. Il a réussi bon an mal an à surmonter tous les problèmes entourant ce projet dont la première partie aborde actuellement sa phase finale.

Sur le plan parlementaire, la non-adoption du projet de loi concernant la réforme électorale est perçue comme une défaite personnelle même s’il met cet échec sur le dos du leader du MMM, Paul Bérenger. La perception veut que cet échec soit dû à l’intransigeance de son parti de démontrer le poids de SAJ dans le gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth. L’ancien Premier ministre a lui même déclaré que de son vivant, « aucune contre-proposition de l’opposition et de Paul Bérenger ne sera acceptée ».

Par ailleurs, le traitement de certains dossiers économiques dont celui de l’industrie sucrière est décrié dans plusieurs quartiers. Au niveau du gouvernement et du MSM, on se dit confiant toutefois que graduellement Pravind Jugnauth s’affirme comme un leader auprès de son électorat. « Il a montré qu’il est bien en selle », souligne un Senior Member du gouvernement. Il souligne que le Premier ministre n’hésite pas à prendre des sanctions lorsque cela s’avère nécessaire en citant, entre autres, le cas de Showkutally Soodhun. Et ce membre en vue d’ajouter : « Personne ne peut mettre de côté Pravind Jugnauth de la scène politique. L’introduction du salaire minimum, de la “negative income tax” et des mesures sociales concernant les personnes âgées, entre autres, portera ses fruits à l’avenir. » 

Toutefois, au début de 2019, tous les regards seront tournés sur le Privy Council qui entendra l’appel concernant l’affaire MedPoint le 15 janvier dernier. Le jugement ou le “ruling” des juges britanniques sera déterminant pour l’avenir immédiat de Pravind Jugnauth. Pourra-t-il se défaire de cette épée de Damoclès ?

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