25 ANS DE CARRIÈRE—LINZY BACBOTTE: Tout feu, toute… femme

Il faudrait une vie pour la conter. Et justement, cette vie, elle l’a. Elle brille de pleins feux dans son regard de braise, se décline dans la force de ses cordes vocales dès qu’on lui colle un micro entre les doigts et jaillit de son rire fou, spontané et sans brides, qui la caractérise tant. Linzy Bacbotte est la fillette de tous les Mauriciens – on l’a tous vu éclore, s’épanouir, changer, prendre de l’ombre et revenir pour nous éblouir, en pleine lumière… De l’image d’elle, quand elle rafle le titre de la Star 2000, fin 1991, à maintenant, l’enfant d’hier devenue jeune femme d’aujourd’hui, a été adoptée par la nation. La mère de Solena et de Zion fête cette année ses 25 ans de carrière. Une vie bien remplie, un parcours très dense. Pas toujours, et heureusement d’ailleurs, un fleuve tranquille. Flow de paroles…
Un sourire. Beaucoup d’éclats de rires, surtout. Des rivières de larmes, inévitablement. Un regard espiègle et cette voix. « Je peux chanter du Whitney Houston (Ndlr : son idole) et on dira que c’est Whitney qui chante. Je peux faire du Mariah, et on dira que c’est elle… » Ça, c’est le passage par l’industrie de la musique « Made in France » (voir plus loin), qu’elle a connu et vécu pendant sa tendre adolescence, qui a laissé ses nombreuses empreintes chez elle, et dont elle a retenu les bonnes leçons. Mais pas que…
Sa vraie voix, celle de Linzy Bacbotte, née à 2h40 le 28 mars 1978, résonne dans tous les tympans des Mauriciens. Qu’elle tonne du séga, qu’elle pose son timbre sur des résonances reggae, de l’opéra ou du ragga – voire même l’Ave Maria ou Amazing Grace, pour ceux qui ont eu la chance de l’entendre. Et ce, depuis ce jour de fin 1991, quand elle est consacrée, dans les jardins de la State House, au Réduit, où la MBC organise cette finale du concours de chants – à cette époque, traditionnelle –, la Star 2000. Mais depuis quelques années avant cela, en 1988 plus précisément, la petite Linzy avait déjà entamé son tour de chant…
« Mo ti le vinn policiere ! », lâche-t-elle, dans un de ses fous rires dont elle seule connaît les notes. « Mai tension, pa la polis pou res dan biro. Mo ti le vinn motar ! Wi, motosyklette ti mo passion… » Et de confier : « L’uniforme m’impressionnait. Et l’idée de rouler à moto ! » À la même époque, la fillette, comme tant d’autres de son âge, rêvait aussi d’enseigner : « Ma mère et un voisin, Anil Isram, m’avaient carrément découragé !, relate-elle. Ils me voyaient, tous les jours frapper fort, à coups de batons, sur des roches, et craignaient que je ne cogne les élèves… »
Et une chose est sûre : « Jamais je n’avais envisagé faire carrière dans la musique et la chanson ! On faisait cela, comme ça. Cela ne me disait rien du tout ! » Aujourd’hui, Linzy Bacbotte est un nom incontournable de la scène musicale locale, une personnalité qui cumule les fonctions de conseillère au ministère des Arts et de la Culture tout en gérant, en parallèle, sa carrière d’artiste et de coach vocal, dont ses cours de chants pour Sing Again.
« Et toujours et surtout avec l’appui et la présence de ma moitié, Bruno Raya, tient-elle à souligner. Je ne suis pas complète sans lui. Il veille à tout et au grain ! Se gras a li si mo pe persevere zordi ! » Et de décocher dans un grand rire : « E dir ki ena de trwa lane de sela, mo pa ti gayn so traka ditou ! »
Garçon manqué
La rebelle, c’est elle qui choisit le qualificatif, était « enn garson manke ». Et d’ajouter : « Nous sommes à deux soeurs, moi et Cynthia. Elle est de 5 ans plus jeune que moi. Je demandais tout le temps à ma mère pourquoi on n’avait pas un frère. » Monique Bacbotte, femme au foyer, lui répondait alors que c’était elle, ce fils…
Linzy Bacbotte voit le jour à la route Palma, Quatre-Bornes. « Eh tension : jonksion routes Liloo ek Dansant ! Lamem kot bann Joganah reste ! Danzere net. » En 1978, son père, Lindsay, travaille sur une propriété sucrière et cumule aussi les métiers de menuisier et ‘foreman’ maçon. « J’ai vécu une enfance très modeste, se remémore-t-elle, les yeux embués. Nous étions pauvres, mais nous n’avons jamais manqué de rien. Il y avait de l’amour, beaucoup d’amour. Et cela suffisait pour que nos coeurs s’en portent bien. » Son grand-père maternel, F. Couronne, surnommé Bouboule, avait été musicien pour Bam Cuttayen et Lataniers. Elle-même avait poussé la chansonnette avec les frères Joganah… Une des raisons pour laquelle Ram sera l’un de ses invités en octobre prochain lors de son concert-anniversaire.
Le cheminement aurait pû être tout autre pour Linzy Bacbotte. Personnellement et professionnellement. « Se mo parain ki premie finn dekuver moi », tient-elle à préciser, et pour remercier dans la foulée José Bacbotte. En 1985, alors qu’elle a 7 ans, la petite Linzy participe à la chorale… « Par la fenet ! Parain ti pe gratt so la guitare, bann zanfan la ti pe sante, ti Linzy, dehor suiv ensam, aprane sante ek sante ek zot… » 1988 : José Bacbotte inscrit Linzy « ainsi que quelques autres cousines, dont Rosy Augustin, aujourd’hui sergent de police, et Kanelle Bacbotte », à des concours de chants, notamment Star 2000. « Li fini inscrir nou tou, apre li vinn lakaz ek dir nou : « vinn repete, nou pe partisip dan konkur… » C’était un véritable phénomène ! Mais c’est le premier qui m’a fait confiance et qui a vu du talent en moi. »
À une autre compétition la même année, marquant l’indépendance du pays, le petit groupe se voit attribuer un prix spécial du jury. Dépendant des circonstances, « parrain ti pe compoz morso lor bolom nwel, sirtou, kan ti pou Star 2000… » En 1989, elle change de registre : « Ti pe grandi, pa pou sante santé bolom nwel ! » Elle opte pour la Lambada, qui fait fureur sur les ondes à l’époque. L’année suivante, elle rate sa participation à Star 2000 car s’étant fracturé le bras en jouant au football : « Lor la plaz Flic-en-Flac, mo ti raye ek mett goal avan mo tombe ek kass mo lebra ! » se souvient-elle fièrement, « parce que j’insistais pour aller chanter même avec un plâtre au bras. » Son choix se portait alors sur Stand by your man de Tammy Wynette. « Mo ti extra anvi sant sa morso la. » Mais cette année-là, Linzy est absente de la Star 2000.
Sister Act !
Ce n’était que partie remise. L’année qui a suivi a vu sa consécration d’artiste-enfant : un des premiers de Maurice. À l’époque, Linzy Bacbotte pensait pourtant « vouer ma vie à Dieu ». Elle reprend : « Je comptais sérieusement entrer dans les ordres. » Ses cousines et ses proches « se moquaient ouvertement de moi et tous disaient : « Linzy maser ? Abe sa nek Sister Act ki pou deroule, sa ! » ».
En 1991, c’est Monique Bacbotte qui avait inscrit sa fille Linzy à Star 2000. Promise Me de Beverly Craven lui permet de décrocher le titre de Star 2000. « J’ai toujours en ma possession la chaîne avec une étoile et l’inscription Star 2000 », confie-t-elle. En revanche, « la bicyclette, je l’ai donné à mon cousin, Lindsay Fidèle, qui m’accompagnait au piano pendant les répétitions. »
Cet épisode marque aussi la rencontre de Linzy Bacbotte avec un groupe d’artistes très talentueux et visionnaires de l’époque : Belingo et Manfred Faro, Linley Marthe et Momo Manancourt. Ils évoluaient au sein de la formation Mogoley, qui se produisait au Domaine Les Pailles. Lors de la finale de Star 2000, en 1991, c’est Linley Marthe qui accompagnait Linzy Bacbotte au piano.
Cette rencontre sera décisive pour le début de carrière de la jeune artiste. Elle les accompagna pendant le court lapse de temps qu’a duré la formation au Domaine Les Pailles, puis décrocha « grâce à Patti Manancourt, qui était membre du jury de Star 2000 en 1991, mon premier salaire de Rs 2 500 ! » Elle avait été recommandée par celle-ci et avait participé au spectacle Rhythm N Blues. Linzy Bacbotte y avait interprété, entre autres, Ben, de Michael Jackson… « Où qu’elle soit, Patti, je la remercie du fond du coeur. »
Sa carrière bien sur les rails, Linzy Bacbotte était bien partie pour devenir un des talents sûrs de l’île. Ce qu’elle est. Ce que Michèle Étienne, qui animait la Star 2000 et qui s’était autoproclamée « la marraine » de Linzy, avait prédit ce jour-là. Mais cela aurait pu également tourner au cauchemar… Elle cite, à ce titre, deux chapitres très douloureux de sa vie : l’un professionnel (voir plus loin), l’autre, privé. « La raison pour laquelle, décline notre interlocutrice, très sobre et posée, je rends grâce à Dieu chaque jour et à chaque moment. Il a guidé mes pas, m’a protégée et m’accompagne toujours. Sans lui, tout aurait pu être très différent. »

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