Vivre à l’étranger : sublimer la réalité

SAMEERAH AUMJAUD

- Publicité -

On l’entend bien trop souvent ; ce ‘Ayo! Deor pli bon !’ ou encore : ‘pa retourn Moris ein, res laba mem !’. Le niveau d’espoir que les Mauriciens ont pour leur propre pays est navrant. Nous avons cette perception des pays du premier monde comme ‘modèles’, autant sur le plan économique, politique et social. Où les gens mènent une vie brossée à la perfection, comme à Hollywood, où tout est ‘in’, où tout est glamour. Où l’anglais se parle avec ce petit côté ‘British’, et où l’on porte une attention particulière à accentuer ses ‘r’ en exerçant la langue de Molière. On imagine ces gens en tailleur, sur le chemin du travail, avançant avec ultime classe à travers le métro, ‘airpods’ aux oreilles et café à la main.

Il porte à croire que c’est réconfortant de romancer cet eldorado dans lequel on aurait souhaité vivre, avec l’espoir qu’un jour ce serait l’un d’entre nous qui mènerait une vie à l’Hollywoodienne. Mais je peux vous en assurer, la réalité en est complètement autre. Commençons par la qualité de vie. Il est très commun de prendre pour fait accompli que vivre à l’étranger est synonyme d’une meilleure condition sociale. Cependant, au fil des dernières années, l’île Maurice a fait d’énormes progrès au niveau des systèmes d’infrastructure et de services ; nous possédons désormais des chemins asphaltés et adéquats, des centres commerciaux conformes aux standards internationaux, et des options de divertissements à faire grimper l’adrénaline. Certes, nos embouteillages, nos coupures d’eau ou le manque de fiabilité de nos transports en commun sont des sujets qui sollicitent une perpétuelle amélioration. Mais il est aussi important de souligner que les problèmes d’infrastructure sont des défis auxquels les gouvernements du monde entier doivent se confronter.

La culture occidentale est un autre paramètre auquel de nombreux Mauriciens aspirent. Toutefois, si nous épluchons soigneusement son apparence laquée, nous découvrirons que c’est une culture axée sur le consumérisme, qui nous incite inconsciemment à nourrir le mécanisme capitaliste qui détruit notre planète un peu plus de jour en jour. Une consommation accrue est synonyme de production excessive de déchets. Par conséquent, les pays occidentaux sont les plus grands producteurs de déchets au monde, et les chiffres ne cessent d’accroître.

Par ailleurs, on a vite fait de critiquer les principaux protagonistes de la scène politique mauricienne tout en citant les pays occidentaux comme exemple, mais il ne faut certainement pas oublier que la réputation des leaders les plus éminents de ce monde laisse grandement à désirer. De Donald Trump à plus récemment Boris Johnson, ou même Justin Trudeau, qui s’est récemment trouvé au cœur d’un scandale de corruption, la politique décevante, partisane et fourbe touche toutes les parties du globe.   

Contrairement au Dodo, les palabres, le ‘vey zafer dimounn’ et les coups bas ne sont pas des pratiques endémiques de notre île. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces comportements sont purement causés par la nature humaine et le stimulus que lui procurent les potins, et ne sont nullement attribués à certaines cultures spécifiquement. Ces pratiques malsaines sont certainement aussi observées dans l’environnement professionnel et social des pays occidentaux, et le fait de posséder un job ou un statut social à l’« American Dream » ne nous immunise pas contre ces comportements destructifs.

Nous avons aussi cette perception des Mauriciens étant ‘ti-lespri’, fervents adeptes du ‘nouban-isme’. Toutefois, il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour réaliser que le racisme et l’intolérance font partie des pratiques les plus destructrices du monde occidental. Et nous, en tant qu’étrangers et personnes de couleur dans ces pays majoritairement caucasiens, sommes jugés encore plus sévèrement de par notre couleur de peau, notre accent et nos origines. On peine parfois à l’admettre, mais nombreux de nos compatriotes de la diaspora mauricienne en payent les conséquences au quotidien. En relativisant, nous réaliserons que nous avons beaucoup de chance de vivre dans un environnement paisible, où un peuple arc-en-ciel puisse prospérer en toute harmonie.

Ceci est un appel aux Mauriciens d’ici et d’ailleurs de se dénuer de cette attitude négative envers nou tizil, et de cet esprit de comparaison, qui a pour seule conséquence la propagation d’un peuple perpétuellement amer et mécontent. Que vous choisissez de vous établir à la mère-patrie ou à l’étranger, ceci est un choix entièrement personnel basé sur des préférences individuelles, et je tiens à accentuer qu’il n’y a ni bon ni mauvais choix. Une chose est cependant certaine : il n’existe pas de monde utopique. Chaque contexte possède ses pour et contre, et il nous appartient d’évaluer quel environnement correspond le mieux à nos aspirations et à nos valeurs. Et qu’importe le choix que nous poursuivons, prenons le temps d’apprécier notre petit coin de paradis, et anou marye-pike pour cultiver le potentiel de nou tizil à son maximum.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour