En apprenant par l’entremise de mon ami Thirunianam le décès de S.P Balasubrahmanyam (1946-2020) survenu à Chennai le 25 septembre dernier, j’ai pensé à ma Amaye (grand-mère maternelle) Amba que j’ai appelé aussitôt pour transmettre la triste nouvelle. Elle était sous le choc. « Ayo Pa! », me dit-elle d’une voix tremblante. On a échangé quelques mots sur les jours ayant précédé sa mort, notamment son combat contre la COVID-19 et sa riche carrière.
Mes pensées étaient envahies par les souvenirs d’elle et de mon Tata (grand-père) Samougon, qui nous a quittés en 2004. Coïncidence (ou pas), je viens de tomber sur un vieil enregistrement de ce dernier fait lors d’un programme de chant dédié au Dieu Ganesha et Krishna à la MBC dans les années 1970. Il avait créé le Bharathiyar Band en 1966 et s’en occupa activement jusqu’en 1975. Écouter sa voix est un moment de pur bonheur, difficile à peindre avec des mots. Ce sont ces deux-là qui m’ont transmis leur amour non seulement pour la langue tamoule mais aussi pour sa littérature et sa riche tradition musicale. Enfant, quand j’allais leur rendre visite, j’étais toujours fasciné par leur importante collection de cassettes audios, avec des jaquettes en couleur, et aussi par la manière d’insérer les cassettes dans l’appareil. Je me demandais alors comment la machine pouvait les lire! Tout un art!
Plusieurs de ces cassettes avaient un visage particulier dessus: Sripathi Panditaradhyula Balasubrahmanyam. Né le 4 juin 1946 à Nellore dans l’état d’Andhra Pradesh, SPB ou Balu pour les intimes et connoisseurs, était destiné à devenir ingénieur mais a dû changer de carrière à cause de la maladie. Il fait ses débuts en tant que chanteur playback en 1966 avec Sri Sri Sri Maryada Ramanna, un film en télégou dont la musique a été composée par son mentor, S. P. Kodandapani. Huit jours plus tard, il enregistrera sa première chanson en Kannada pour le compte du film Nakkare Ade Swarga avec le grand comédien T. R. Narasimharaju. Sa première chanson en tamoul “Athaanodu Ippadi Irundhu Eththanai Naalaachu”, un duet avec L.R Easwari sous la direction de M.S Viswanathan, n’a jamais vu le jour. Au cours de sa carrière qui s’est étalée sur plus d’un demi-siècle, SPB a chanté près de 40 000 chansons dans au moins 16 langues dont le tamoul, le télougou, le Kannadam, le Malayalam et le Hindi. Ce dernier détient le nombre record de chansons chantées en une journée – 21 au total – qu’il fit poser pour le compositeur Upendra Kumar en Kannadam à Bangalore de 9 h jusqu’à 21 h un 8 février 1981!
Comme Chazal, SPB chantait pour se donner également. Lui – qui a bâti sa carrière à une époque où les cassettes venaient de faire leur apparition en Inde – a continué à chanter pour le plus grand plaisir de ses admirateurs durant toutes ces années jusqu’à ce que la maladie l’emporte. Les gens pleurent celui qui a tout donné pour son public et qui avait une chanson pour chaque phase de la vie d’un individu et pour pratiquement chaque émotion. Avec son départ en ce mois tamoul pieux de Purattasi, c’est tout un pan de l’histoire de la musique indienne qui s’en va. Désormais, « he shall sing for the gods » comme me le disait récemment un ami.
En mettant de l’ordre dans ses affaires, ma Amaye m’a remis quelques-unes des cassettes de sa collection. Et parmi, je retrouve avec beaucoup d’émotion quelques jours après la mort de SPB une cassette de chansons dévotionnelles à la gloire du Dieu Krishna qu’il a enregistrées avec K.S Chitra sorti par AVM audio. J’écoutais SPB avec admiration. Désormais je le ferai également avec un brin de nostalgie à la mémoire de celui qui représente un lien avec mon enfance ainsi qu’avec ma Amaye et mon Tata.