À NOS COMPATRIOTES DIALYSÉS : Il faut que beaucoup implorent votre pardon…

MÉLANIE THÉODORE

Nous sommes tous sous le choc de la perte atroce de nos patients dialysés. Nous sommes un petit pays, un peuple différent de ceux de grands territoires où le nombre important de décès ne choque plus. Nous sommes profondément attachés à nos concitoyens et à nos coutumes. Il est bon de le faire ressortir car cela aiderait à comprendre notre ressenti quand on nous annonce de but en blanc, même un seul décès ou qu’on nous dévoile froidement les comorbidités des patients. Si les comorbidités ont bon dos, soignons justement nos comorbidités: l’arrogance associée à l’incompétence, une crise sociale et l’absence d’une vraie communication, une considération essentiellement pécuniaire plébiscitée par le fameux “Vivre avec le Virus”, une situation tour à tour alarmante et “sous contrôle » où l’incohérence et la confusion règnent en maître, vouloir sortir de cette épidémie en prônant le chacun pour soi alors que la solution se trouve dans l’effort collectif. À penser uniquement gros chiffres, et crise économique, on oublie que nos morts ne sont pas des statistiques et encore moins de petits incidents.

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Comment rester insensible face à votre disparition, vous, nos compatriotes dialysés ? Nous ne voulons pas connaître vos noms par respect, ce respect que nous vous devons tous. Nul besoin d’imaginer vos traits, ni votre silhouette, vous étiez des nôtres, c’est assez.  Cependant, nous voyons en vous des pères, des mères, des amis, des êtres chéris, des êtres que nous chérissons nous aussi sans connaître, des hommes et des femmes à qui nous aurions voulu témoigner notre soutien. Trop tard, l’ incompétence en a voulu autrement. 

Sachez que vous voir partir ainsi, l’un après l’autre, nous révolte. Nous sommes indignés contre un « système » qui n’a pas su vous protéger. Avec une compassion sincère mais impuissante nous pensons à vos proches, abattus par cette double absence, accablés par cette double souffrance, troublés par cet étrange adieu qui déroge à nos traditions mauriciennes, tourmentés par de multiples interrogations qui resteront, nous le savons que trop bien, sans réponse.

Nous vous saluons bien bas ; poussés au front, vous avez été de vaillants combattants. Non, vous n’êtes pas les plus faibles, les plus faibles sont ceux qui ont manqué à leur devoir, consciemment ou pas. Il est donc intolérable qu’on parle de vous brièvement, prétextant votre maladie, ou en clamant « la mort, personne n’y échappe! » En revanche, il faut que beaucoup implorent votre pardon de n’avoir pas été à la hauteur de leur mission. Nous n’oublions pas vos amis dialysés, angoissés certes, mais qui luttent, nous leur crions : Battez-Vous !! Soyez Forts, la population mauricienne est avec vous ! 

Sachez qu’aujourd’hui beaucoup de Mauriciens vous pleurent, et que là où vous êtes, vous êtes beaucoup plus vivants et humains que beaucoup d’hommes et de femmes au cœur devenu froid…

George Orwell dit :

« Mais si le but poursuivi était, non de rester vivant, mais de rester humain… »

Alors maintenant plus que jamais, ne laissons ni la peur ni l’indifférence nous tuer, mais restons responsables, patriotes et humains. 

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