À nos frères et sœurs !

Si la question climatique revient continuellement sur le tapis, c’est évidemment parce qu’il s’agit d’une urgence planétaire. Et que si rien n’est rapidement fait pour enrayer le processus, le vivant, dans son ensemble, court à la catastrophe. Entendez par là des extinctions massives, touchant différentes classes d’espèces, y compris donc la nôtre. Pour autant, le défi climatique est loin d’être le seul à relever en ces heures sombres de l’histoire de notre planète. À commencer par la destruction de la biodiversité, qui paie un lourd tribut à notre insolente nonchalance et notre protectionnisme exacerbé à un système économique, pourtant depuis longtemps déjà en « défaut de paiement » en matière environnementale.
Oui, mais pourquoi, demanderez-vous ? Pourquoi se soucier à ce point des autres espèces, animales et végétales, avec qui nous partageons pourtant le même espace depuis l’apparition de Sapiens ? La première réponse qui devrait venir à l’esprit est bien entendu d’ordre éthique, ou plus prosaïquement de notre conscience, pour peu qu’il nous en reste. Comme l’aiment le rappeler les adeptes du bouddhisme et autres courants un tant soit peu protectionnistes de la nature, tout « être », y compris végétal, a gagné sa place et doit la conserver. De même que toutes les espèces participent à un « tout », que rien ni personne ne devrait pouvoir venir déstabiliser. Enfin, tout être vivant n’a qu’une seule existence, et l’abréger – si ce n’est pour se nourrir – ne devrait donc être permis.
Pour autant, laissons en instant la question éthique de côté, et donc la question d’un examen de conscience. Puisque l’être humain est par nature, apparemment, doté d’un extraordinaire niveau d’égoïsme – qui plus est dans un monde lui conférant un degré de confort tout aussi fantastique, favorisant par conséquent ce stupide travers comportemental –, intéressons-nous donc à notre propre cas, à notre propre confort. Avec un constat tout aussi affligeant : si nous pensions pouvoir nous passer de nos frères et sœurs biologiques, il s’agirait d’une grave erreur ! Ainsi, rappelons que la biodiversité garantit le bon fonctionnement des écosystèmes, de même que chaque espèce est unique, et donc irremplaçable. Or, une disparition – processus de facto irréversible – peut avoir de nombreuses conséquences imprévisibles sur le reste de l’écosystème, et dont nous dépendons.
Par ailleurs, la biodiversité rend à l’espèce humaine des services dits « écosystémiques », tels que la pollinisation, la production d’oxygène, voire la purification des eaux. Des services qui n’ont pas de prix, mais que « l’humain » a toutefois décidé de chiffrer. Comme l’OCDE, qui a estimé à USD 135 000 milliards les bénéfices fournis à nos sociétés par la biodiversité, tout en ajoutant que pas moins de 40% de l’économie mondiale repose sur les « services rendus » par la nature.
Parmi ces services, l’un des plus importants conférés par la biodiversité, outre ceux indispensables au fonctionnement de la planète et à notre alimentation, reste ceux liés à notre santé. Car oui, la biodiversité nous permet aujourd’hui d’élaborer des médicaments et des vaccins, mais aussi de purifier l’air et l’eau, en contrôlant la population microbienne. Aussi, anéantir une seule espèce végétale, par exemple, pourrait condamner de la même manière une espèce particulière de pollinisateurs, et par ricochet d’autres espèces végétales portant potentiellement en elles le(s) remède(s) à l’une ou l’autre maladie humaine. Preuve que l’humanité demeure interdépendante du reste de la vie sur Terre.
En devenant le prédateur ultime, l’humain aura asservi son environnement, ne conservant que les espèces qui lui semblent les plus bénéfiques, et écartant volontairement les autres. Oubliant ainsi toute la portée de ce juste équilibre conféré par la nature entre les espèces. Un équilibre rendu si fragile aujourd’hui que la protection de la biodiversité est devenue d’une importance tout aussi capitale, si ce n’est plus, que la cause climatique. Pour peu bien sûr que l’on en prenne conscience avant qu’il ne soit définitivement là aussi trop tard.

- Publicité -

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour