AFFAIRE DHARMANAND DHOOHARIKA : Le Privy Council renverse le jugement de la Cour Suprême

Le Judicial Committee du Privy Council a rendu hier après-midi le jugement dans l’appel interjeté par Dharmanand Dhooharika pour contester la sentence de trois mois de prison que la Cour suprême lui avait imposée pour outrage à la Cour. Les Law Lords ont tranché en sa faveur concluant qu’il n’avait pas bénéficié d’un fair trial. La sentence de trois mois de prison a ainsi été annulée. « Mr Dhooharika was not properly convicted of the offence. The Board does not agree that he was acting in bad faith », souligne le Privy Council dans le jugement.
Dans leurs observations, les Law Lords ont fait ressortir que bien que le délit de Scandalising the court existe at common law depuis plusieurs années, il a toutefois été critiqué et aboli au Royaume-Uni. Les Law Lords se sont appuyés sur un ancien jugement (Ahnee v Director of Public Prosecutions [1999] 2 AC 294) pour déterminer ce que disaient les lois mauriciennes. « It would be inappropriate to depart from the decision in Ahnee and, if the offence is to be abolished in Mauritius, it should be abolished by statute », ont-ils souligné. Par ailleurs, le Judicial Committee du Privy Council est d’avis que l’ancien rédacteur en chef de Samedi Plus n’avait pas bénéficié d’un procès équitable car il n’avait pas eu l’occasion de témoigner en cour, cela étant son droit. Les Law Lords ont également trouvé qu’il n’avait pas agi par mauvaise foi. « Mr Dhooharika did not receive a fair trial. The alleged contemnor is always entitled to a fair trial and, depending upon the circumstances, he will almost certainly be entitled to call oral evidence on his behalf, including his own evidence. In the instant case, Mr Dhooharika was, as a matter of practical fact, deprived of his right to give evidence on his own behalf. He should have been permitted to give evidence. Mr Dhooharika was not properly convicted of the offence. The Board does not agree that he was acting in bad faith. The various articles and their presentation, taken as a whole, were not intended to convey the message that the allegations of Mr Hurnam were justified and that the Chief Justice should resign and appear before a tribunal », dit le jugement.
Rappelons que la Commonwealth Lawyers Association a obtenu la permission pour intervenir dans l’appel interjeté par Dharmanand Dooharika. Les avocats Mes Roshi Badhain et Ravi Rutnah l’avaient représenté à la Old Bailey Court à Londres pour débattre de l’affaire.
Pour cause de maladie, le journaliste et rédacteur en chef de Samedi Plus n’avait pu faire le déplacement pour assister à son procès à Londres mais avait obtenu le soutien d’un panel d’avocats britanniques et de la Commonwealth Lawyers Association militant pour les droits humains et la liberté de la presse.
En octobre 2011, Dharmanand Dhooharika avait été condamné à une peine de trois mois de prison pour outrage à la Cour. Le Directeur des Poursuites Publiques lui reprochait d’avoir « publicly scandalised the Supreme Court and brought the administration of justice into disrepute » par la note éditoriale, les articles et l’interview publiés dans l’édition du 14 août 2010 de son journal. En appel, Dharmanand Dooharika disait « whether the offence of « scandalising the court » represents unjustified interference with right to freedom of expression. Whether the Court’s decision to convict the appellant was otherwise erroneous on the facts and whether a sentence of 3 months imprisonment for the editor of a newspaper was wholly excessive ».
Dans l’éditorial incriminé, avait rappelé le Senior Puisne Judge d’alors, Keshoe Parsad Matadeen, Samedi Plus s’est référé à une lettre envoyée par Dev Hurnam au président de la République. Dans cette correspondance, l’ex-avocat invitait le président à considérer la possibilité d’instituer un tribunal pour enquêter sur des allégations de mauvaise conduite de membres du judiciaire. Il y avait aussi eu un article portant la signature du rédacteur en chef et ayant pour titre « Scandale Barclays Leasing – Dev Hurnam réclame la prison pour le Chef juge » et pour sous-titre « Sik Yuen doit se retirer comme Chef juge ». Le DPP avait jugé que toutes ces allégations contenues dans des articles publiés étaient « baseless, gratuitous, malicious » et avaient pour but de nuire au judiciaire et mettre en péril son autorité. Ajoutons que le journaliste, pris d’un malaise après que le juge Matadeen eut rendu son jugement, a dû se faire transporter dans une ambulance à l’hôpital Apollo, où il a été admis et est resté pendant quelques jours. À sa sortie, il fut conduit à la prison de Richelieu. Il y a passé quelques jours de détention, jusqu’à ce que ses conseillers légaux obtiennent sa remise en liberté conditionnelle. Les hommes de loi du rédacteur en chef de Samedi Plus avaient enclenché les démarches pour réclamer une suspension du jugement (stay of execution) en attendant que l’appel soit entendu par le Privy Council.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -