Alain Law Min (Chairman de la MBA) : « Des divergences au board peuvent surgir au sein de toute entreprise »

  • Liste noire de l’UE : « Jusqu’à l’heure, nous semblons bénéficier de la confiance de nos collaborateurs et de nos clients »

Alain Law Min, CEO de la MCB, vient d’accéder à la présidence de la Mauritius Bankers Association. Face aux nombreux défis qui guettent les banques depuis ces derniers mois, en termes de mauvaise gestion pour certaines, d’administrateurs aux compétences douteuses pour d’autres, de prêts non performants pour quelques-unes, le nouveau président de la MBA réagit et tente d’apaiser la situation. Alain Law Min aborde également l’environnement économique, où les taux d’intérêt s’étiolent — ce qui contribue d’ailleurs à faire chuter les revenus bancaires. Interrogé sur les “boardroom battles”, il dit qu’elles arrivent « au sein de n’importe quelle entreprise » et réitère que le secteur bancaire est bien capitalisé, bien réglementé et qu’il « inspire confiance ».

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Vous venez d’être réélu à la présidence de la MBA, quelles seront vos priorités pour l’année en cours ?

L’objectif de la MBA est de favoriser un environnement bancaire novateur, compétitif et sûr. Durant cette année à venir, je vais m’assurer de poursuivre le travail déjà amorcé par rapport à l’avenir du secteur et à la continuité du plan stratégique de l’association, qui est en phase d’implémentation. Certains des axes prioritaires sont notamment la représentation, en tant que porte-parole du secteur bancaire, le développement et la digitalisation de l’industrie en question, à travers des programmes de sensibilisation et de formation, de même que le développement du centre financier international mauricien en général. Cela requiert une synergie totale entre les acteurs de notre industrie, le régulateur et tous nos “stakeholders”, dans un contexte particulièrement exigeant en raison de la COVID-19.

La COVID-19 a confronté les banques à un véritable choc. Tout a changé dans vos opérations, à commencer par des conditions de crédit plus souples pour les individus et entreprises, dont beaucoup évoluent dans des secteurs en grande difficulté. Ces nouvelles conditions de crédit représentent des risques accrus pour le secteur bancaire. Comment les gérer tout en soutenant les acteurs économiques dans la conjoncture ?

La COVID-19 est effectivement venue bousculer les rouages bancaires et les habitudes, parfois bien ancrées, des clients. Les banques ont cependant continué de fonctionner tout au long du confinement. Il est bon de noter que, si les produits sont devenus plus flexibles, les normes concernant l’octroi du crédit sont restées les mêmes, car les banques doivent protéger l’argent des déposants. Les banques sont déterminées à soutenir notre économie et participent activement au plan de soutien de l’État. Nous continuerons d’apporter notre aide aux opérateurs économiques pendant cette période temporaire de baisse d’activités, et demeurons optimistes quant à une reprise pour bientôt. D’ailleurs, certaines activités économiques ont déjà repris leur cours normal. Plus la reprise vient tôt, le mieux ce sera.

Les banques sont-elles prêtes pour une digitalisation tous azimuts face à la percée des acteurs fintech qui menacent de prendre une part de votre marché ?

Il est bon de souligner que les banques sont déjà embarquées dans ce processus depuis des années. L’augmentation du volume de transactions bancaires effectuées par canaux digitaux pendant le confinement est un signal positif dans cette direction. Il y a eu beaucoup d’accent sur les modes de paiement par canaux digitaux pendant le confinement, ce qui a fait que nous avons traversé cette période avec un nombre restreint d’agences ouvertes. Nous accueillons favorablement la percée des acteurs de la fintech, qui viendront dynamiser le marché traditionnel – tant que les mêmes règles s’appliquent à tout le monde. Nous espérons voir une plus grande migration des clients vers les canaux digitaux, et voir évoluer l’écosystème dans cette direction.

Dans un environnement de taux d’intérêt extrêmement bas, qui frappe fort sur les revenus des banques de manière générale, sur quels autres claviers devez-vous jouer pour assurer un même niveau de revenu ?

La performance sera surtout influencée par le contexte économique général, plutôt que des taux faibles spécifiquement. Actuellement, le niveau d’activité financière est réduit; il y a moins d’investissements privés, alors que certains projets sont en attente jusqu’à ce que se profile à l’horizon le début d’une reprise. Encore une fois, nous restons optimistes par rapport à la reprise. Chaque banque a sa propre stratégie pour réagir au marché actuel, mais dans l’ensemble, il s’agit souvent de s’aventurer dans de nouveaux créneaux porteurs, tels que le “Trade Finance”, la gestion de la trésorerie ou encore le “Private Banking”.

L’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne ne risque-t-elle pas de vous jouer un mauvais tour sachant que les banques locales dégagent un fort pourcentage de leurs revenus du Segment B ?

Si l’inclusion de Maurice sur la liste de l’Union européenne est regrettable, il faut noter que, dans l’ensemble, à part une poignée de cas très particuliers, nous n’avons heureusement pas constaté de conséquences adverses sur les paiements et les dépôts. Ceci démontre que les banques correspondantes et les banques étrangères, avec lesquelles nous traitons depuis longtemps, ont une bonne compréhension des risques associés à Maurice.

D’ailleurs, les observations du GAFI, qui ont été reprises par la Commission européenne, de même celles de l’ESAAMLG, n’impliquent heureusement pas le secteur bancaire, qui adhère à des normes internationales plus élevées que celles en vigueur à Maurice, de par la nature internationale du monde bancaire. De plus, le gouvernement est en train de travailler à un rythme très soutenu dans le but de nous sortir de cette liste le plus rapidement possible. Nous ne pouvons pas savoir, à ce stade, exactement à quel moment nous sortirons de cette liste, ou s’il y aura un choc à l’avenir. Il y a un risque potentiel, mais sur la base de ce que nous avons vu jusqu’à l’heure, nous semblons bénéficier de la confiance de nos collaborateurs et de nos clients, et nous avançons rapidement vers la sortie de ces listes.

L’image du secteur a pris un rude coup ces derniers mois, avec des créances douteuses et autre Boardroom Battle. Diriez-vous que certaines banques doivent se ressaisir ?

Toutes les banques sont sujettes au risque d’exposition à des créances douteuses ; gérer cela fait partie du métier des banques. Aujourd’hui, les normes réglementaires en vigueur aident justement en matière de gestion de ces risques. S’agissant des “boardroom battles” évoquées, nous ne pouvons commenter sur les problèmes internes de banques individuelles. Tout comme pour les créances douteuses, des divergences au conseil peuvent surgir au sein de n’importe quelle entreprise. L’important est de gérer ces situations difficiles sans qu’il y ait d’impact sur la performance de la banque. Aujourd’hui, nos banques sont bien capitalisées, bien réglementées, et inspirent la confiance du public et des entreprises.

Et que dire de la compétence de certains administrateurs bancaires qui a été remise en cause par la banque centrale récemment ?

Aujourd’hui, toute nomination d’administrateur nécessite l’aval de la banque centrale, qui vérifie que les administrateurs soient “Fit & Proper”, c’est-à-dire qu’ils ont les compétences et l’expérience nécessaires pour siéger. La banque centrale dispose de pouvoirs très étendus par rapport à la supervision continue des banques, et a le droit d’intervenir lorsqu’elle le juge nécessaire, selon les dispositions de la loi. Évidemment, à la MBA, nous ne sommes pas au courant des faits, et ne faisons pas de commentaire par rapport aux affaires internes de banques individuelles.

Propos recueillis par Magali Frédéric

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