Ameenah Gurib-Fakim : « Une forme d’exclusion dans la stratification apportée à l’éducation »

Si tous les enfants ont accès à l’éducation à Maurice, « il existe une forme d’exclusion dans la stratification apportée à l’éducation ». C’est ce qu’estime en tout cas l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, qui participait jeudi à un atelier de travail organisé par la M-Kids Organisation dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté. Elle a souligné l’importance de la « vision des parents » et le « regard » de chaque Mauricien sur la pauvreté. Belall Maudarbux, consultant en gestion de projet social, a condamné la pauvreté structurelle qui conduit à la pauvreté intergénérationnelle.

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« À travers le monde, on dénombre plus de 700 millions de personnes pauvres », a rappelé l’ex-présidente de la République. Elle est revenue sur son enfance modeste à Plaine-Magnien où, dit-elle, les voisins « étaient des travailleurs manuels et marchands de pain », mais où « mon père a donné une éducation égale à son fils et à sa fille, alors qu’à l’époque ce n’était pas une priorité d’éduquer les filles car l’éducation étant encore payante ». Ce qui l’a amenée à dire que « la vision des parents » est importante. De même que la qualité de l’éducation qu’on apporte aux enfants. « Tout le monde a accès à l’éducation, mais cette stratification qu’on y apporte comporte une forme d’exclusion. »

Dans un avenir proche, « nous verrons l’impact de l’intelligence artificielle » sur les pertes d’emploi. « 60% des enfants qui naissent actuellement travailleront dans un secteur qui n’existe pas encore. Que signifiera cela pour un pays comme Maurice ? Il nous faut y réfléchir », dit-elle. Pour Ameenah Gurib-Fakim, il importe de « développer les talents des jeunes et de reconnaître les “emotional inteligences” que l’on perd dans l’éducation » académique. « Il nous faut valoriser les personnes qui travaillent avec leurs mains et les sportifs. »

Elle s’est engagée auprès de l’Ong internationale Save the Children, qui a initié un projet sur la nutrition. À une époque où les “fast-foods” ont la cote chez les jeunes, « le rôle des parents qui contrôlent leur alimentation est essentiel ». Elle poursuit en disant que « le regard de chaque Mauricien envers un démuni est important », poursuivant : « Quel regard a-t-on sur le démuni à côté de nous ? Le zakaat n’est pas juste pour un jour. »

L’ex-présidente de la République s’est aussi engagée avec la Banque arabe dans un projet pour l’Afrique sur la “Literacy” au niveau scientifique. « Le focus pour Maurice sera sur la biodiversité et le changement climatique. » Il importe, ajoute-t-elle, « d’identifier les secteurs porteurs d’emploi et de cultiver la notion d’entreprendre chez les jeunes ».
Pour sa part, Belall Maudarbux a souligné l’importance de la pauvreté infantile dans le combat contre la pauvreté. « Parmi les personnes vulnérables, il y a un groupe qui est encore plus vulnérable, et ce sont les enfants. Ils méritent plus d’attention. » Il existe, dit-il, deux types de pauvreté : « La pauvreté actuelle et une autre, plus sinistre, la pauvreté intergénérationnelle. »

Il devait, pour mieux illustrer son argument, prendre son propre exemple. « Je suis originaire de Camp Chapelon. Ma mère était femme au foyer et mon père, maçon. Petits, les membres de ma famille travaillaient soit à l’usine de savon, soit dans la zone franche. Les amis avec qui je jouais avaient des parents pauvres. Aujourd’hui, ils sont toujours pauvres, de même que leurs enfants. Trois générations sont dans la pauvreté. »

Il précise que cette situation est loin d’être le fait d’un manque d’efforts, mais davantage à cause de la “pauvreté structurelle”. « Depuis petit, j’étais toujours premier en classe. Mais aux examens déterminant l’entrée au collège, il y a eu une rédaction sur la “cuisine”. Or, ma mère a toujours dit : “met lasiet dan basin”. Je ne connaissais pas le mot “évier”. Juste à cause de cela, parce qu’on ne parlait pas français à la maison, j’ai perdu un point qui m’a fait reculer de plusieurs rangs, et je n’ai pas eu le collège souhaité. » Il a dénoncé la manière dont « la politique des langues peut impacter négativement sur certains ».

Belall Maudarbux a également souligné qu’il y a plusieurs types d’intelligence, mais que l’éducation ne met à l’épreuve que trois d’entre elles. « Il y a aussi l’intelligence naturelle. Vous laissez un enfant dans la nature, il se débrouille facilement. Que se passe-t-il si mon enfant est médiocre dans les trois intelligences favorisées par l’éducation et qu’il est un génie dans d’autre type d’intelligence ? Est-il voué à être planteur, planton ? » Il a d’autre part dénoncé ce qu’il estime être un “racial profiling” quand « la presse ne contacte qu’un certain type d’Ong qui aident les pauvres ».

Auparavant, l’imam Arshad Joomun a indiqué que le but de l’atelier organisé par M-Kids, et dont il est le coordinateur, a pour but de voir comment travailler ensemble avec les divers partenaires pour combattre la pauvreté. Si M-Kids se focalisait à ses débuts sur la sensibilisation aux fléaux parmi les jeunes, depuis 2012, l’Ong privilégie les solutions durables, comme l’accompagnement. « Un déjeuner ou un dîner ne durent qu’un jour. Il faut faire de l’accompagnement. » C’est ainsi qu’elle est venue en aide à une quarantaine de bénéficiaires qui avaient un niveau de Grade 1 alors qu’ils étaient en fin du cycle primaire. « Aujourd’hui, il y a eu une amélioration de 80%. Ce sont des orphelins et des enfants issus de familles en difficulté. »

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