APRÈS LA RENCONTRE DE CLARISSE HOUSE : Ramgoolam et Bérenger évoquent la possibilité d’aller seuls aux élections générales

Le troisième tête-à-tête entre le Premier ministre Navin Ramgoolam et le leader de l’opposition Paul Bérenger, à Clarisse House samedi matin, s’est terminé sur la nette impression que les deux partis politiques n’épargnaient pas la possibilité d’aller seuls aux élections générales. Même si leur attitude laissait apparaître qu’il y avait entre eux une grande fraternité voire une complicité, leurs propos étaient loin de la perception qu’ils avaient eux-mêmes créée durant la semaine dernière concernant la possibilité d’alliance. Les deux leaders ont évoqué les contraintes auxquelles avaient à faire face deux grands partis.
« L’alliance entre le MMM et le PTr n’est pas encore chose faite », devait clairement faire comprendre Paul Bérenger alors que Navin Ramgoolam a affirmé que les discussions doivent se poursuivre. Par contre, l’un et l’autre ont fait comprendre qu’il n’est pas question de rapprochement avec le MSM. Ce qui a fait dire à Navin Ramgoolam que « si nous n’arrivions pas à un accord (avec le MMM), le PTr a l’intention d’aller tout seul aux élections ». Le draft final de la réforme électorale est terminé. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sont d’accord sur le texte en général sauf sur une clause qui aurait été ajoutée à la dernière minute. À la lumière des déclarations de deux leaders, l’impression que le texte de loi sur la réforme serait présenté au parlement avant les élections est forte. Navin Ramgoolam a précisé à ce propos qu’il n’y aura pas de vote libre sur la réforme au parlement.
Navin Ramgoolam, qui pour la première fois depuis 1997 donnait une conférence de presse conjointe avec Paul Bérenger, a déclaré que le tête-à-tête qui a duré près de deux heures avait pour but de passer en revue la réforme électorale et l’évolution politique. Le PM a fait mention des différentes étapes franchies depuis le 24 mars après la publication du texte sur la réforme électorale et après la prorogation du parlement le 12 mai dernier. Il a affirmé avoir remis une copie du projet de loi au leader de l’opposition et que la préparation des Transitional provisions qui doivent être présentées si la Réforme électorale n’est pas adoptée, n’est pas encore terminée. Aussitôt que ce texte le sera le parlement sera rappelé.
Le Premier ministre a expliqué que le projet de loi propose l’élection de trois députés dans chacune des 20 circonscriptions et trois députés à Rodrigues. Des listes seront soumises dans le cadre de la représentation proportionnelle (RP). La liste A comprendra 14 noms alors que la liste B présentée par les leaders comprendra seize noms à partir desquels six députés seront choisis. La représentation féminine a été fixée à un tiers dans les 20 circonscriptions et un tiers sur la liste A et B. Le système de wasted vote sera utilisé pour choisir les députés sur les deux listes. Le seuil de 10 % sera maintenu. « Nous avons pris les précautions pour que s’il y a une alliance entre nous et que nous remportons les élections 60-0, il y ait une opposition au parlement et qu’il y ait au moins sept députés de l’opposition qui entrent au parlement. Un parti aura la possibilité d’inscrire ses candidats aussi bien sur la liste des 60 candidats que sur les listes proportionnelles. De plus, les candidats qui entrent au Parlement sur les listes proportionnelles ne pourront pas cross the floor ».
Navin Ramgoolam a observé que le MMM et le PTr sont deux grands partis et souhaitent mettre de côté leurs différences afin de favoriser l’intérêt national. « 46 après l’indépendance nous essayons de changer un système introduit par les colonisateurs britanniques et avons décidé de mettre notre propre système électoral qui renforcera l’unité nationale pour finalement supprimer toute référence aux communautés dans la Constitution. Cera un grand pas pour renforcer l’identité nationale et le nation building. Avoir un pays uni tout en tenant compte de sa diversité. Avec la IIe République nous aurons un président qui pourra rassembler tous les Mauriciens, ce qui permettra un meilleur équilibre des pouvoirs et qui pourra faire de Maurice un modèle mondial d’unité dans la diversité, de modernisation, de représentation équitable où le vote de tout un chacun est pris en compte. La question d’équilibre est importante parce qu’il est difficile de diriger un pays si vous avez une grosse majorité contre vous. Il est important de permettre à Maurice de franchir cette deuxième phase après l’indépendance dans l’unité tout en gardant nos idéaux ».
Navin Ramgoolam a souligné que les discussions se poursuivent concernant une alliance entre le MMM et le PTr. « Nous sommes tombés d’accord sur beaucoup de choses et beaucoup reste encore à discuter. Nous voulons que Maurice devienne un modèle dans le monde ».
Pour sa part, Paul Bérenger a confirmé avoir reçu la version finale du texte de loi dans la matinée, qui « en gros paraît correct à l’exception d’un ajout ». « Nous prendrons le temps pour voir le draft final à tête reposée ».
Il a observé que les Transitional provisions s’avéreront nécessaires si le parlement n’adopte pas la réforme électorale avec une majorité de trois quarts. « Si c’est le texte de loi sur la réforme qui était présenté au parlement et qui avait obtenu une majorité de trois quarts, il ne serait pas nécessaire de présenter les Transitional provisions. De toute façon le texte de loi est encore à l’étude dans l’éventualité où sa présentation s’avère nécessaire ».
Le rappel du parlement souhaité
« J’ai dit au Premier ministre que je suis encore leader de l’opposition et que je souhaite que le parlement se rencontre le plus tôt possible pour considérer soit le texte de loi sur la réforme soit les Transitional provisionsà la Constitution. Je respecte cependant les prérogatives du Premier ministre », a dit le leader du MMM.
Au sujet de l’Alliance, Paul Bérenger, qui a repris en ses propres mots ce qu’avait dit Navin Ramgoolam, a estimé que la chose la plus importante pour le MMM, alliance ou pas, est de faire de Maurice un pays phare, un modèle d’unité dans la diversité, de démocratie, d’intégrité et de développement dans le respect de l’environnement. « C’est pourquoi dans notre programme nous avons toujours préconisé la consolidation de l’unité nationale et de la démocratie, un nouveau départ dans le combat contre la corruption avec de nouvelles institutions, un nouveau souffle à l’économie et à l’énergie renouvelable. Il s’agit également de rétablir notre souveraineté sur les Chagos ». Il devait préciser que l’alliance entre le MMM et le PTr n’est pas encore chose faite. « Qu’il y ait alliance ou pas, pour moi le désir de faire de Maurice un pays phare est plus intense que jamais. Nous verrons si les discussions débouchent sur une réforme électorale ou non. L’alliance électorale est un aspect essentiel de la consolidation de la démocratie d’autant que depuis trente ans le MMM lutte pour une vraie réforme électorale qui consolide l’unité nationale, la démocratie et donne un rôle plus fort aux femmes au parlement et dans le gouvernement ». Paul Bérenger a rappelé que lorsque le MMM était au gouvernement en 1982, la démocratie avait été consolidée. « Je suis d’accord avec Navin Ramgoolam à ce sujet ». Il s’est élevé contre ceux qui font un procès d’intention contre une éventuelle alliance alors que Navin Ramgoolam et lui se sont évertués à trouver une formule afin de s’assurer qu’il y ait une opposition parlementaire même s’il y a 60-0. « Alliance ou pas alliance, nous sommes en faveur d’un approfondissement de la démocratie à Maurice, ce qui permettra de faire un pas de géant de ce côté-là. Nous étions également d’accord en cas d’alliance avec le PTr pour faire de Maurice un pays phare, un pays modèle. Il était clair que le MMM n’entrerait dans aucune discussion s’il n’y avait pas une répartition 30-30 des candidats et que le président aurait un mandat de sept ans et le Premier ministre de cinq ans comme c’est le cas actuellement. Nous sommes tombés d’accord que dans le cadre de la IIe République le président aurait plus de pouvoir, serait élu à une élection présidentielle à un tour alors que le Premier ministre garderait ses prérogatives et son rôle aux termes de la Constitution. Nous n’avons pas terminé nos discussions et l’alliance n’est pas chose faite mais nous sommes sur la même ligne pour ce que nous voulons faire de notre pays ».
Les deux dirigeants ont ensuite répondu aux questions de la presse.
C’est la première fois depuis près de 17 ans que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sont sur la même table. Est-ce que vous considérez cela comme une démarche historique ?
Ramgoolam : Oui. Lorsque nous étions dans l’alliance j’étais Premier ministre et lui Premier ministre adjoint. C’est vrai qu’on ne s’est pas retrouvé ensemble depuis longtemps.
Alliance ou pas, est-ce que vous pensez que votre électorat arrive à vous suivre ?
Ramgoolam : Je pense que oui. Nous expliquons clairement notre intention. Nous voulons faire de Maurice un pays modèle et comme camarade Paul le dit nous voulons avoir un pays phare. Nous voulons renforcer la démocratie, l’unité nationale, donner la stabilité au pays. Il n’y a pas que la réforme électorale, il y a aussi le programme commun sur lequel nous sommes tombés d’accord.
Pendant neuf ans vous avez critiqué le Premier ministre actuel, comment pouvez-vous dire que vous pouvez travailler avec lui ? Ne pensez-vous pas que c’est sur cela que le public vous juge aujourd’hui?
Bérenger : Le public me juge après avoir obtenu les informations nécessaires. Certains avaient cru que nous abandonnons les éléments fondamentaux de notre programme. C’est faux. Nous voulons consolider l’unité nationale et la démocratie, prendre un nouveau départ dans le combat contre la corruption et donner un nouveau souffle à l’économie et à l’énergie renouvelable. Navin a pris la peine de proposer un Serious Fraud Office. Nous sommes d’accord que pour que ce bureau soit totalement indépendant, il faut qu’il dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour faire son travail et avoir un étranger à sa tête. N’importe quel scandale enregistré ces dernières années sera sujet d’une enquête par le Serious Fraud Office. Je ne retire rien des critiques faites contre le gouvernement depuis 2005 mais je ne resterai pas prisonnier du passé. Nous essayons de construire l’avenir. Notre programme prévoit un nouveau départ contre les scandales et la corruption. Est-ce que nous pourrions le faire dans une alliance ou pas ? L’avenir le dira. En ce qui nous concerne, la page est définitivement tournée sur le MSM vu les insanités débitées par Anerood Jugnauth hier et qui montrent son vrai visage. Si demain le PTr et le MMM pas tombent d’accord nous irons de l’avant tout seul mais nous avons le même but. L’idéal est que nous réussissions à avoir les trois quarts et faire la réforme électorale et que chacun aille de son côté. Peut-être que nous aurions obtenu plus de 60-0.
Ramgoolam : Il est normal que dans une démocratie, une opposition critique le gouvernement. Je suis content que notre camarade Paul soit dans l’opposition puisqu’il surveille tout. C’est bon pour le pays et pour la démocratie. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’est-ce qu’Anerood Jugnauth n’a pas dit sur Paul Bérenger en 1983. Moi je ne descendrai jamais à ce niveau. Qu’est-ce qu’il n’a pas dit en 1987. Ces questions n’ont pas été posées en 1991, lorsqu’ils se sont retrouvés ensemble. J’en profite pour dire que les insanités dites hier sont absolument fausses. Ils vont inventer toutes sortes de choses. Paul Bérenger et moi sommes sur la même longueur d’onde sur beaucoup de choses, pas à 100 %, c’est pourquoi nous continuons à discuter mais nous avons un idéal pour Maurice. Nous pensons à l’intérêt du pays. Notre souhait est que nous allions dans une alliance et faire de Maurice un pays modèle et un pays phare mais si nous ne réussissions pas à tomber d’accord, nous garderions notre idéal. Je vous rappelle qu’il n’est pas question que je fasse une alliance avec le MSM. Si nous n’arrivons pas à un accord, le PTr a l’intention d’aller tout seul aux élections.
D’accord sur le programme fondamental
 
Est-ce que votre position par rapport à certains ministres dont Rajesh Jeetah est inchangée ?
Bérenger : Ma position est inchangée. Je suis en présence de documents liant la personne en question avec le propriétaire de la clinique. De plus, Pravind Jugnauth continue à utiliser des delaying tactics pour se sauver dans l’affaire MedPoint. Je prends tout cela en considération.
Ramgoolam : Le rôle du leader de l’opposition est de trouver des failles. La loi doit suivre son cours. Dans le passé mes propres ministres ont dû démissionner et ont été appelés par l’ECO. C’est ce que j’avais souhaité dans le cas de Pravind Jugnauth. Si un ministre a des allégations contre lui, il doit démissionner pour aller défendre son cas. S’il n’y a rien contre lui, il reviendra. C’est ce qu’ils n’ont pas voulu faire. Au contraire on m’a menacé pour me demander d’arrêter l’enquête. Ce que j’ai refusé. Je pense que la justice doit prévaloir.
Bérenger : Navin vient de tomber d’accord sur un Serious Fraud Office qui pourrait ouvrir une enquête sur n’importe qui. Je n’irai pas devant l’ICAC pour parler franchement. Mais s’il y a le genre de Serious Fraud Office comme l’a présenté Navin, je soumettrai le document. S’il n’y a pas de case tant mieux.
Dans l’éventualité où le PTr et MMM aillent ensemble aux élections et si pour une raison ou une autre les partis adverses décident de ne pas décliner la communauté de leurs candidats, est-ce que cela poserait un problème ?
Ramgoolam : C’est effectivement cela que nous étudions. Si vous dites qu’un parti passéiste veut s’attacher au communalisme, j’espère que les jeunes réalisent quelle différence il y a entre nos deux partis et eux.
Bérenger : Je suis en faveur d’une vraie réforme électorale si nous n’arrivons pas à une alliance, avec les mêmes programmes fondamentalement, parce que ce n’est pas facile pour deux grands partis et même difficile. Ce qui m’empêche de dormir est que dans le MMM il y a beaucoup de personnes ayant un calibre ministériel. Nous savons tous que dans le cadre d’une alliance, il y aura 60-0 et un cabinet divisé 12-12. Comment vais-je faire ? Je sais faire beaucoup de choses mais pas de miracles. Fondamentalement les deux grands partis ont des contraintes de part et d’autre. Nous avons deux grands partis qui ont leurs racines dans l’histoire nous sommes d’accord sur le programme fondamental. Je veux faire un pays phare. Navin veut faire un pays modèle. Nous sommes d’accord avec la réforme électorale sur le fond. L’idéal est que si nous votons le programme électoral tout de suite, nous le mettions en pratique pour les prochaines élections. Ainsi les Nations unies seront satisfaites et les jeunes auront un espoir dans le système électoral.
Est-ce qu’une alliance MSM-PMSD peut être une menace pour l’alliance PTr-MMM ?
(Rire de Bérenger)
Ramgoolam : Vous nous faites rire.
Bérenger : Surtout si Chady tout sa là donne coup de main MSM. Mari l’équipe.
Ramgoolam : Un bon mélange.
Un mot, M. le Premier ministre, sur le départ de Xavier Duval ?
Ramgoolam : Xavier Duval n’était pas là et il vient de rentrer jeudi. Il voulait me rencontrer et comme j’allais à mon bureau politique je lui ai dit qu’on se verrait après. Il m’a dit qu’il ne serait pas au conseil des ministres. Nous nous sommes rencontrés après. Nous nous sommes séparés en bons termes. Nous avons travaillé ensemble pendant longtemps. Il y a eu des différences qui ont surgi entre nous ces derniers temps. Je lui ai dit ce que je pense. Nous avons choisi de nous séparer parce qu’il n’est pas d’accord avec le seuil de 10 % et sur d’autres choses dans la réforme. Évidemment, si je présente la réforme électorale, il y aura un whip. J’avais dit au départ que je laisserai le vote libre. J’ai décidé le contraire. Donc cela posait un problème pour lui.
Bérenger : Xavier Duval a pris la peine de m’informer en tant que leader de l’opposition à travers son secrétaire général qu’il démissionnait et qu’il souhaitait garder une relation civilisée. Cela coule de source. Je ne suis pas Anerood Jugnauth et si demain le PTr et le MMM vont séparément aux élections même si notre programme est identique nous entretiendrons des relations civilisées. Ce ne sera pas comme le MSM qui insulte les gens. Je ne suis pas d’accord avec Xavier Duval sur la réforme électorale.
Il n’y aura donc pas de vote libre sur la réforme électorale ?
Ramgoolam : J’ai décidé que non.
Après le bureau politique du PTr vous aviez dit que toutes les conditions sont réunies pour une alliance électorale. Aujourd’hui, à entendre le leader du MMM, il apparaît qu’il n’y a aucune certitude. Qu’est ce qui se passe ?
Ramgoolam : Les conditions sont réunies pour une alliance. Nous sommes d’accord sur les grandes lignes du programme, sur la réforme électorale, et sur les Transitional provisions je suis certain que nous serons d’accord. Sur la IIe République, nous n’avons pas finalisé mais il y a des points sur lesquels nous sommes d’accord. Les conditions sont réunies. Nous sommes deux grands partis et il y a d’autres choses qui doivent être prises en considération. Ce n’est pas notre souhait et il est possible que nous ne réussissions pas. Si cela se produit nous ne changeons pas notre idéal, notre programme. Ce sera comme cela.
Bérenger : Pour comprendre un problème il faut le mettre dans un contexte historique depuis 1936. Je connais le rôle mené par le PTr dans la libération des travailleurs. Je connais le MMM depuis 1969 et s’il y a une chance que ces deux-là concluent une alliance, il y a de quoi être ému. Si nous ne réussissons pas à conclure une alliance je serai très triste mais nous gardons la porte ouverte à l’avenir.
Ramgoolam : Ce sera une chance historique si ces deux grands partis se réunissent. Mais nous sommes deux grands partis.
Bérenger : Si on pouvait faire la réforme électorale avant les élections et obtenir une majorité des trois quarts ce serait une grande chose. Et si nous ne sommes pas ensemble, chacun ira de son côté, l’électorat est suprême et votera. Nous garderons nos options pour l’avenir.
Ramgoolam : J’aurais voulu avoir un mandat sur les détails de la réforme. Si tout le monde soutient qu’il faut le faire nous verrons. Mon souhait est que j’aurais aimé avoir un mandat.
Interrogé concernant laDeclaration of Asset Act, Paul Bérenger a affirmé qu’il maintient ce qu’il a dit jusqu’ici. Navin Ramgoolam devait ajouter que le texte de loi sera circulé
Le troisième tête-à-tête entre le Premier ministre Navin Ramgoolam et le leader de l’opposition Paul Bérenger, à Clarisse House samedi matin, s’est terminé sur la nette impression que les deux partis politiques n’épargnaient pas la possibilité d’aller seuls aux élections générales. Même si leur attitude laissait apparaître qu’il y avait entre eux une grande fraternité voire une complicité, leurs propos étaient loin de la perception qu’ils avaient eux-mêmes créée durant la semaine dernière concernant la possibilité d’alliance. Les deux leaders ont évoqué les contraintes auxquelles avaient à faire face deux grands partis.
« L’alliance entre le MMM et le PTr n’est pas encore chose faite », devait clairement faire comprendre Paul Bérenger alors que Navin Ramgoolam a affirmé que les discussions doivent se poursuivre. Par contre, l’un et l’autre ont fait comprendre qu’il n’est pas question de rapprochement avec le MSM. Ce qui a fait dire à Navin Ramgoolam que « si nous n’arrivions pas à un accord (avec le MMM), le PTr a l’intention d’aller tout seul aux élections ». Le draft final de la réforme électorale est terminé. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sont d’accord sur le texte en général sauf sur une clause qui aurait été ajoutée à la dernière minute. À la lumière des déclarations de deux leaders, l’impression que le texte de loi sur la réforme serait présenté au parlement avant les élections est forte. Navin Ramgoolam a précisé à ce propos qu’il n’y aura pas de vote libre sur la réforme au parlement.
Navin Ramgoolam, qui pour la première fois depuis 1997 donnait une conférence de presse conjointe avec Paul Bérenger, a déclaré que le tête-à-tête qui a duré près de deux heures avait pour but de passer en revue la réforme électorale et l’évolution politique. Le PM a fait mention des différentes étapes franchies depuis le 24 mars après la publication du texte sur la réforme électorale et après la prorogation du parlement le 12 mai dernier. Il a affirmé avoir remis une copie du projet de loi au leader de l’opposition et que la préparation des Transitional provisions qui doivent être présentées si la Réforme électorale n’est pas adoptée, n’est pas encore terminée. Aussitôt que ce texte le sera le parlement sera rappelé.
Le Premier ministre a expliqué que le projet de loi propose l’élection de trois députés dans chacune des 20 circonscriptions et trois députés à Rodrigues. Des listes seront soumises dans le cadre de la représentation proportionnelle (RP). La liste A comprendra 14 noms alors que la liste B présentée par les leaders comprendra seize noms à partir desquels six députés seront choisis. La représentation féminine a été fixée à un tiers dans les 20 circonscriptions et un tiers sur la liste A et B. Le système de wasted vote sera utilisé pour choisir les députés sur les deux listes. Le seuil de 10 % sera maintenu. « Nous avons pris les précautions pour que s’il y a une alliance entre nous et que nous remportons les élections 60-0, il y ait une opposition au parlement et qu’il y ait au moins sept députés de l’opposition qui entrent au parlement. Un parti aura la possibilité d’inscrire ses candidats aussi bien sur la liste des 60 candidats que sur les listes proportionnelles. De plus, les candidats qui entrent au Parlement sur les listes proportionnelles ne pourront pas cross the floor ».
Navin Ramgoolam a observé que le MMM et le PTr sont deux grands partis et souhaitent mettre de côté leurs différences afin de favoriser l’intérêt national. « 46 après l’indépendance nous essayons de changer un système introduit par les colonisateurs britanniques et avons décidé de mettre notre propre système électoral qui renforcera l’unité nationale pour finalement supprimer toute référence aux communautés dans la Constitution. Cera un grand pas pour renforcer l’identité nationale et le nation building. Avoir un pays uni tout en tenant compte de sa diversité. Avec la IIe République nous aurons un président qui pourra rassembler tous les Mauriciens, ce qui permettra un meilleur équilibre des pouvoirs et qui pourra faire de Maurice un modèle mondial d’unité dans la diversité, de modernisation, de représentation équitable où le vote de tout un chacun est pris en compte. La question d’équilibre est importante parce qu’il est difficile de diriger un pays si vous avez une grosse majorité contre vous. Il est important de permettre à Maurice de franchir cette deuxième phase après l’indépendance dans l’unité tout en gardant nos idéaux ».
Navin Ramgoolam a souligné que les discussions se poursuivent concernant une alliance entre le MMM et le PTr. « Nous sommes tombés d’accord sur beaucoup de choses et beaucoup reste encore à discuter. Nous voulons que Maurice devienne un modèle dans le monde ».
Pour sa part, Paul Bérenger a confirmé avoir reçu la version finale du texte de loi dans la matinée, qui « en gros paraît correct à l’exception d’un ajout ». « Nous prendrons le temps pour voir le draft final à tête reposée ».
Il a observé que les Transitional provisions s’avéreront nécessaires si le parlement n’adopte pas la réforme électorale avec une majorité de trois quarts. « Si c’est le texte de loi sur la réforme qui était présenté au parlement et qui avait obtenu une majorité de trois quarts, il ne serait pas nécessaire de présenter les Transitional provisions. De toute façon le texte de loi est encore à l’étude dans l’éventualité où sa présentation s’avère nécessaire ».
Le rappel du parlement souhaité
« J’ai dit au Premier ministre que je suis encore leader de l’opposition et que je souhaite que le parlement se rencontre le plus tôt possible pour considérer soit le texte de loi sur la réforme soit les Transitional provisionsà la Constitution. Je respecte cependant les prérogatives du Premier ministre », a dit le leader du MMM.
Au sujet de l’Alliance, Paul Bérenger, qui a repris en ses propres mots ce qu’avait dit Navin Ramgoolam, a estimé que la chose la plus importante pour le MMM, alliance ou pas, est de faire de Maurice un pays phare, un modèle d’unité dans la diversité, de démocratie, d’intégrité et de développement dans le respect de l’environnement. « C’est pourquoi dans notre programme nous avons toujours préconisé la consolidation de l’unité nationale et de la démocratie, un nouveau départ dans le combat contre la corruption avec de nouvelles institutions, un nouveau souffle à l’économie et à l’énergie renouvelable. Il s’agit également de rétablir notre souveraineté sur les Chagos ». Il devait préciser que l’alliance entre le MMM et le PTr n’est pas encore chose faite. « Qu’il y ait alliance ou pas, pour moi le désir de faire de Maurice un pays phare est plus intense que jamais. Nous verrons si les discussions débouchent sur une réforme électorale ou non. L’alliance électorale est un aspect essentiel de la consolidation de la démocratie d’autant que depuis trente ans le MMM lutte pour une vraie réforme électorale qui consolide l’unité nationale, la démocratie et donne un rôle plus fort aux femmes au parlement et dans le gouvernement ». Paul Bérenger a rappelé que lorsque le MMM était au gouvernement en 1982, la démocratie avait été consolidée. « Je suis d’accord avec Navin Ramgoolam à ce sujet ». Il s’est élevé contre ceux qui font un procès d’intention contre une éventuelle alliance alors que Navin Ramgoolam et lui se sont évertués à trouver une formule afin de s’assurer qu’il y ait une opposition parlementaire même s’il y a 60-0. « Alliance ou pas alliance, nous sommes en faveur d’un approfondissement de la démocratie à Maurice, ce qui permettra de faire un pas de géant de ce côté-là. Nous étions également d’accord en cas d’alliance avec le PTr pour faire de Maurice un pays phare, un pays modèle. Il était clair que le MMM n’entrerait dans aucune discussion s’il n’y avait pas une répartition 30-30 des candidats et que le président aurait un mandat de sept ans et le Premier ministre de cinq ans comme c’est le cas actuellement. Nous sommes tombés d’accord que dans le cadre de la IIe République le président aurait plus de pouvoir, serait élu à une élection présidentielle à un tour alors que le Premier ministre garderait ses prérogatives et son rôle aux termes de la Constitution. Nous n’avons pas terminé nos discussions et l’alliance n’est pas chose faite mais nous sommes sur la même ligne pour ce que nous voulons faire de notre pays ».
Les deux dirigeants ont ensuite répondu aux questions de la presse.
C’est la première fois depuis près de 17 ans que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sont sur la même table. Est-ce que vous considérez cela comme une démarche historique ?
Ramgoolam : Oui. Lorsque nous étions dans l’alliance j’étais Premier ministre et lui Premier ministre adjoint. C’est vrai qu’on ne s’est pas retrouvé ensemble depuis longtemps.
Alliance ou pas, est-ce que vous pensez que votre électorat arrive à vous suivre ?
Ramgoolam : Je pense que oui. Nous expliquons clairement notre intention. Nous voulons faire de Maurice un pays modèle et comme camarade Paul le dit nous voulons avoir un pays phare. Nous voulons renforcer la démocratie, l’unité nationale, donner la stabilité au pays. Il n’y a pas que la réforme électorale, il y a aussi le programme commun sur lequel nous sommes tombés d’accord.
Pendant neuf ans vous avez critiqué le Premier ministre actuel, comment pouvez-vous dire que vous pouvez travailler avec lui ? Ne pensez-vous pas que c’est sur cela que le public vous juge aujourd’hui?
Bérenger : Le public me juge après avoir obtenu les informations nécessaires. Certains avaient cru que nous abandonnons les éléments fondamentaux de notre programme. C’est faux. Nous voulons consolider l’unité nationale et la démocratie, prendre un nouveau départ dans le combat contre la corruption et donner un nouveau souffle à l’économie et à l’énergie renouvelable. Navin a pris la peine de proposer un Serious Fraud Office. Nous sommes d’accord que pour que ce bureau soit totalement indépendant, il faut qu’il dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour faire son travail et avoir un étranger à sa tête. N’importe quel scandale enregistré ces dernières années sera sujet d’une enquête par le Serious Fraud Office. Je ne retire rien des critiques faites contre le gouvernement depuis 2005 mais je ne resterai pas prisonnier du passé. Nous essayons de construire l’avenir. Notre programme prévoit un nouveau départ contre les scandales et la corruption. Est-ce que nous pourrions le faire dans une alliance ou pas ? L’avenir le dira. En ce qui nous concerne, la page est définitivement tournée sur le MSM vu les insanités débitées par Anerood Jugnauth hier et qui montrent son vrai visage. Si demain le PTr et le MMM pas tombent d’accord nous irons de l’avant tout seul mais nous avons le même but. L’idéal est que nous réussissions à avoir les trois quarts et faire la réforme électorale et que chacun aille de son côté. Peut-être que nous aurions obtenu plus de 60-0.
Ramgoolam : Il est normal que dans une démocratie, une opposition critique le gouvernement. Je suis content que notre camarade Paul soit dans l’opposition puisqu’il surveille tout. C’est bon pour le pays et pour la démocratie. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’est-ce qu’Anerood Jugnauth n’a pas dit sur Paul Bérenger en 1983. Moi je ne descendrai jamais à ce niveau. Qu’est-ce qu’il n’a pas dit en 1987. Ces questions n’ont pas été posées en 1991, lorsqu’ils se sont retrouvés ensemble. J’en profite pour dire que les insanités dites hier sont absolument fausses. Ils vont inventer toutes sortes de choses. Paul Bérenger et moi sommes sur la même longueur d’onde sur beaucoup de choses, pas à 100 %, c’est pourquoi nous continuons à discuter mais nous avons un idéal pour Maurice. Nous pensons à l’intérêt du pays. Notre souhait est que nous allions dans une alliance et faire de Maurice un pays modèle et un pays phare mais si nous ne réussissions pas à tomber d’accord, nous garderions notre idéal. Je vous rappelle qu’il n’est pas question que je fasse une alliance avec le MSM. Si nous n’arrivons pas à un accord, le PTr a l’intention d’aller tout seul aux élections.
D’accord sur le programme fondamental
 
Est-ce que votre position par rapport à certains ministres dont Rajesh Jeetah est inchangée ?
Bérenger : Ma position est inchangée. Je suis en présence de documents liant la personne en question avec le propriétaire de la clinique. De plus, Pravind Jugnauth continue à utiliser des delaying tactics pour se sauver dans l’affaire MedPoint. Je prends tout cela en considération.
Ramgoolam : Le rôle du leader de l’opposition est de trouver des failles. La loi doit suivre son cours. Dans le passé mes propres ministres ont dû démissionner et ont été appelés par l’ECO. C’est ce que j’avais souhaité dans le cas de Pravind Jugnauth. Si un ministre a des allégations contre lui, il doit démissionner pour aller défendre son cas. S’il n’y a rien contre lui, il reviendra. C’est ce qu’ils n’ont pas voulu faire. Au contraire on m’a menacé pour me demander d’arrêter l’enquête. Ce que j’ai refusé. Je pense que la justice doit prévaloir.
Bérenger : Navin vient de tomber d’accord sur un Serious Fraud Office qui pourrait ouvrir une enquête sur n’importe qui. Je n’irai pas devant l’ICAC pour parler franchement. Mais s’il y a le genre de Serious Fraud Office comme l’a présenté Navin, je soumettrai le document. S’il n’y a pas de case tant mieux.
Dans l’éventualité où le PTr et MMM aillent ensemble aux élections et si pour une raison ou une autre les partis adverses décident de ne pas décliner la communauté de leurs candidats, est-ce que cela poserait un problème ?
Ramgoolam : C’est effectivement cela que nous étudions. Si vous dites qu’un parti passéiste veut s’attacher au communalisme, j’espère que les jeunes réalisent quelle différence il y a entre nos deux partis et eux.
Bérenger : Je suis en faveur d’une vraie réforme électorale si nous n’arrivons pas à une alliance, avec les mêmes programmes fondamentalement, parce que ce n’est pas facile pour deux grands partis et même difficile. Ce qui m’empêche de dormir est que dans le MMM il y a beaucoup de personnes ayant un calibre ministériel. Nous savons tous que dans le cadre d’une alliance, il y aura 60-0 et un cabinet divisé 12-12. Comment vais-je faire ? Je sais faire beaucoup de choses mais pas de miracles. Fondamentalement les deux grands partis ont des contraintes de part et d’autre. Nous avons deux grands partis qui ont leurs racines dans l’histoire nous sommes d’accord sur le programme fondamental. Je veux faire un pays phare. Navin veut faire un pays modèle. Nous sommes d’accord avec la réforme électorale sur le fond. L’idéal est que si nous votons le programme électoral tout de suite, nous le mettions en pratique pour les prochaines élections. Ainsi les Nations unies seront satisfaites et les jeunes auront un espoir dans le système électoral.
Est-ce qu’une alliance MSM-PMSD peut être une menace pour l’alliance PTr-MMM ?
(Rire de Bérenger)
Ramgoolam : Vous nous faites rire.
Bérenger : Surtout si Chady tout sa là donne coup de main MSM. Mari l’équipe.
Ramgoolam : Un bon mélange.
Un mot, M. le Premier ministre, sur le départ de Xavier Duval ?
Ramgoolam : Xavier Duval n’était pas là et il vient de rentrer jeudi. Il voulait me rencontrer et comme j’allais à mon bureau politique je lui ai dit qu’on se verrait après. Il m’a dit qu’il ne serait pas au conseil des ministres. Nous nous sommes rencontrés après. Nous nous sommes séparés en bons termes. Nous avons travaillé ensemble pendant longtemps. Il y a eu des différences qui ont surgi entre nous ces derniers temps. Je lui ai dit ce que je pense. Nous avons choisi de nous séparer parce qu’il n’est pas d’accord avec le seuil de 10 % et sur d’autres choses dans la réforme. Évidemment, si je présente la réforme électorale, il y aura un whip. J’avais dit au départ que je laisserai le vote libre. J’ai décidé le contraire. Donc cela posait un problème pour lui.
Bérenger : Xavier Duval a pris la peine de m’informer en tant que leader de l’opposition à travers son secrétaire général qu’il démissionnait et qu’il souhaitait garder une relation civilisée. Cela coule de source. Je ne suis pas Anerood Jugnauth et si demain le PTr et le MMM vont séparément aux élections même si notre programme est identique nous entretiendrons des relations civilisées. Ce ne sera pas comme le MSM qui insulte les gens. Je ne suis pas d’accord avec Xavier Duval sur la réforme électorale.
Il n’y aura donc pas de vote libre sur la réforme électorale ?
Ramgoolam : J’ai décidé que non.
Après le bureau politique du PTr vous aviez dit que toutes les conditions sont réunies pour une alliance électorale. Aujourd’hui, à entendre le leader du MMM, il apparaît qu’il n’y a aucune certitude. Qu’est ce qui se passe ?
Ramgoolam : Les conditions sont réunies pour une alliance. Nous sommes d’accord sur les grandes lignes du programme, sur la réforme électorale, et sur les Transitional provisions je suis certain que nous serons d’accord. Sur la IIe République, nous n’avons pas finalisé mais il y a des points sur lesquels nous sommes d’accord. Les conditions sont réunies. Nous sommes deux grands partis et il y a d’autres choses qui doivent être prises en considération. Ce n’est pas notre souhait et il est possible que nous ne réussissions pas. Si cela se produit nous ne changeons pas notre idéal, notre programme. Ce sera comme cela.
Bérenger : Pour comprendre un problème il faut le mettre dans un contexte historique depuis 1936. Je connais le rôle mené par le PTr dans la libération des travailleurs. Je connais le MMM depuis 1969 et s’il y a une chance que ces deux-là concluent une alliance, il y a de quoi être ému. Si nous ne réussissons pas à conclure une alliance je serai très triste mais nous gardons la porte ouverte à l’avenir.
Ramgoolam : Ce sera une chance historique si ces deux grands partis se réunissent. Mais nous sommes deux grands partis.
Bérenger : Si on pouvait faire la réforme électorale avant les élections et obtenir une majorité des trois quarts ce serait une grande chose. Et si nous ne sommes pas ensemble, chacun ira de son côté, l’électorat est suprême et votera. Nous garderons nos options pour l’avenir.
Ramgoolam : J’aurais voulu avoir un mandat sur les détails de la réforme. Si tout le monde soutient qu’il faut le faire nous verrons. Mon souhait est que j’aurais aimé avoir un mandat.
Interrogé concernant laDeclaration of Asset Act, Paul Bérenger a affirmé qu’il maintient ce qu’il a dit jusqu’ici. Navin Ramgoolam devait ajouter que le texte de loi sera circulé

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