ASSEMBLÉE NATIONALE: Ambiance électrique pour la DY Patil Medical College Saga

L’ambiance était des plus électrique en fin de séance du Question Time. En effet, le dossier évoqué n’était nul autre que la DY Patil Medical College Saga avec une double interpellation adressée aux ministres de l’Enseignement supérieur et de la Sécurité sociale, Rajesh Jeetah et Sheila Bappoo. Le ministre Jeetah a voulu jouer au plus fin en tentant d’esquiver les interpellations supplémentaires de l’opposition en poussant en avant le paravent du Fact Finding Committee de la Tertiary Education Commission (TEC) avec l’ancien chef juge Arriranga Pillay. Il était sur le point d’atteindre son objectif mais le retour du Speaker Razack Peeroo au sein de l’hémicycle, à ce moment précis, devait remettre les pendules à l’heure pour les députés de l’opposition.
Face à la réticence de Rajesh Jeetah d’aborder le volet des supplémentaires, le président de l’Assemblée nationale devait décréter que les interpellations de l’opposition étaient recevables (In Order) même s’il n’avait aucun contrôle sur la réponse ministérielle. Ce véritable KO du ministre venant du Speaker fut applaudi par les parlementaires de l’opposition, qui s’étaient mis à dénoncer de manière véhémente le subterfuge Jeetah. Le ministre, qui ne devait pas avoir la partie facile face à l’opposition, devait faire un plaidoyer pour que le DY Patil Medical College puisse bénéficier d’une chance en dépit des manquements et lacunes allégués.
De son côté, la ministre Bappoo, qui a été interpellée au sujet des conditions de la location de l’Altima Building pour abriter la faculté de médecine, ne s’est nullement laissée faire. Elle a fait preuve d’agressivité parlementaire pour contrecarrer les attaques de l’opposition, en particulier celles des parlementaires du MSM. Elle devait renverser la vapeur sur l’ancienne ministre de la Sécurité sociale, Leela Devi Dookun-Luchoomun, en faisant état des conditions dans lesquelles l’Altima Building et les Ébène Heights ont été rachetées par le Fonds national de Pension à la fin de décembre 2010 avec pour objectif d’éviter que le vendeur des immeubles ne soit sujet à la Capital Gains Tax de 15 % devant entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2011.
Ce détail devait constituer la pièce maîtresse de la contre-attaque de Sheila Bappoo, qui s’est permis de rappeler frontalement qu’elle n’a rien fait pour enrichir ses proches des fonds publics. Pour cette partie du Question Time, le Speaker a eu fort à faire pour maintenir le décorum et il a dû avoir recours à des menaces de lever la séance pour rétablir la situation.
Cette tranche du Question Time, qui a vu une parliamentary question sur deux, soit 25 sur les 49 annexées à l’ordre du jour, obtenir une réponse par des ministres, avait démarré sous haute tension avec la première interpellation portant sur le projet de centrale thermique à charbon de 100 MW de CT Power à Pointe-aux-Caves. Le Deputy Prime Minister et le ministre des Services publics, Rashid Beebeejaun, et le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, ont dû puiser dans leurs ressources pour essayer de convaincre, mais en vain, l’opposition au sujet de la pertinence de ce projet de centrale électrique.
Le ministre des Arts et de la Culture, Mookhesswur Choonee, a apporté l’élément de fou rire au Question Time en avouant avoir substitué des réponses aux PQs de Jozique Radegonde-Haines sur le White Paper on Arts and Culture. « Véritable Puppets Show », a lancé un député de l’opposition alors que le ministre des Arts et de la Culture tentait de se dépêtrer avec ses dossiers.
Le leader de l’opposition, Paul Bérenger, n’a pas manqué de dénoncer un cover-up suite au refus du ministre Jeetah de répondre à l’interpellation à l’allure sibylline inscrite au nom du député du MSM Mahen Jhugroo.
Interpellations supplémentaires recevables
Jhugroo : Par rapport au DY Patil Medical College, le ministre peut-il révéler à la Chambre, sur la base d’informations disponibles de la Tertiary Education Commission, si un permis d’opération avait été émis, à quelle date et les conditions d’enregistrement imposées.
Jeetah : La TEC a institué un Fact Finding Committee pour réunir tous les éléments du dossier de DY Patil Medical College. De ce fait, il n’est pas envisageable de faire état de ces détails…
Bérenger : Ankor enn Cover-Up ar li…
Bancs de l’opposition : Shame ! Shame ! Shame !
Bérenger (visiblement agacé par l’attitude du ministre) : Bizin aret poz li kestion sa bouffon-là…
À ce moment précis, le Deputy Speaker, Pradeep Peetumber, qui présidait la séance, allait céder sa place à Razack Peeroo. Les échanges sont momentanément suspendus.
Bérenger : Sak fwa ena enn problem, zot nek vinn avek Fact Fixing Committee.
L’impression générale était que la prochaine interpellation adressée à la ministre Bappoo devait être entamée. Mais le Speaker a repris le cours du Question Time en appelant de nouveau la PQ du député Jhugroo.
Boolell : The minister has already answered the question.
Bhagwan : Ar li kot get katastrof…
Speaker : Des interpellations supplémentaires !
Jhugroo : Le ministre peut-il confirmer que le DY Patil Medical College était blacklisted en Inde ? A-t-il procédé aux vérifications nécessaires ?
Jeetah : I wish to reiterate that the FFC of the TEC which is chaired by an ancien Chief Justice…
La réponse du ministre est interrompue par des protestations venant des rangs de l’opposition.
Bérenger (à l’adresse de Rajesh Jeetah) : Melrose inn pare pou twa. Ena enn kare prison Melrose inn rezerv pou twa…
Le Speaker intervient pour rappeler au ministre que les interpellations supplémentaires sont bel et bien recevables en dépit des travaux du Fact Finding Committee.
Jeetah : Je l’ai lu dans la presse. Mais je ne crois pas qu’il soit approprié d’en faire état.
Speaker : C’est au ministre donner une réponse ; je n’ai aucun contrôle sur les réponses ministérielles. Pour ce qui est des supplémentaires, je le répète : elles sont recevables…
Bérenger : It is the minister who is out of order…
Dookun-Luchoomun : Le ministre est-il au courant que le DY Patil Medical College n’était pas autorisé à recruter des étudiants non-enregistrés auprès du Medical Council ? Comment se fait-il que des étudiants non reconnus par l’Ordre des Médecins ont été enregistrés ?
Jeetah : This is the purpose of the committee…
Bérenger : Demisione! Ale !
Speaker : Order ! Order ! Order ! Si l’ordre n’est pas rétabli, je compte prendre des mesures…
Entre-temps, les échanges intraparlementaires accompagnés d’invectives montent crescendo.
Jeetah : Ki to kwar to pou fer mwa per ?
Bérenger : Get to figir dan la glas, to mem pou gagn per…
Jhugroo : Peut-il révéler qui a signé le MOU avec DY Patil Medical College ? Peut-il déposer une copie de ce document sur la table de l’Assemblée Nationale ?
Jeetah : La lettre de la TEC est en date du 27 février 2009.
Jhugroo : Comment explique-t-il que l’University of Technology Mauritius, qui n’a pas de faculté de médecine, peut assumer les fonctions d’Awarding Body pour des études de médecine pour le DY Patil Medical College ?
Jeetah : Historiquement, c’était le cas. Prenons la SSR Medical School, la faculté de médecine de l’Université de Maurice pour des études en biomedical technology. Il y a un International Monitoring Committee pour assurer le suivi. Tout cela a commencé en 2007 sous l’ancien ministre de l’Éducation. Now, there are problems, let us sort out issues…
« The TEC is itself in the wrong »
Dookun-Luchoomun : L’Université de Maurice a une faculté de médecine sur le campus du Réduit. Tel n’est nullement le cas pour l’University of Technology Mauritius ?
Jeetah : Ce n’est que récemment, suite à la collaboration avec l’université de Genève, que la situation a été régularisée pour l’Université de Maurice avec une Full-Fledged Faculty. It has been a learning process…
Jhugroo : Peut-il confirmer qu’en tant que ministre, il avait informé le conseil des ministres du dossier de DY Patil Medical College en 2009. Si oui, peut-il confirmer que la ministre Bappoo avait participé à ces délibérations ?
Jeetah : La première réunion remonte à 2007 ; je peux donner la date exacte, soit le 26 septembre 2007. It is when all started…
Soodhun : Cabinet ki pe dimann twa…
Jeetah : This is where it all started…
Obeegadoo : Reponn kestion. To pa le reponn kestion…
Jugnauth : Le ministre est-il conscient que cette institution viole systématiquement un accord intervenu entre la TEC et l’University Grants Commission de l’Inde avec le recrutement d’étudiants étrangers et mauriciens.
Jeetah : He is wrong : there is no obligation with the Obeegadoo Framework. Nul besoin de reconnaissance de l’UGC… Get sa ar Obeegadoo…
Bodha : Peut-il révéler le nombre d’étudiants inscrits au DY Patil Medical College et confirmer que les frais d’études sont de Rs 1 million par an ?
Jeetah : Je n’ai pas les données sur la population estudiantine. Je peux les fournir à la Chambre ultérieurement. For the fees, you are on the wrong side.
Jhugroo : Est-il conscient du fait que des étudiants en médecine Post Graduate et non reconnus par le Medical Council procèdent à des examens médicaux de patients à l’hôpital de Rose-Belle ?
Jeetha : Toute cette affaire relève du Fact Finding Committee présidé par un ancien chef juge…
Dookun-Luchoomun : La TEC a institué un Fact Finding Committee. The TEC is itself in the wrong. La TEC a autorisé au DY Patil Medical College de procéder à des recrutements d’étudiants sans procéder à des vérifications ?
« No more of spouses and vives »
Jeetah : Il y a l’International Monitoring Committee avec des spécialistes en tant que membres ; une des attributions du Fact Finding Committee est de confirmer s’il y a eu respect des Guidelines de la TEC et de se pencher sur la responsabilité de la TEC et du management de la TEC. Attendons les conclusions du Fact Finding Committee.
Le ministre Jeetah ajoutera que le président du Medical Council siège également sur l’International Monitoring Committee. « It is their responsibilty to check », dit-il.
Obeegadoo : Pa neseser ena minis alors !
Dookun-Luchoomun : Le ministre peut-il confirmer si la responsabilité de son ministère et de la TEC est engagée dans le scandale DY Patil Medical College ?
Jeetah : C’est la première fois que Maurice se retrouve avec une faculté pour des études supérieures en médecine. We need to give DY Patil Medical College a chance.
Opposition (protestant contre le ministre) : Marron ! Shame !
Le ministre déclare ne pas être au courant du fait que la direction du DY Patil Medical College refuse de rembourser les frais d’études aux étudiants voulant cesser les cours. De son côté, le député Roopun suggère que les membres de la TEC doivent démissionner de leurs responsabilités dans la conjoncture.
L’interpellation parlementaire subséquente verra une Sheila Bappoo combative faisant face aux parlementaires du MSM principalement. Elle prendra pour cibles préférées Pravind Jugnauth et Leela Devi Dookun-Luchoomun en tant que ministre de la Sécurité sociale à l’époque du rachat d’Altima Building et d’Ébène Heights. Elle répondait à la PQ adressée par le député Jhugroo.
Bappoo : Je dois informer la Chambre que l’achat de ces deux immeubles est intervenu le 28 décembre 2010. Je suis ministre de la Sécurité sociale depuis août 2011. Dès cette dernière date, j’ai pris note du faible taux d’occupation d’Ébène Heights et du nombre élevé de départs des occupants d’Altima Building. Le Fonds National de Pension et le comité d’investissements du NSF et du NPF étaient au courant de la situation. Le Public Procurement Office devait faire comprendre que les loyers ne relèvent pas de la Public Procurement Act. Des avis furent publiés en octobre 2011 dans la presse pour la location de ces immeubles. Mais ce fut en vain. NPF was in a critical situation. Cet argent représente la contribution des salariés…
Cette remarque suscite des rires dans les rangs de l’opposition. La ministre reprend sa réponse pour ajouter que le NPF a pris la décision suite à des propositions directes avec notamment une firme multinationale, en mars 2012, DY Patil Medical College en mai 2012, la Financial Intelligence Unit et d’autres sociétés.
Bappoo : Le loyer imposé a été fixé suite à un exercice d’évaluation du Valuation Office. Le NPF n’a pas entrepris des travaux de rénovation sauf pour des fit-out works, dont d’une valeur de Rs 13, 6 millions pour le DY Patil Medical College et de Rs 2, 2 millions pour la FIU. Ces coûts sont recoupés dans les loyers. L’accord avec DY Patil est d’une durée de deux ans et le loyer imposé est de Rs 1 124 365,82 par mois et des service charges de Rs 91 090,35 par mois. Ce locataire est en règle avec la caisse. Il y a également un certain nombre d’aspirants occupants qui ont déjà pris des engagements fermes.
Je suis satisfaite d’avoir assumé mes responsabilités en tant que ministre de la Sécurité sociale. Je m’assure que les contributions des salariés et des employés soient sauvegardées. Ce n’est pas dans mes habitudes, contrairement à d’autres, de m’enrichir à la moindre occasion. I’m not here to enrich any of my relatives…
Cette dernière partie de la réponse liminaire de la ministre Bappoo est accueillie par un tonnerre d’applaudissements des rangs de la majorité gouvernementale.
Speaker : Cool down ! Cool down !
Jhugroo : Était-elle au courant des discussions entre le DY Patil Medical College, le NPF et son ministère ?
Bappoo : Oui. Je suis la ministre responsable de la Sécurité sociale.
Jhugroo : Had you declared your interest ?
Bappoo : What interest ? What interest ? Je voudrais savoir…
Anquetil : Peut-on savoir qui a signé les contrats ?
Opposition : Kestion telegide !
Bappoo : Par l’ancien chef de Cabinet et Sanjay Patil.
Jhugroo : Peut-on savoir qui avait accompagné la ministre Bappoo lors de la troisième convocation de l’université médicale Patil à Mumbai en 2009 ?
Bappoo : If my spouse is not going to accompany me, who is going to, accompany me ? Are you going to accompany me ?
Bancs du GM : To ava sese…
Jhugroo : Being given that I have a lovely wife at home and I don’t need to accolpany a Potou Rassis…
Cette interpellation est interrompue par des brouhahas au sein de l’hémicycle.
Speaker : I want some silence. No more of spouses and wives…
Bancs du GM : Jhugroo, aret par la mem…
Jhugroo : Peut-elle confirmer si des procédures d’appels d’offres avaient été lancées pour les rénovations pour le compte du DY Patil Medical College ? If not why not ?
Bappoo : J’ai dit qu’il y a eu des appels d’offres. Don’t put such question… Pa vinn badinn ar mwa koumsa…
Bancs du GM : Sheila lave, perse, met sek…
Anquetil : Y a-t-il une raison spécifique derrière le rachat le 28 décembre 2010 de ces deux immeubles ?
Bancs du GM : Zordi nou pou kone… Bizin met komision danket…
« This is not a stadium ring »
Bappoo : Il y a eu une requête de la part du précédent propriétaire des immeubles pour que les transactions soient bouclées en décembre 2010. Une des mesures dans le budget présenté par le ministre des Finances, soit la Capital Gains Tax de 15 %, devait entrer en vigueur le 1er janvier. Le 27 décembre, l’ancien propriétaire avait écrit une lettre pour demander de conclure la transaction immobilière avant la fin de l’année pour éviter de payer la Capital Gains Tax. (La ministre brandit une copie de la lettre.)
Bancs du GM : Corruption…
Speaker : I say no more provocation…
Bappoo : Cette demande n’a pas été présentée au Cabinet pour une décision. La ministre de la Sécurité sociale d’alors avait écrit au notaire le même jour, soit le 27 décembre, pour compléter les procédures sur le champ (Immediate Action). La même ministre a accéléré les procédures. This I will never do in my life. Conséquemment, la vente fut concrétisée le 28 décembre 2012 au bénéfice de l’ancien propriétaire et au détriment du gouvernement en matière fiscale…
Bancs du GM : Commission !
Bappoo : I’ll table a copy of the letter signed by the minister…
Jeetah : Sa bizin al l’ICAC direk sa !
Dookun-Luchoomun : La ministre faisait partie du conseil des ministres. Le Cabinet était au courant de ce projet et en avait discuté…
Bancs du GM : Commission…
Speaker : This is not a stadium ring…
Aimée : Toréador…
Dookun-Luchoomun : Quand…
Bancs du GM : Pa vinn eksplike…
Jeetah : Sa prison…
Speaker : Allow the Honourable member to put the question.
Dookun-Luchoomun : Il y a des décisions du conseil des ministres sur cette affaire ?
Bappoo : The letter coming from the former owner for the sale immediately, that letter never came to Cabinet…
Bancs du GM : Commission…
Bundhoo : Ala Remake kase !
Jhugroo : La ministre peut-elle confirmer qu’elle était la Chief Guest à cette troisième convocation pour la remise des diplômes aux étudiants de la DY Patil University de Mumbai ?
Bappoo : Le Chief Guest devait être le Premier ministre ; il m’a demandé de le remplacer à cette occasion. Je le ferai à chaque fois qu’il me le demandera.
Jugnauth : Est-elle au courant qu’un des directeurs de DY Patil, en l’occurrence Raj Bappoo, pour atténuer les craintes des étudiants qui faisaient face à des problèmes pour leur enregistrement, leur avait demandé de ne pas s’en faire, que le soir, il allait en parler avec son épouse ministre en vue de reprendre la question avec le ministre concerné ?
Speaker : Allow me. I’m on my feet. Any question must be factual ; not hearsay !
Jugnauth : Il y a un enregistrement vidéo de ces échanges avec les étudiants.
Bérenger : He wants to make them happy…
Speaker : The Assembly is not in presence of any recording…
Bappoo : Raj Bappoo est mon époux et si le soir au lit il ne peut me parler, avec quelle femme il va parler…
La tranche du Question Time prend fin dans un brouhaha indescriptible avec le Speaker avertissant que si cette situation persiste, les parlementaires ont intérêt à être sur leurs gardes.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -