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ASSEMBLÉE NATIONALE: Bhagwan déclenche les hostilités

La reprise des travaux de l’Assemblée nationale, hier après-midi, après une coupure d’une dizaine de jours et en prélude aux prochaines vacances, a été marquée par de vives tensions au sein de l’hémicycle. Le ton des hostilités entre les deux blocs est monté crescendo avec la Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur la controverse du communiqué au sujet de la « rupture annoncée » des relations avec le Qatar et acculant le vice-Premier ministre et ministre du Logement, Showkutally Soodhun, pour ce faux pas diplomatique mettant dans l’embarras le pays. Le N° 4 du gouvernement a dû être rappelé à l’ordre à plusieurs reprises par la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee. Toutefois, le député Rajesh Bhagwan devait déclencher les hostilités avec des remarques vitrioliques à l’encontre du Premier ministre et Leader of the House, Pravind Jugnauth. C’était au moment où ce dernier allait intervenir pour les procédures aux termes du Standing Order en vue de la Night Sitting prévue pour hier. Pravind Jugnauth a été pris par surprise par une première salve de réparties, dont « to inn gagn to de klak avec MedPoint ek Gunness » venant du député Bhagwan, comme un retour d’ascenseur à une précédente critique du Premier ministre au leader du MMM, Paul Bérenger, sur l’affaire MedPoint, à l’effet que « to inn gagn to klak avec Lakour Siprem ». Le Leader of the House était resté sans réponse devant cette attaque frontale, laissant le soin à Maya Hanoomanjee de rétablir l’ordre.
Mais devant la succession d’invectives et de remarques acerbes de Rajesh Bhagwan, culminant avec un sonore  « Gouvernma ladrog ! Gouvernman soutirer Raouf Gulbul », le Sergeant-at-Arms a été appelé à la rescousse, pour faire expulser l’ancien Whip de l’opposition. Mais en vue d’éviter toute confrontation physique en direct à la télévision et compte tenu aussi du fait qu’il n’est pas donné à n’importe qui de déplacer la forte corpulence du député de l’opposition, Maya Hanoomanjee a suspendu la séance parlementaire de manière instantanée en vue de calmer les ardeurs.
Au retour de l’hémicycle, une dizaine de minutes plus tard, les parlementaires de l’opposition, comme un bloc, ont boycotté la suite des travaux, avec l’adoption du Budget 2017/18 et le débat sur les nouvelles dispositions d’extradition. Le Mentor Minister, sir Anerood Jugnauth, est intervenu avec un Statement sur le vote historique des Nations unies du 22 juin, les travées de l’opposition étant désertes. En l’absence du ministre des Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo, c’est le ministre de l’Infrastructure publique, Nando Bodha, qui a dû répondre à la PNQ du jour, axée sur la « gaffe diplomatique » du communiqué du 5 juin quant à la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar.
La réplique officielle cinglante à l’ingérence du vice-Premier ministre et ministre du Logement dans la gestion de la politique étrangère; « States are indeed actors of International Law and they act through the respective Prime Ministers, Foreign Ministers and Diplomatic Missions regarding relations with foreign countries », s’est appesanti Nando Bodha en réitérant quelques secondes plus tard dans sa réponse liminaire que « international law provides that Heads of States/Heads of Government or Ministers of Foreign Affairs are the only persons entitled to speak and communicate on matters relating to diplomacy, international relations and the conduct of international affairs ».
Le ton agressif du leader du PMSD dans l’affaire du Qatar, Maurice étant désignée comme une « Banana Republic » ou encore le gouvernement transformé en « Lakour du Rwa Peto », avec chacun des ministres émettant des communiqués ne relevant pas de leurs responsabilités, a été éclipsé par la joute verbale avec en première ligne le député Rajesh Bhagwan. Vers la fin des échanges, Xavier-Luc Duval s’était même permis de tenir tête à la Speaker de l’Assemblée en répétant à plusieurs reprises « I’m not giving way ». Finalement, Maya Hanoomanjee devait rappeler au leader de l’opposition que « I’m on my feet ! », qu’il devait donc céder et reprendre sa place.
Des plus frontales
Au cours des échanges sur la PNQ, Rajesh Bhagwan s’était signalé avec des réparties à l’emporte-pièce à l’encontre de Showkutally Soodhun. Mais lors des incidents menant à son expulsion et celle de Paul Bérenger, l’attaque était des plus frontales contre le Premier ministre. À l’issue de la PNQ, le Leader of the House est intervenu pour exemption aux Standing Orders en vue de permettre à la séance de poursuivre au-delà de 19 heures. Et sans crier gare, le député du MMM s’en est pris verbalement à Pravind Jugnauth.
Jugnauth (Pravind) : I move that…
Bhagwan: To inn gagn to de klak, MedPoint ek Gunness…
Le Premier ministre accuse le coup alors que la Speaker lance un premier rappel à l’ordre au député, qui poursuit sur sa lancée contre le leader du MSM.
Bhagwan (ne prêtant pas attention à la Speaker et s’adressant à Pravind Jugnauth) : Al koud to iniform pou al Melrose…
Un brouhaha gagne en intensité au sein de l’hémicycle, Maya Hanoomanjee contrôlant de moins en moins la situation, qui se détériore.
Speaker : I’ve told you – no cross-talking please. Honourable Bhagwan! Honourable Bhagwan! Do you want me to order you out of the House…?
Bhagwan: Gouvernman ladrog… Gouvernman soutirer Raouf Gulbul.. Bann soutirer…
Speaker: Honourable Bhagwan, I order you out…
Les autres députés de l’opposition se joignent au concert de protestations alors que les parlementaires de la majorité demandent à haute voix que les directives d’expulsion du député de l’opposition soient mises à exécution. La Speaker ne cesse de répéter « I order you out » en direction de Rajesh Bhagwan, qui ne fait aucun mouvement pour évacuer l’hémicycle.
Bhagwan : Amenn Riot Unit si bizin. Nou pa pou ale zordi…
Speaker : Honourable Bhagwan, I order you out… Honourable Bhagwan, I order you out… Honourable Bhagwan, I order you out… Honourable Bhagwan, I order you out… Honourable Bhagwan, I order you out… Honourable Bhagwan I have ordered you out..
Bérenger: Shame… Bann voler.. Shame… Demisione.
Dans un premier temps, le Sergeant-At-Arms va en direction de la place occupée par le leader du MMM en vue de demander au député Bhagwan de quitter l’hémicycle. Mais il se heurte à un refus catégorique et à une réplique cinglante de Paul Bérenger.
Bérenger (en direction du Sergeant-at-Arms) : Ki ou pou vinn tir li la? Ou tous li, mo soufle ! Ou anvole enn sel kou…
Bhagwan : Zot bizin demisione ! Gouvernman laont !
Speaker : Honourable Bhagwan, I have ordered you out. You have to leave. You should understand. I’ve ordered you out…  You have to go…
Bhagwan (à l’adresse de Pravind Jugnauth): Pou met twa dan selil n° 8 dan Melrose…
Speaker : I’ve ordered you out. This is my Ruling.
Entre-temps, le Sergeant-at-Arms et un autre officier de police affecté au service de l’Assemblée nationale se sont approchés de l’autre côté de la travée de strapontins occupés par les députés du MMM en vue d’expulser Rajesh Bhagwan.
Bhagwan : Ki to kwar to pou tous mwa. Nek tous moi to gete ki pou arive… (Puis en direction de l’autre côté de la Chambre) : Gouvernma la drog… Bizin demisione…
Le leader du MMM et d’autres membres de l’opposition se mettent de la partie et s’élèvent contre la décision de Maya Hanoomanjee.
Bérenger: … Alle manz biskwi…
Speaker : Honourable Bhagwan, I’ve ordered you out. Honourable Bérenger, I’ve been very patient with you. But each time, you are challenging the authority of the Chair. (À ce stade, Paul Bérenger continue à se montrer encore plus critique à l’encontre de la présidence de l’Assemblée nationale.) I’m not going to accept that. I’ll also order you out…
Bancs de l’opposition: Shame! Laont, demision…
Mais aucun des députés de l’opposition, sous le coup d’une expulsion, ne bouge de leur place et Maya Hanoomanjee n’a d’autre choix que de suspendre les travaux de l’Assemblée nationale ? Subséquemment l’opposition devait décider de boycotter le reste de la séance.
Relations diplomatiques
Auparavant, le ministre Bodha, qui assure la suppléance en tant que ministre des Affaires étrangères, avait dû faire preuve de beaucoup de diplomatie pour répondre à la PNQ du leader de l’opposition sur le dossier des relations diplomatiques avec des pays du monde arabe.
Maurice entretient d’excellentes relations avec tous les pays du Moyen-Orient. Nos relations avec les pays du Golfe sont telles que les habitants peuvent voyager librement vers Maurice et obtenir leur visa à leur arrivée. Depuis l’arrivée de ce gouvernement en décembre 2014, nous n’avons épargné aucun effort pour renforcer davantage nos relations avec ces pays et les autres. En effet, le gouvernement a honoré son engagement à ouvrir une ambassade en Arabie Saoudite pour servir la région. Celle-ci est opérationnelle depuis décembre 2016.
Le communiqué en question ne reflète pas la position officielle de Maurice. Le 5 juin 2017, l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle avait rompu ses relations avec l’État du Qatar. Subséquemment, la presse internationale a rapporté qu’un groupe de pays, dont le Bahreïn, l’Égypte et la Libye, avait aussi rompu avec le Qatar et on avait aussi rapporté que Maurice avait rompu les relations avec le Qatar. Suivant notre mission aux Nations Unies à New York et à Islamabad, entre autres, et des articles de la presse internationale, le ministère des Affaires étrangères a émis un communiqué officiel le 6 juin 2017 déclarant que, conformément à notre position de maintenir des relations cordiales avec tous les pays de la région, Maurice favorise le dialogue dans la région et dans le monde.
Le 7 juin 2017, mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, a envoyé une lettre à son excellence, Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane, le ministre des Affaires étrangères du Qatar, disant notamment que Maurice maintiendra les relations qu’elle avait avec le Qatar.
Charte de l’ONU
En vue de clarifier davantage la situation, le ministre des Affaires étrangères a contacté le réseau Al Jazeera le 11 juin 2017 et le quotidien français Le Monde le 20 juin 2017 pour que tout article qui suivrait donne un compte rendu correct de la position de Maurice.
Suivant ces demandes, les références sur Maurice comme un pays ayant rompu les relations avec le Qatar ont été rectifiées. De plus, le ministère a demandé à toutes nos ambassades de notifier officiellement leurs capitales et pays respectifs sur la position de Maurice. Les États sont en effet des acteurs de la loi internationale et agissent à travers leurs premiers ministres respectifs, ministres des Finances et diplomates.
La charte de l’ONU invite les États à développer des relations amicales avec les autres pays, basées sur des droits égaux, afin de prendre des mesures appropriées pour la paix. Il invite aussi les États à résoudre des problèmes à caractère social ou humain. La loi internationale stipule que les chefs d’État, de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères sont les seules personnes capables de parler sur des problèmes liés à la diplomatie.
La réponse est non. Maurice n’a rejoint aucune coalition en tant que telle contre l’Iran. Il n’y a aucune menace quant à la sécurité et le bien-être de nos citoyens travaillant au Qatar ou en Iran. Dans des circonstances telles, le ministre des Affaires étrangères, lorsqu’il était sollicité, a rassuré les habitants que Maurice n’a pas rompu ses relations avec le Qatar et qu’aucune demande d’aide formelle n’a été reçue.
Les données de la Banque de Maurice indiquent que le Gross Direct Investment de l’Arabie Saoudite a totalisé 22 M en 2015 et 224 M en 2016. Tous ces investissements sont allés dans le secteur Real Estate. Un investissement de USD 58 M des UAE a été réalisé dans le secteur hôtelier et il y a une proposition d’investissement de USD 150 M dans le même secteur dans les années à venir.
XLD : Tout au long de cette réponse, le ministre qui fait l’intérim en tant que ministre des Affaires étrangères veut nous faire croire et veut faire croire à la population qu’il n’a pas pris connaissance de ce communiqué avec les armoiries de Maurice et émis, par le Bureau du Vice-Premier ministre et ministre des Terres au sujet de la rupture des relations avec le Qatar . (Il tient entre ses mains un document à cet effet.) Does he mean that he has not seen that ?
Bodha : As soon as the communiqué was released, the ministry of Foreign Affairs did what it had to do.
« Yes or no? »
XLD: Je veux obtenir confirmation si ce communiqué existe bel et bien. Yes or no?
Bodha :  … We did what we had to do in the circumstances.
XLD: The minister has confirmed that this is a genuine communiqué. Et maintenant dans une tentative de réparer les dégâts, le ministère des Affaires étrangères à la mission diplomatique du Qatar à Pretoria émet une communication à l’effet que « the news (sur la rupture des relations diplomatiques) is based on false and fake allegations ». This is an official document. Une version différente a été communiquée au représentant du Qatar.
Bodha : I have talked to my colleague. Il s’est entretenu avec son collègue du Qatar… There is only one official communiqué, that is the one of the 6th June.
XLD:  Avec la confirmation du communiqué du 5 juin du Bureau du vice-Premier ministre avec des accusations contre le Qatar au sujet du terrorisme régional, just for the record, puis-je savoir si une déposition a été consignée à la police ?
Bodha : No.
XLD : There is a false communiqué and nothing reported to the police. Aucune enquête interne pour situer les responsabilités. We have now become a Banana Republic. We should change our coats of arms and replace them by a banana tree.
Bodha: Il y avait une urgence. The priority was to clear the name of Mauritius. Cela a été fait avec les contacts au niveau des missions diplomatiques mauriciennes à l’étranger et également avec des consultations aux Nations unies. (Le ministre cite des extraits d’une communication du représentant permanent à Maurice, Jagdish Koonjul, à l’effet que l’affaire a été réglée.)
XLD : Now the Banana Republic is officially confirmed. Who is leading the embargo on Qatar?  Prince Salman of Saudi Arabia, who provides private jets when ministers are sick overseas.
Showkutally Soodhun proteste contre cette accusation, des députés de l’opposition lui rétorquant « al tir enn kominike ».
Bodha : This is an international affair. Mauritius has nothing to do with embargo…
XLD: Ne voit-il pas le complot?? Car juste après le communiqué au sujet de la rupture des relations annoncée avec le Qatar, Saudi Airlines par le truchement d’un Tweet annonce des liaisons aériennes avec Maurice!
Bodha : Le leader de l’opposition a été ministre des Communications extérieures. Il doit savoir que tout le dossier des droits de trafic aérien doit suivre des procédures bien établies et que cela ne se fait par Tweets.
Cette réponse du ministre Bodha est applaudie par la majorité.
XLD : Le ministre doit savoir que même le président des États-Unis utilise des Tweets. You can take it as funny. You can laugh at the stupidity. What about the other countries involved? Mauritius has got involved in an imbroglio. Qu’en est-il de l’Iran et de la Turquie? What have you done towards these two countries ?
« Zot inn fane… »
Bodha : What had to be done has been done. J’ai eu des consultations avec l’ambassadeur Koonjul et il m’a fait comprendre que « the situation is clear. There is no cloud… »
XLD : Mais il ne dit pas qu’aucun de ces pays n’a soutenu Maurice lors du vote des Nations unies sur les Chagos ? Neither Iran, nor Turkey supported Mauritius. It’s a fact…
Bérenger : Zot inn fane…
Speaker : Honourable Soodhun, no cross-talking…
XLD: Le ministre est-il conscient qu’avec ce communiqué, le VPM Soodhun a entraîné le pays dans une spirale internationale d’idéologie sectorielle, projetant le pays dans une situation dangereuse où nous n’avons rien à faire??
Bodha : You are right. We have nothing to do. Aux Nations unies, six pays du Moyen-Orient ont voté en faveur de Mauricce et cinq se sont abstenus. But none has voted against Mauritius.
Un brouhaha interrompt la réponse du ministre, la Speaker intervenant pour rappeler à l’ordre Showkutally Soodhun.
Speaker : Honourable Soodhun, you should not be provocative and should not engage in cross-talking. This is the last time, I’m drawing your attention.
Bodha : (reprenant le fil de sa réponse) To establish the carat of Mauritius, what had to be done, has been done. Et cela que ce soit au niveau du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères.
Le leader de l’opposition fait part de ses craintes au sujet du communiqué de Soodhun par rapport aux retombées sur les services aériens assurés par Turkish Airlines sur Maurice et l’industrie touristique locale. Il fait aussi état de la sécurité des Mauriciens se trouvant au Qatar, au nombre de 356, ou encore en Iran. Le ministre Bodha s’est évertué d’être rassurant, soutenant que tout sera mis en oeuvre en cas de besoin et que jusqu’ici « la situation est sous contrôle ». Les députés de l’opposition, Osman Mahomed et Reza Uteem, et celui de la majorité, Ravi Rutnah, sont intervenus avec des interpellations supplémentaires.
À ce stade des échanges, un incident est survenu entre la Speaker et le leader de l’opposition, ce dernier martelant « I’m not giving way ».
Speaker : It’s not a question of giving way. It’s a question on whom I give the floor. You are taking my prerogative. I’m on my feet Honourable Leader of the Opposition. You are a seasoned politician. It’s the rule of the House, it’s your privilege to ask PNQs. Puisque j’avais donné la parole au député Rutnah, je l’ai reprise et je vous la redonnerai.
XLD : Que font le Prime Minister’s Office et le ministère des Affaires étrangères?? Il y a des risques réels d’importation du phénomène du terrorisme à Maurice. This is why the United Kingdom has upgraded the risk from Low to Underlying?
Bodha : This is a matter of opinion. We don’t want to be engulfed in any issue of terrorism. As regards to the travel warning from UK, we can ask ourselves if it is not arm twisting on the Chagos issue…

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