ASSEMBLÉE NATIONALE : Nous ne céderons pas au chantage sur les Chagos, a déclaré SAJ 

Une Double-Barrelled Private Notice Question (PNQ) a été proposée par le leader de l’opposition, Paul Bérenger, au Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, à l’ouverture de la séance du jour des travaux parlementaires. Actualité oblige, les échanges ont été axés sur les retombées du Brexit pour Maurice et les risques de détérioration des relations bilatérales entre Port-Louis et Londres et également avec Washington compte tenu de l’ultimatum lancé par Maurice à la Grande-Bretagne en vue de fixer une date pour le contrôle effectif de Maurice sur les Chagos ; sur ce dernier point, le chef du gouvernement n’a pas mâché ses mots et a réitéré sa détermination d’aller jusqu’au bout avec le recours à la Cour internationale de Justice de La Haye pour une Advisory Opinion contre la Grande-Bretagne au sujet du démembrement du territoire de la République de Maurice avant l’accession à l’indépendance le 12 mars 1968.
« Nous n’allons pas céder au chantage, et l’impression est que la Grande-Bretagne n’entend nullement rendre à Maurice cette partie de son territoire. Nous nous battons pour une cause légitime », devait déclarer sir Anerood, Paul Bérenger confirmant le soutien de l’opposition à ce combat. Les prochaines 48 heures devront voir deux événements majeurs au chapitre des Chagos. L’ultimatum lancé à la Grande-Bretagne pour se prononcer sur la date du contrôle effectif de Maurice sur les Chagos, évitant du même coup la voie menant à la Cour internationale de Justice, expire jeudi. Il faut également tenir compte du fait que la Cour suprême de la Grande-Bretagne rendra demain son jugement dans l’appel interjeté par Olivier Bancoult au nom de la communauté chagossienne pour un retour dans les îles de l’archipel (voir texte plus loin).
Le consensus entre le gouvernement et l’opposition sur les Chagos n’est pas de mise au chapitre du Brexit suite au référendum de jeudi dernier en Grande-Bretagne. Des divergences de vues perdurent quant au Timing par Londres de l’activation de l’Article 50 du Traité de l’Union européenne pour consommer le divorce entre Londres et Bruxelles. Le leader de l’opposition s’appesantit sur le fait que dans la conjoncture il y a urgence et s’inscrit en faux face à l’attitude « cool » qu’affiche le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, et par extension sir Anerood. Il croit qu’il y a danger plus loin, des pressions venant d’autres États membres de l’Union européenne sur la Grande-Bretagne pour une accélération des procédures en vue de presser l’Exit Button.
Répercussions ?économiques
Dans le camp du gouvernement, l’on s’en tient aux déclarations officielles du Premier ministre britannique, David Cameron, que la responsabilité de l’Article 50 du Traité européen relèvera de son successeur, qui devra être en poste à compter du 2 septembre. Cette date, qui était prévue initialement pour octobre prochain, a été ramenée plus tôt par les conservateurs britanniques. Mais avec l’intervention du Backbencher de la majorité, Ravi Rutnah, alléguant que les procédures du Brexit pourraient prendre dix ans, au vu des dernières analyses savantes circulant à Londres, le gouvernement affirme avoir trouvé un « certain réconfort ».
Néanmoins, le Premier ministre a fait comprendre que le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne se traduira par des répercussions sur le plan économique pour Maurice aussi bien que pour d’autres pays du monde. Il a ajouté que de nouvelles négociations devront avoir lieu avec la Grande-Bretagne au sujet des exportations de Maurice.
Sir Anerood ne s’est pas montré hostile à une proposition du chef de file du Labour, Shakeel Mohamed, selon laquelle Maurice devrait prendre l’initiative de convoquer un sommet spécial des chefs d’État et de gouvernement des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pour faire le tour des répercussions du Brexit.
Bérenger : Par rapport aux retombées du Brexit, soit le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, et des risques de détérioration des relations entre Maurice, d’une part, et la Grande-Bretagne et les États-Unis, d’autre part, le Premier ministre peut-il informer la Chambre des mesures envisagées en vue d’atténuer les répercussions du Brexit sur Maurice et comment compte-t-il gérer les relations avec Londres, après le divorce avec Bruxelles, et avec les États-Unis à la veille des prochaines élections présidentielles ?
SAJ : En réponse à une PNQ le 14 juin dernier, j’avais déclaré qu’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne aura certainement des conséquences non seulement sur Maurice mais sur le monde entier, particulièrement sur les pays ayant des accords de coopération avec l’Union européenne et avec la Grande-Bretagne. J’avais aussi déclaré que des consultations informelles avaient eu lieu avec le secteur privé sur les éventuelles retombées du Brexit. Ces discussions se poursuivent et sont toujours à l’agenda du prochain comité secteur public/secteur privé que je préside.
Lors de la rencontre du Cabinet, vendredi dernier, il a été décidé qu’un comité interministériel, présidé par le ministre des Finances, serait mis sur pied pour se pencher sur toutes les implications du Brexit. Tout de suite après les résultats du référendum, le ministre des Finances a convoqué les divers représentants du secteur public et privé pour discuter sur les possibles conséquences du Brexit. Lors de la rencontre du comité, divers secteurs de l’économie ont été abordés. Une première évaluation des éventuels impacts secteur par secteur a été faite. Le comité doit faire des propositions sur les manières de gérer les impacts négatifs du Brexit sur l’économie mauricienne.
Sauvegarder ?ses intérêts
Le comité examine aussi Ies cinq principales options que la Grande-Bretagne pourrait choisir comme modèle de négociation durant les deux ans de transition. D’abord, le Norway model, où la Grande-Bretagne rejoindrait l’European Economic Area ; deuxièmement, le modèle suisse, où l’Angleterre négocierait un accord bilatéral avec les États de l’UE ; troisièmement, le modèle de Turquie où l’Angleterre peut négocier une Bilateral Customs Union avec l’UE ; ensuite le modèle de l’OMC où l’Angleterre dépendrait des règles de l’OMC pour un accès au marché ; et enfin, un deal spécial qui retiendrait un free trade avec l’UE.
Toutefois, je voudrais souligner que le Brexit ne prendra effet que le jour où la Grande-Bretagne signifiera son intention auprès de l’Union européenne de se retirer et deux ans après cette notification. Jusqu’ici, elle ne l’a pas fait et le premier ministre britannique aurait déclaré que l’Angleterre n’est pas pressée de le faire. Et, jusqu’ici, il n’y a aucune indication venant de la Grande-Bretagne quant à sa préférence parmi les cinq principales options.
Le Premier ministre britannique a déclaré qu’aucune négociation à proprement parler ne démarrera tant que son successeur ne sera pas nommé. Sans prendre en considération les divers scénarios ayant trait aux relations commerciales de la Grande-Bretagne, Maurice aura besoin de relations bilatérales pour sauvegarder ses intérêts. Dans l’éventualité que l’Angleterre maintienne les engagements de l’UE envers les États membres qui ont signé l’Interim Economic Partnership Agreement, notamment Madagascar, Maurice, les Seychelles et le Zimbabwe, il peut ne pas y avoir besoin d’un nouvel accord commercial. Dans le cas contraire, on aurait besoin d’un nouvel accord pour sauvegarder nos intérêts.
Nous continuerons avec la diversification de nos marchés d’exportation. Cette stratégie de diversification a été initiée en 2010 par le présent ministre des Finances à la suite de la crise économique en Europe.
Les relations entre les pays sont permanentes indépendamment des élections. Nos relations avec la Grande-Bretagne et les États-Unis demeurent fortes en dépit du communiqué émis par les deux ambassades sur les Chagos. Permettez-moi de rappeler que nous avons toujours entretenu de fortes relations.
Quand j’ai rencontré Patrick Kennedy, Under Secretary for Management à l’US Department of State, et Neil Wigan, Africa Director à l’UK Foreign and Commonwealth Office, j’ai souligné que Maurice entretient de fortes relations avec l’Angleterre et les USA. J’ai fait ressortir que les Chagos ne devraient pas être utilisés comme un “trade off for cooperation between Mauritius and the UK and the US or for assistance from the UK and the US to Mauritius”.
J’ai aussi fait ressortir que le fait que Maurice puisse avoir recours à la Cour internationale de Justice ne devrait pas être perçu comme un unfriendly act car nous luttons pour une cause légitime. La déclaration selon laquelle cela causerait un « lasting damage to Mauritius’ bilateral relations with both the UK and the USA » est totalement inacceptable et contraire à leurs obligations selon la loi internationale. Depuis l’Indépendance, notre attitude a toujours été sur une base de pays à pays et non simplement par rapport à l’Union européenne. Nous pouvons consolider nos relations à la fois avec la Grande-Bretagne et avec les États-Unis. Toutefois, étant donné que la Grande-Bretagne ne fera plus partie de l’Union européenne, nous aurons besoin d’un accord avec elle. Je compte marquer ma présence aux célébrations à l’ambassade américaine cette semaine. J’ai aussi écrit au président Obama pour le féliciter à l’occasion du 240e anniversaire de l’Indépendance des USA.
Je tiens à informer que j’ai fait une demande pour rencontrer à la fois le Premier ministre britannique et le président des États-Unis car j’estime que ce n’est qu’à travers un dialogue franc qu’on pourra trouver des solutions.
Bérenger : Je préfère commencer par le volet consacré au Brexit. De ce que le Premier ministre a annoncé, les effets du retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne par Maurice seront évalués par trois instances, à savoir le comité conjoint gouvernement–secteur privé sous sa présidence, le comité ministériel décidé par le conseil des ministres et confié au ministre des Finances, Pravind Jugnauth, et la réunion de vendredi entre les représentants du gouvernement et du secteur privé sous le ministère des Finances. Le Premier ministre peut-il révéler quand a été fixée la prochaine réunion gouvernement–secteur privé et si le procès-verbal des délibérations pourrait être déposé sur la table de l’Assemblée nationale ?
SAJ : La date de la réunion n’a pas encore été arrêtée. Je ne vois aucun inconvénient que les Minutes of Proceedings soient déposés à l’Assemblée.
There is urgency
Bérenger : Thank you. Le communiqué du conseil des ministres de vendredi contient les attributions du comité interministériel présidé par Pravind Jugnauth. Peut-on prendre connaissance de la composition de cette instance ? Qui sont les autres ministres qui en feront partie ? Les recommandations de ce comité seront-elles rendues publiques ?
SAJ : (Il attend des éléments de réponse de la part de ses collaborateurs, dont le Secretary to Cabinet par intérim) : Nous avons procédé à des nominations mais je n’ai pas tous les noms en tête. (Il prend connaissance du morceau de papier transmis par des officiels du Prime Minister’s Office et il lit.) La liste de la composition de ce comité sera circulée. Pour ce qui est des recommandations, tout dépendra. S’il y a des éléments de nature confidentielle, on ne pourra pas le faire. À ce stade, je ne peux prendre aucun engagement.
Bérenger : Le ministre des Finances affiche une attitude très cool par rapport au Brexit. Le même sentiment se dégage des éléments de la réponse liminaire du Premier ministre. Apparemment, cela pourrait ne pas être le cas. Le Premier ministre est-il au courant que pas plus tard qu’hier soir, le trio Hollande (France)/Merkel (Allemagne)/Renzi (Italie) a mis la pression sur la Grande-Bretagne en affirmant qu’il ne peut être question d’échanges informels tant que l’Article 50 du Traité européen n’est pas activé. Dans l’ensemble de l’Union européenne c’est le même sentiment. Rien ne sera fait avant la notification formelle. There is urgency. Les choses pourraient connaître une détérioration. Le Premier ministre partage-t-il mon avis ?
SAJ : I can’t totally agree with the leader of the opposition. There may be pressures. Mais le Premier ministre, britannique, David Cameron, a indiqué que “there is no rush”. Les discussions sur le retrait de la Grande-Bretagne n’auront lieu qu’après la notification. I don’t think there is urgency…
Bérenger : We will see down the road…
SAJ (donnant lecture d’un morceau de papier transmis par des officiels du PMO): Le leader de l’opposition donne l’impression qu’il est le seul…
La lecture de ce document par le Premier ministre donne lieu à des remous venant des rangs de l’opposition et une vive réaction de la part du leader de l’opposition en direction des fonctionnaires du PMO dans la galerie officielle.
Bérenger : Stupid… Jusqu’ici le ton des échanges était correct maintenant qu’interviennent ces éléments…
Balamoody : Adviser sa…
Bhagwan : Samem inn koul zot sa…
SAJ : We’ll take our responsibility.
UK is not out of EU
Bérenger : He should do penmanship (devant les difficultés éprouvées par le Premier ministre à déchiffrer ce qui avait été écrit sur le morceau de papier). En Grande-Bretagne, l’ère Cameron est du passé avec la nomination prochaine d’un nouveau Premier ministre et probablement de nouvelles élections générales en Grande-Bretagne. L’année prochaine, des élections présidentielles en France seront annoncées. Les Allemands se rendront aux urnes avec les deux alliés, soit le SPD et le parti d’Angela Merkel dans les camps opposés. Peut-on savoir si les missions diplomatiques mauriciennes à Paris et à Londres, et également celle à Bonn, seront engagées à établir des contacts avec les partis politiques concernés, y compris ceux de l’opposition ?
SAJ : Les missions diplomatiques feront le nécessaire…
Bérenger : Dans le passé, Maurice a toujours été à l’avant-garde à Bruxelles. Nous devrons prendre l’initiative au sein des ACP. Peut-on savoir ce qui est envisagé ?
SAJ : We’ll certainly do that. Mais nous allons procéder étape par étape. I don’t think we should rush. Après, la Grande-Bretagne est encore au sein de l’Union européenne. The United Kingdom is not out of EU yet.
Bérenger : Passons au dossier des Chagos. Lors de ma dernière PNQ à ce chapitre, le Premier ministre a confirmé son intention de saisir l’Assemblée générale des Nations unies de la revendication mauricienne sur l’archipel. Ce rendez-vous est en septembre et dans deux jours expire l’ultimatum. Peut-on savoir les démarches qui ont été enclenchées au niveau des Nations unies pour inscrire cet item à l’agenda ? A-t-on déjà établi le contact avec la présidence de l’Assemblée générale, qui sera assurée par Fidji ? Qu’en est-il du lobbying auprès des pays amis ? Le gouvernement est-il disposé à reprendre l’initiative de 2001 quand sir Anerood était Premier ministre et moi Deputy Prime Minister, et nous avons même été jusqu’au président Bush ?
SAJ : I would like to know what was the outcome of these discussions. We were nowhere as far as Chagos is concerned. Il est clair que la Grande-Bretagne n’a aucune intention de nous rendre les Chagos. We have to take measures. We have to fight. We are fighting for a legitimate cause. We are not going to bow out before those who pretend to support justice and human rights, and also rule of law; ils se comportent comme des pires dictateurs avec pour seul principe: might is right. Il n’y aura pas de capitulation. We are going forward..; We are not going to bow out..
Bérenger : Nous abordions l’ère post-Cameron et post-Obama. Lors de la PNQ du 17 mai, le Premier ministre avait annoncé qu’il avait écrit au président Obama en avril dernier. Peut-on savoir s’il y a eu une réponse ? Les missions diplomatiques de Maurice à Washington et à New York sont-elles engagées dans le dossier des Chagos ?
SAJ : There has been no reply. Tous les efforts sont déployés au niveau de nos missions diplomatiques.
Bérenger : Very disturbing. Dans le communiqué émis par le Prime Minister’s Office, mention est faite que les menaces des Anglais et des Américains sur le plan des relations diplomatiques sont hostile and totally unacceptable de même que contraires à leurs obligations en Droit international. Au sein de l’opposition, nous souscrivons à cette prise de position. Mais ces menaces portent-elles sur l’AGOA au désavantage de Maurice ?
SAJ : No. They have not given any hint. D’ailleurs, les menaces sont publiques…
Bérenger : Demain, la Cour suprême à Londres rendra le jugement dans l’appel interjeté par Olivier Bancoult contre la Grande-Bretagne suite au jugement de 2008 à 3 contre 2 de la House of Lords. La mission diplomatique à Londres suit-elle cette affaire. A-t-on déjà pris des dispositions pour réagir ?
SAJ : Well, I have been told that it’s likely that the Chagossians are going to lose this case; we have to wait. Ce n’est qu’après que nous serons en mesure d’intervenir.
À ce stade des échanges, le Backbencher du gouvernement est intervenu pour faire comprendre que selon les dernières informations, le Brexit ne sera effectif qu’après un vote de la Chambre des Communes abrogeant l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. « Des spécialistes soutiennent que cela pourrait prendre dix ans et nous aurons suffisamment de temps pour négocier des accords avec Londres », dira le député alors que le député Balamoody devait lancer à son égard « to pe gagn traka to paspor ».
Répondant à Ravi Rutnah, sir Anerood devait ajouter que « if the Honourable Member is correct, then we will have more time. Des légistes font également part que la notion de référendum n’est pas reconnue en Angleterre ». Il semble partager l’avis du député Rutnah sur le projet de loi à être voté par la Chambre des Communes.
Shakeel Mohamed : It seems that the Prime Minister is getting his information from Facebook. Il y a d’énormes pressions sur David Cameron. Des réunions se succèdent à Bruxelles à cet effet.  Au niveau des ACP, le Premier ministre n’est-il pas d’accord que Maurice doit prendre l’initiative de convoquer un sommet spécial des chefs d’État et de gouvernement du groupe ACP pour aborder les effets du Brexit ?
SAJ : We’ll consider that certainly.
Bérenger : Dans la conjoncture, nous faisons face à de gros défis avec le Brexit et des risques, je dis bien des risques, de détérioration de nos relations avec Londres et Washington; ne serait-il pas mieux que le ministre des Affaires étrangères sorte de son silence ?
SAJ : (La première partie de la réponse est inaudible de la galerie de la presse) He knows what are his responsibilities.
Bhagwan : Li ena lot preokipasion…

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