Assemblée nationale : Pack & Blister empoisonnent l’ambiance dans l’hémicycle

Le PM brandit l’enquête attribuée à l’ICAC pour repousser la demande du leader de l’opposition au sujet des circonstances et des bénéficiaires des Emergency Procedures

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Le ministre Ganoo vante le projet d’Urban Terminal de Rose-Hill et fait état de procédures d’acquisition obligatoire de terrain pour la phase II

Seules trois interpellations répondues pour la demi-heure du Prime Minister’s Question Time d’hier matin

Les Emergency Procurements pour l’achat de médicaments et d’équipements médicaux pendant le Lockdown de COVID-19 ont empoisonné l’hémicycle lors de la séance de l’Assemblée nationale d’hier.  Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, maintient que les procédures sont établies à cet effet et de ce fait rejette toute proposition du leader de l’opposition, Arvin Boolell, pour une enquête, notamment par rapport aux commandes de plus de Rs 500 millions placées auprès de Pack & Blister en Espagne. Il a ajouté également que vu que l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) a déjà initié une enquête dans cette affaire, il ne voit pas la nécessité à la demande d’Arvin Boolell.

Le ton est monté d’un cran au sein de l’hémicycle, chacun des deux protagonistes accusant l’autre de poltron. « Si le Premier ministre n’a rien à cacher, pourquoi ne dépose-t-il pas sur la table de l’Assemblée nationale les informations recherchées ? » se demande en substance le leader de l’opposition. Ou encore « je lui lance un défi et si le leader de l’opposition a le courage, qu’il aille répéter à l’extérieur de l’hémicycle ce qu’il vient de dire », rétorque Pravind Jugnauth à la déclaration du leader de l’opposition selon laquelle « the Prime Minister has given a licence to defraud. It’s a conspiracy to defraud ». Devant un Warning et trois rappels à l’ordre du Speaker, Sooroojdev Phokeer, il devait retirer « under protest » les propos à l’encontre de Pravind Jugnauth.

Le leader of the House et le leader de l’opposition devaient également s’accuser mutuellement de Cover-Up. Pravind Jugnauth devait laisser entendre que « bientôt nous saurons dans quel genre de Cover-Up est engagée l’opposition » en ajoutant que face à « cet ennemi invisible qu’est la COVID-19, we delivered against all odds against a despicable campaign of the opposition ».  Il dira également que « I am not afraid of anything least of this kind of opposition ». Il a également ciblé la presse dans ses attaques tout en déclarant auparavant que « we have to thank that company for having responded and supplied us with equipment at that time ».

De son côté, Arvin Boolell dénonce le refus du Premier ministre de répondre à des interpellations supplémentaires comme un Cover-Up. Il devait s’interroger sur les circonstances ayant amené Pack & Blister d’Espagne à soumettre les offres lors de ces Emergency Procedures. Dans son ultime interpellation supplémentaire, à la PNQ pour réclamer l’institution d’une commission d’enquête, il citera nommément le nom du Senior Adviser bénévole au Prime Minister’s Office et porte-parole du gouvernement, Zouberr Joomaye, comme étant un maillon important dans une affaire de correspondance transmise au Senior Chief Executive au ministère de la Santé et ensuite au PS Runghen du même ministère et non le SCE Ragen – comme mentionné par le leader de l’opposition à l’Assemblée – pour que la State Trading Corporation soit appelée à effectuer le paiement à Pack & Blister.

Un détail qui n’aura pas échappé aux habitués du Question Time est que pour le Prime Minister’s Question Time, seules les trois interpellations ont été répondues pendant la demi-heure et les cinq minutes additionnelles. Ce qui devait donner lieu à des protestations de la part des autres parlementaires car il y avait à l’agenda pour cette tranche pas moins de seize PQs à Pravind Jugnauth. Les commentaires de Rajesh Bhagwan contre cet état de choses devaient être balayés d’un revers de la main par le Speaker, qui ne cessait de rappeler à la Chambre, en particulier à l’opposition, de « show decorum ».

Toujours quant aux séquelles de la pandémie de Coronavirus, le ministre des Affaires étrangères est revenu sur le plan de rapatriement des Mauriciens bloqués dans différents pays à l’étranger. Répondant à une interpellation du Dr Farhad Aumeer, il a indiqué que des 6 350 Mauriciens recensés dans 92 pays avec la fermeture des frontières, quelque 4 000 sont déjà rentrés à Maurice. « À ce jour, il y a 2 318 Mauriciens qui se sont fait enregistrer auprès des différentes missions pour pouvoir regagner le pays. Mais ce nombre est appelé à accroître avec la deuxième vague de COVID-19 dans différents pays et le problème d’hébergement, auquel font face des étudiants mauriciens à l’étranger et les universités optant pour des cours en ligne », ajoutera-t-il.

Nando Bodha poursuit que d’ici la fin du mois d’août, le nombre de Stranded Mauritians rapatriés devrait atteindre les 5 500. Il a donné des indications sur le coût du billet d’avion pour cette opération de rapatriement, soit de

Paris : Rs 35 100

Londres : Rs 39 500

Madagascar : Rs 14 600

La Réunion : Rs 11 400

Mumbai : Rs 20 500

Rodrigues : Rs 5 100

Johannesburg : Rs 20 730

Kuala Lumpur : Rs 47 500.

« Pour les passagers ayant déjà payé leurs billets d’avion, il y a eu une revalidation sans coûts supplémentaires. Sauf dans le cas au départ de Kuala Lumpur, il y a des coûts additionnels faute de passagers et de cargo à l’aller et de fret au retour », a déclaré Nando Bodha. Ce dernier a ajouté que « the payment of surcharge costs cannot be entertained from the COVID-19 Solidarity Fund as this was not meant for that. » La possibilité pour le gouvernement d’assurer les frais de COVID-19 Tests avant de s’embarquer a également été repoussée. Cette éventualité avait été évoquée par le député travailliste, Farhad Aumeer.

Toujours en réponse au même député de l’opposition, le ministre de la Santé a révélé que pour le choix des établissements hôteliers « no procurement methods have been resorted to ». 19 hôtels ont accueilli en quarantaine les Mauriciens rentrant de l’étranger depuis le 20 mars dernier, soit un total de 2 056 au 23 mars. Le coût encouru par la Mauritius Tourism Promotion Authority est de Rs 1 400 par chambre par jour et de Rs 800 à Rs 875 pour le catering de chaque personne en quarantaine quotidiennement.

La parlementaire du MMM, Karen Foo Kune, a contraint le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, à s’expliquer sur la présence des déchets de COVID-Test dans la cour d’un individu à Ecroignard avec des risques potentiels de contamination et de propagation du virus. Elle est intervenue avec preuves à l’appui, notamment des photos de ces déchets, qui auraient dû être incinérés.

Le ministre de la Santé a dû s’expliquer sur cette affaire grave et a promis qu’une enquête a été diligentée en vue de situer les responsabilités avec des sanctions contre des coupables.

D’autre part, au 20 juillet, la Mauritius Revenue Authority a décaissé Rs 442,9 millions pour assurer les salaires de 30 332 employés de 571 entreprises engagées dans le secteur touristique pour le mois de juin. C’est ce qu’a déclaré le ministre des Finances, Renganaden Padayachy à Karen Foo Kune. Pour sa part, le député Franco Quirin s’est intéressé au cas des artistes assurant les animations dans les hôtels de l’île. Il devait soulever cette même question avec le ministre de la Culture, Avinash Teeluck.

Pour sa part, le député du MMM, Deven Nagalingum, s’est intéressé à l’évolution des travaux de l’Urban Terminal, Place Margéot, Rose-Hill. Le ministre Alan Ganoo a précisé que ces travaux s’inscrivent dans le processus de modernisation du système du transport et des infrastructures. Il a rappelé qu’outre Rose-Hill, d’autres régions, dont Port-Louis, Quatre-Bornes et Curepipe, auront également des terminaux similaires.

« Le but est d’offrir un nouveau service aux usagers. Le terminal aura ainsi des boarding facilities pour le métro. Un emplacement est également prévu pour les taxis, ainsi que des activités commerciales. Cette infrastructure va booster les activités académiques dans la région », a-t-il fait ressortir. Et d’ajouter que le Vice-Premier ministre et ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, préside un comité ministériel sur les six Urban Terminals prévus. « There are technical meetings to fine-tune the requirements. »

Nagalingum : Le ministre a-t-il visité le site pour se rendre compte de l’État déplorable du bâtiment actuellement sur place et du danger que cela représente, non seulement pour ceux qui s’y trouvent, mais aussi pour les usagers d’autobus et du métro ? Dans une réponse parlementaire, l’ancien ministre du Transport et des Infrastructures publiques, Nando Bodha, avait dit qu’une investigation était en cours et qu’un pull down order serait recherché. Peut-on savoir s’il y a eu un rapport et si le pull down order a été obtenu ?

Ganoo : J’ai fait un constat de visu de la situation. La question concernait les travaux de l’Urban Terminal. Si l’honorable membre vient avec une question spécifique sur le pull down order, j’y répondrai.

Armance : Y a-t-il eu une étude de faisabilité concernant le stationnement? Peut-on savoir combien de places sont prévues ?

Ganoo : Comme je l’ai dit, il y a un comité technique qui travaille sur toute cette question et il y aura un fine-tuning. Quand tout sera finalisé, il y aura un request of proposals. En ce qui concerne les taxis et les autobus, on y travaille et les opérateurs auront les facilités nécessaires.

Nagalingum : Il y a le cas de Mme E.H qui avait été référé au ministre Bodha. Et rien n’a été entrepris jusqu’ici. Peut-on savoir où en sont les choses ?

Ganoo : Je connais ce cas. La dame est venue me voir et m’a expliqué les difficultés qu’elle rencontre. Nous sommes en train de travailler sur le dossier en vue de trouver une solution.

Un peu plus tard, répondant à une Parliamentary Question de Joanna Bérenger, sur les travaux de la phase II dans les régions de Curepipe et de Vacoas, le ministre Ganoo devait revenir sur le fait que « Metro Express is a highly complex national undertaking ». Il a fait état des problèmes à résoudre, dont 55 cas d’Encroachment on State Land, d’accès et 39 cas d’acquisition obligatoire de terrains.

Joanna Bérenger a pris à contre-pied le ministre Ganoo en citant le cas de 92 familles angoissées par le manque de communication sur les travaux à venir. Le ministre venait de déclarer que « there is an on-going process » en termes de campagne d’information et de sensibilisation et la distribution de 2 500 Flyers par Larsen & Toubro et autres Information Desks mis en place.

Le fléau de la drogue dans des agglomérations de Rose-Hill a été abordé par le député Nagalingum. Le Premier ministre a précisé que pendant des décennies, le cannabis, l’héroïne, le Subutex et les psychotropes étaient les drogues les plus fréquentes à Maurice. Toutefois, ces dernières années, il y a eu l’émergence de drogues synthétiques, particulièrement les cannabinoïdes. Tel est également le cas à Trèfles et Plaisance. De janvier 2015 au 16 juillet 2020, il y a eu 232 affaires de drogues, menant à l’arrestation de 236 personnes, dans ces deux régions de Rose-Hill. De 2009 à 2014, a-t-il ajouté, il y en avait 317 au total.

Avec des patrouilles de la police dans ces régions, une baisse de 27% des cas a été notée. Il a fait état de la Harm Reduction Unit du ministère de la Santé engagée dans un programme de prévention de même que le programme d’échange de seringues et la prise de méthadone dans les cinq hôpitaux régionaux pour aider à réduire la dépendance. À juin 2020, on comptait 463 bénéficiaires du programme de méthadone, soit une augmentation de 10% par rapport à 2018, avec 417 bénéficiaires. De même, a-t-il rappelé, il y a un programme de sensibilisation, Get Connected, lancé dans les collèges.

Nagalingum : Ces derniers mois, surtout pendant le lockdown, les trafiquants de drogues synthétiques ont changé leur mode opératoire, avec la préparation par des personnes ayant une connaissance en basic chemistry et la livraison porte-à-porte. Que compte faire le Premier ministre eu égard à ce développement ?

Jugnauth : J’ai déjà répondu longuement à ce sujet ; il y a des opérations qui sont menées. De même, les mouvements de certaines personnes sont surveillés et comme je l’ai dit, plusieurs ministères sont engagés dans ce combat.

Nagalingum : Beaucoup de descentes policières se révèlent être des échecs car les trafiquants sont déjà informés à l’avance. Le Premier ministre peut-il considérer une réorganisation de l’ADSU ?

Jugnauth : J’ai aussi entendu parler de cela. J’ai reçu des lettres des habitants faisant état de cette situation. J’en ai discuté avec le commissaire de police. À mon niveau, quand il y a de telles informations, je les prends au sérieux, car le combat contre la drogue est une de mes priorités. J’ai communiqué les informations au commissaire de police. Je demande au public, s’il y a des informations sérieuses concernant ceux qui agissent en complicité, de me les communiquer. Mais je dois aussi dire qu’il y a d’autres cas, pas nécessairement à Trèfles et Plaisance, où ce sont des habitants qui empêchent l’ADSU de faire son travail.

Pour sa part, le backbencher de la majorité, Kenny Dhunnoo a souligné la nécessité d’apporter des amendements à la Dangerous Drugs Act afin que les drogues synthétiques soient considérées comme des produits prohibés.

Xavier-Luc Duval : Il y a plus de policiers affectés à la VIPSU qu’à l’ADSU, n’est-ce pas une mauvaise utilisation des ressources humaines ?

Jugnauth : Il me faudra vérifier ce détail. La VIPSU a son utilité. C’est une unité qui a été créée il y a très longtemps. Nous avons augmenté le nombre d’effectifs aussi bien à l’ADSU qu’à la VIPSU ces dernières années. Nous leur avons également donné plus de ressources. Je peux toujours comparer avec ce qui se faisait sous le précédent gouvernement.

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COMMENTAIRES POST-PNQ

Arvin Boolell déplore l’absence

de transparence de la part du PM

Le leader de l’opposition, Arvin Boolell qui rencontrait la presse après la séance de PNQ à l’Assemblée hier, a déploré ce qu’il estime être une absence de transparence de la part du Premier ministre, Pravind Jugnauth.
“Le fait que le Premier ministre n’ait pas donné de réponses aux questions que nous pensons pertinentes pour le bien-être de la population dans un souci de transparence équivaut à une conspiracy to defraud”, a-t-il affirmé.
Il ajoute que sur les Rs 1,4 milliard consacrées à l’achat des médicaments et des équipements médicaux, Rs 750 millions ont été déboursées en cinq jours avec Bo Digital Ltd obtenant Rs 250 M. Il a déploré le fait que le gouvernement n’ait laissé aucun expert du ministère de la Santé travailler sur les spécifications. Les officiers des autres ministères avaient pris le contrôle du ministère de la Santé. “Les spécialistes du ministère de la Santé ont été marginalisés”, a-t-il dit. On a vu de hauts officiers donner des instructions à la State Trading Corporation pour débourser de l’argent pour financer les importations. « C’est ainsi qu’on a dépensé Rs 500 millions sans avoir les équipements”, dit-il. Et de soutenir qu’une urgence sanitaire ne veut pas dire qu’il faut faire fi des règlements établis par le Procurement Policy Office.
Le leader de l’opposition a accusé le gouvernement de n’avoir pas suivi les procédures. D’autre part, il s’est demandé comment la compagnie Pack and Blister a su qu’il y avait une manne qui tombait du ciel à travers l’Emergency Procurement. “Est-ce que cette compagnie a un représentant local?” s’est-il demandé.
Poursuivant son intervention, Arvin Boolell a ajouté que Bo Digital, qui n’était pas enregistré à la Santé, avait obtenu un contrat de Rs 300 millions. C’est après avoir obtenu son argent que la compagnie a été enregistrée, dit-il.

Le leader de l’opposition a dénoncé le Premier ministre pour « sa politique d’opacité » en refusant de répondre aux questions. Il a insisté sur l’importance d’une commission d’enquête sur toutes les transactions afin d’établir la vérité.
Pour sa part, Shakeel Mohamed est d’avis qu’il n’y a aucun règlement qui stipule que lorsqu’un dossier est devant l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) on ne peut en parler.

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