AU CŒUR DU VÉCU: Auto-écoles, un business qui roule

Le permis de conduire est aujourd’hui un « must », en particulier pour obtenir certains emplois. Face à une hausse de la demande, les auto-écoles poussent comme des champignons après la pluie. Flairant le bon filon, certaines n’hésitent pas à opérer « illégalement ». Rencontre avec les moniteurs et les apprenants.
« Dès la fin de mes études, je ferai de mon mieux pour obtenir mon permis de conduire. C’est indispensable pour trouver un emploi de nos jours », lance Daven, 22 ans. Sans ce permis cet étudiant en comptabilité précise qu’il ne pourra concrétiser ses projets liés à sa future carrière.
Comme Daven, ils sont nombreux à vouloir passer leur permis de conduire. Pour ce faire, l’apprentissage se fait souvent dans une auto-école. Les aspirants conducteurs se tournent ainsi vers les moniteurs pour apprendre les bases de la conduite.
Ils existent officiellement, selon la Traffic Branch, une centaine d’écoles de conduite à Maurice. Cependant, c’est un tout autre constat sur le terrain où les « auto-écoles » se multiplient sans pour autant « avoir les recommandations nécessaires » et « payer les revenus pour opérer ». Elles proposent ainsi des cours à des prix défiant toute concurrence. Une aubaine que saisissent bon nombre d’apprenants.
« Prix abordable »
Reshma, 33 ans, fait partie des aspirants conducteurs qui ont choisi une école de conduite qui n’est pas enregistrée auprès de la Traffic Branch. Raison évoquée : « Le prix est plus que raisonnable ! » Pour une heure de cours de conduite à Port-Louis, explique-t-elle, le moniteur lui réclame Rs 450. Un tarif qui présente une grande différence comparé à celui proposé par des auto-écoles enregistrées. « Le coût actuel est de Rs 600 dans de nombreuses écoles de conduite. Je suis donc gagnante », lance-t-elle. Et d’ajouter : « Le moniteur nous donne les mêmes astuces… »
Si certains moniteurs jouent le jeu en donnant les conseils nécessaires et astuces à leurs élèves, d’autres ne pipent mot… La Driving Instructors Association (DIA) a de nombreuses fois pointé du doigt les « cours au noir ». Elle a d’ailleurs manifesté en 2003 contre cette pratique et a alerté les autorités compétentes, mais en vain. Même si la police prend les actions nécessaires contre ces « auto-écoles », la traque, explique-t-on, s’avère « difficile ». Reshma confie d’ailleurs que son moniteur lui aurait assuré n’avoir rencontré aucun problème avec la force policière.
Les cours de conduite auprès des auto-écoles sont devenues primordiales, la pratique dans les rues de la capitale avant le jour du test étant une nécessité. Asraf Sohawon, PRO de la DIA, soutient toutefois que « l’environnement peut changer, mais la conduite non… ». Et c’est selon le lieu où l’apprentissage se déroule que dépend la durée du cours. Pour certains élèves, ce « détail » n’est qu’une « ruse pour les écoles de se faire encore plus d’argent ».
À la rue St-Georges à Port-Louis, plusieurs apprenants, dont Mervin (27 ans), attendent leur tour pour la conduite assistée. « Mo finn swazir pou aprann dan Port-Louis pou gagn pratik. Mo vinn la toulezour dan mo ler poz pou larg lamain inpe me sa trant minit ki mo paye souvan zis 20 minit larout ki mo pe fer », explique-t-il. Et d’ajouter : « Moniter-la fer mwa atann o moins 10 minit avan ki mo rantr lor larout, bisin atann li fini telefone, koz ek so bann zelev alors ki kondision ti fer pou ki mo fer 30 minit lor larout. »
La conduite assistée, avance Mervin, n’est pas un choix mais une obligation. « Pou gagn permi ou oblize aprann dan auto-ekol parski li donn ou bann konsey ki enn sofer napa pran kont me ki lapolis ki pou fer test-la pu gete. » D’où sa tolérance et patience envers les « caprices » du moniteur. « Me apel sa fer dominer », martèle le jeune homme.
Pour obtenir leur permis de conduire, de nombreuses personnes n’hésitent pas à dépenser une fortune. Parmi se trouve Éric, 48 ans, qui vient d’obtenir sa « licence » et à dépenser « presque deux mois de salaire pour trois mois de cours de conduite ». « Le problème, c’est que les probabilités pour obtenir le permis du premier coup sont faibles. Plus il y a d’échec, plus le moniteur sort gagnant, l’apprenant devant renouveler son cours », dit-il.
Kathleen explique pour sa part que la seule contrariété de la conduite assistée est le fait d’avoir souvent d’autres élèves en même temps. « Une fois, je me suis retrouvée entre deux hommes à l’arrière d’une voiture pour une leçon de conduite. J’étais très mal à l’aise ! » Asraf Sohawon soutient cependant que cette pratique permet à l’élève d’observer les erreurs des autres et d’éviter de les faire à son tour.
Le PRO de la DIA estime d’ailleurs que les tarifs des auto-écoles sont « abordables ». Il souligne également l’importance du cours dispensé par un Driving Instructor qualifié. Le moniteur reconnu par la Traffic Branch, ajoute-il, inculque aux futurs conducteurs les « bonnes habitudes » afin d’éviter les accidents de la route qui ne cessent d’augmenter.
L’on note d’ailleurs un manque de discipline sur nos routes. Des instructeurs des écoles de conduite assurent de leur côté qu’ils offrent « une formation de choix » à leurs élèves. Cependant, précisent-ils, cela n’est plus de leur ressort une fois la leçon terminée. « Une personne qui conduit ne sait pas forcément bien conduire ! », lachent d’ailleurs certains.
« Pour avoir une conduite adéquate, le comportement du conducteur doit changer », soutient Asraf Sohawon. Le PRO de la DIA observe que l’apprentissage n’a guère évolué malgré les avancées technologiques au niveau de l’industrie de l’automobile. « Le test oral a plusieurs lacunes », soutient-il. « Cet examen n’est que le reflet de l’assimilation de mémoire de l’élève à reconnaître les panneaux de signalisation. Or, la conduite va plus loin qu’une simple reconnaissance des panneaux de signalisation. » L’éducation des aspirants conducteurs permet non seulement de modifier leurs comportements mais aussi de réduire le nombre d’accidents.
Outre la visibilité et la fatigue – des éléments que le conducteur se doit de gérer –, il ne faut pas oublier la vitesse de conduite. L’élève, indique Asraf Sohawon, est testé à pas plus de 40 km/h. « Sa sofer la mem ki pou kondir enn vitess 100 km/h lor lotorout alor ki nu pa mem kone si li kapav roul sa vitess-la ! » Un curriculum national pour les cours de conduite devrait être proposé, avance le PRO de la DIA.
Formation des moniteurs
Asraf Sohawon demande aussi des sessions de formation pour les moniteurs d’auto-école, la sécurité routière reposant également sur leurs épaules. « Se nu ki pou montre bann fitir sofer kouma reazir lor volan. Ki bann prekosion ki bizin pran », explique-t-il en rappelant la formation proposée il y a deux ans par Axe Réunion au centre ex-IVTB à Forest-Side où moniteurs et policiers avaient pu se familiariser avec les nouvelles technologies indispensables à l’apprentissage du conducteur. Asraf Sohawon regrette ainsi
l’absence de suivi en ce sens. « D’autres moniteurs d’auto-école auraient pu bénéficier de cette formation et accroître leur connaissance dans ce domaine. »
S’agissant du permis d’opération pour les auto-écoles, le PRO de la DIA soutient qu’elles doivent faire une demande pour l’Instructor Licence et une autre pour la Driving School Licence qui nécessite un local disposant, entre autres, de tous les panneaux de signalisation. Le propriétaire doit aussi s’acquitter d’une Trade Licence de Rs 4 000 par an à la municipalité ou au conseil de village et payer Rs 2 500 par an au Line Barracks.

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