Au nom du père, du fils et du Roi !

Décidément tout part en vrille ! L’inconstance et la fumisterie de ce gouvernement n’ont donc pas de limite ? Il m’arrive de me demander où est le temps où le magnifique portrait de lady Sarojini, le regard porté vers l’horizon, habillait le billet de 20 roupies ? C’était le temps béni où l’on pouvait se balader avec un portrait de famille du couple Jugnauth en poche et payer sa paire de Dholl Puri avec ! Oui, c’était l’âge d’or de cette belle dynastie. C’était l’époque des vraies valeurs où l’on pouvait imprimer 15 millions de billets de vingt balles à l’effigie de son épouse.
24 ans après l’affaire des billets, retournement total de situation qui laisse plus que perplexe; pourquoi veut-on aujourd’hui « faire tomber des têtes » ? À l’initiative de la BoM et avec l’aval du Premier ministre et du ministre des finances, on souhaite aujourd’hui virer les effigies d’un Sir Seewoosagur Ramgoolam, d’un Sir Gaëtan Duval, d’un Sir Renganaden Seeneevassen, d’un Sookdeo Bissoondoyal, d’un Sir Abdool Razack Mohamed, d’un Sir Maurice Paturau et d’un Sir Jean Etienne Moi Lin Ah Chuen de nos coupures de banque. C’est avec un sentiment d’injustice que j’ai pris connaissance de l’affront que le père, le fils et le Roi ont fomenté. 45 ans après l’indépendance, voilà l’affront qu’on s’apprête à faire à ceux, qui de par leur courage et leur détermination, nous ont montré la voie vers la libération et l’autodétermination. Encore une fois, SAJ a rendez-vous avec l’Histoire et encore une fois, il s’apprête à fauter. Certes, les politiciens d’alors au même titre que ceux d’aujourd’hui, ne sont pas blancs comme neige ; je n’oublie pas nos frères et soeurs chagossiens déracinés, je n’oublie pas la violente répression des masses salariales et je n’oublie pas l’instrumentalisation communale des bassins électoraux ! Toutefois, il faut rendre à César ce qui est à César. Il faut reconnaître que par-delà leurs écarts et les mauvaises décisions qu’ils ont des fois prises, si aujourd’hui un gouvernement est en mesure de décider de quoi que ce soit dans ce pays, c’est en grande partie grâce à ces tribuns de la nation mauricienne. Alors on pourra m’accuser d’être un passéiste obtus et un sentimental du dimanche mais je l’assume !  En vérité je vous le dis, moi qui suis comme bien d’autres, venu au monde comme un Mauricien libre, je suis et serai à jamais reconnaissant et fier du combat de nos pères fondateurs. Voilà ce qu’ils sont réellement à mes yeux avant d’être des personnalités politiques, ce sont avant tout les pères fondateurs de l’indépendance de Maurice.  À ce titre, à l’image d’un Abraham Lincoln sur les dollars américains, à l’image du Mahatma Gandhi sur les roupies indiennes et à l’image de sa majesté, la reine Élisabeth sur la livre sterling, il serait complètement irrespectueux que d’effacer le symbole patriotique qu’incarnent ces effigies. Nous avons perverti le sens de ces effigies en les communautarisant et en oubliant ce qu’elles incarnent véritablement mais pour moi, elles demeurent le symbole de la longue lutte et de l’indéfectible volonté de ces irréductibles Mauriciens.
Un « bambara » bien dodu
Pour moi, ces effigies sont l’hommage et la reconnaissance de toute une nation des sacrifices qui ont été faits pour que nous soyons libres. Peut-être libre de décider quel politicien nous arnaquera le moins ou encore quel politicien s’enrichira sur notre dos mais libre de choisir quand même en notre âme et conscience!!! Ceux qui connaissent l’histoire d’Anjalay Coopen comprendront; la liberté n’a pas de prix. À bien y réfléchir, c’est à cela que servent ces effigies ; elles sont vecteurs et objets pédagogiques participant au devoir de mémoire sans lequel une nation perd ses racines. Chers compatriotes, n’oublions jamais au grand jamais d’où nous venons et ceux qui nous ont permis de par leur engagement d’être là où nous sommes aujourd’hui ! Alors je dirai à Monsieur le Premier ministre comme à la Banknote Design Committee, qu’il n’y a nul besoin de damnatio memoriae ! Nous ne sommes plus au temps de l’ancienne Égypte où l’on tenta d’effacer jusqu’à l’infime preuve du règne de Toutankhamon. Qu’on laisse au placard les petites revanches mesquines et immatures, les rancoeurs qui emplissent les coeurs d’obscurantisme et les estomacs de remontées gastriques ! Qu’ils se rassurent, s’ils tiennent tant à exprimer leur amour de la faune et la flore locale et mettre un « bambara » bien dodu, symbole de notre Blue Economy, sur un billet, ils pourront le faire, au dos. S’ils tiennent tant à mettre un bananier sur un billet pour bien illustrer dans quel type de République nous vivons, ils pourront le faire, au dos. S’ils tiennent tant à mettre des bâtiments historiques sur un billet, disons la prison de GRNW pour montrer le lieu de villégiature où nombre de politiciens véreux auraient leurs places, ils pourront le faire, au dos. S’il y a un recto et un verso à un billet de banque c’est peut-être justement pour avoir suffisamment de place pour des représentations naturalistes en tous genres et des effigies. Après tout, ce sont des billets de banque et pas une publicité pour National Geographic. En ce sens, je ne vois aucune raison valable pour ne pas conserver les effigies qui sont présentement sur nos billets de banque sachant qu’ils peuvent modifier tout le reste à leur convenance. Cela permettra dans tous les cas de figure de débusquer l’argent des dessous de matelas comme celui des bas de laine, (tremblez petites mamies cachottières!), le ministre Badhain vous réclamerait des justificatifs de trente ans en arrière ! Va falloir remonter vos gaines et rendre des comptes.
Resterons-nous passifs et dociles alors que l’on essaie effrontément d’effacer le témoignage vibrant et populaire qu’un jour, des hommes passionnés et dévoués se sont élevés pour défier et défaire le joug de l’oppresseur ?  Je suis fier des Mauriciens d’exception que l’on a choisi d’honorer et revenir dessus reviendrait à déboulonner et détruire les monuments historiques et témoignages du passé. Cela est tout bonnement honteux et inadmissible ! Par ailleurs, n’y a-t-il rien de plus urgent auquel devrait s’atteler ce gouvernement alors même que l’Europe s’apprête à connaître les bouleversements dramatiques liés au Brexit; que les États-Unis et la Grande Bretagne se permettent ouvertement de nous intimider sur la question même de notre souveraineté quant aux Chagos; que des membres de ce gouvernement sont en porte-à-faux avec la justice de ce pays. Que des jeunes diplômés peinent à trouver un emploi à l’exception de quelques bien nés et que « dilo pou arete 9 er » ? La modernité ? Quels ingrats nous serions si notre désir de modernité se faisait au préjudice de l’Histoire.  Ne déshonorons pas ainsi les grands hommes de notre nation, ils sont notre vraie richesse et servent à inspirer les jeunes d’aujourd’hui à être tout aussi grand, si ce n’est meilleur qu’ils ne le furent.        

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