Bombons le torse… ou pas !

Madame la marquise a eu tort de quitter son château, le laissant entre les mains tremblantes d’un valet incapable de gérer un début d’incendie. Avec pour résultat de voir sa luxueuse maison réduite en cendres. Prenons garde de ne pas suivre le même chemin, car comme le disait l’ancien président français Jacques Chirac en 2002, soit encore 17 ans avant Greta Thunberg, « notre maison brûle » déjà. Et pourtant… Oui, pourtant, jamais le monde n’aura été aussi optimiste que fin d’année dernière. Et par « le monde », entendez bien évidemment par là l’institution mondiale la plus remarquable, et remarquée, censée représenter l’ensemble de l’humanité : les Nations Unies.
Pour Inger Andersen, la directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), 2022 aura en effet été une année marquée de « progrès », certains qualifiés même « d’historiques ». Bombant le torse, tout en ajustant ses lunettes, histoire de ne manquer aucune ligne de son rapport, et donc du bilan mondial de l’année écoulée, elle sera ainsi revenue sur les « grandes » réalisations du monde « civilisé » sur l’environnement. Certes, certainement aura-t-elle eu raison de rappeler certains événements majeurs, comme celui du 2 mars, qui aura vu, au Kenya, le ministre norvégien de l’Environnement, Espen Barth Eide, sceller (enfin) une résolution mondiale destinée à en finir avec la pollution plastique. Et il faut reconnaître que le problème devient cornélien, avec 400 millions de tonnes de déchets plastiques générés chaque année, et un taux de recyclage quasi nul. Sauf que… depuis mars, peu sont ceux à avoir appliqué cette énième résolution.
Inger Andersen aura aussi rappelé deux célébrations : la première, en mars toujours, des 50 ans du PNUE, le tout soutenu là encore par un bilan express, puis la seconde en juin, cette fois pour le 50e anniversaire de la Conférence sur l’environnement humain, considérée comme « la naissance du mouvement environnemental moderne ». L’occasion pour elle, une fois de plus, de remettre ses lunettes en place et un peu d’ordre dans ses cheveux, rendant du coup son rappel encore plus solennel. Enfin, elle n’aura pas manqué non plus de revenir sur les résolutions marquant le dernier semestre de l’année. Comme celle de juin, où l’Onu a déclaré que « chaque habitant de la planète a droit à un environnement propre et sain ». Ou encore l’engagement de ses États membres à mettre sur pied un fonds pour la lutte contre le changement climatique dans les pays du sud lors de la COP27. Voire, enfin, l’accord « historique » (un de plus) conclu à la COP15 sur la biodiversité en faveur de la nature… jusqu’en 2030. Accords qu’elle oublie bien entendu de rappeler qu’ils ne sont aucunement contraignants.
Soyons clairs ! Ces accords, en l’état, peuvent effectivement être considérés comme des avancées. Mais doit-on réellement pour autant les qualifier de « progrès », car il y a là une énorme nuance entre ces deux termes. En d’autres mots, à quoi servent-ils vraiment si les États signataires n’ont aucune obligation de les respecter ? Prenons le seul exemple – probablement le plus important dans la conjoncture – de nos émissions de gaz à effets de serre (GAS). En quoi la COP27 aura-t-elle réglé le problème ? Car en cette matière, une fois de plus, la conférence sur le climat n’aura servi à rien. Au lieu de cela, nous allouons des fonds spéciaux aux pays en développement pour les aider à faire face aux calamités annoncées. Dit autrement : plutôt que de chercher à éviter le pire, nous préférons nous donner les moyens de s’en protéger. Oubliant donc volontairement que les phénomènes extrêmes iront en s’accentuant.
Pendant ce temps, au niveau mondial, les signaux sont toujours au rouge, et même au rouge vif. En termes de réductions d’émissions de GAS, aucun changement n’a été constaté en France l’an dernier. Tandis que le Canada reste loin de ses objectifs, l’Allemagne, elle, les a à nouveau manqués. Quant aux Etats-Unis, mieux vaut ne pas en parler. Comme le rappelait d’ailleurs une centaine de scientifiques dans le dernier rapport du Global Carbon Project, 2022 aura connu des émissions de l’ordre de 40,6 gigatonnes de CO2, soit 1% de plus que l’année dernière. Autant dire que s’il y a « progrès », ceux-ci n’empruntent pas la bonne direction !
Nous voici donc embarqués dans une année de plus. Une année nous rapprochant davantage du point de non-retour et qui, nous pouvons déjà le parier, ne sera marquée par aucun bouleversement majeur en matière climatique. Pas plus d’ailleurs qu’au niveau de la biodiversité ou de la pollution. Autant dire que ce n’est pas demain la veille où nous remettrons sur la table la copie de notre système socio-économique, pourtant à l’origine de tous nos soucis.

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