BRUNO BATHFIELD (directeur de Myjob.mu) : « Nous avons beaucoup de jeunes très qualifiés mais sans l’expérience voulue »

« Nous avons beaucoup de jeunes très qualifiés mais qui n’ont pas l’expérience voulue. » Tel est le constat de Bruno Bathfield, fondateur et directeur de Myjob.mu, site de recrutement en ligne qui fête cette année ses dix ans. De 20 000 visites par mois, le site accueille aujourd’hui 300 000 visiteurs mensuellement alors qu’environ 1 200 nouvelles offres d’emploi sont proposées chaque mois. Quelque 60 000 candidats ont pu être embauchés à travers ce site depuis sa création. Se prononçant sur le chômage, Bruno Bathfield estime que le vrai problème ne réside pas dans le manque d’offre d’emploi. « Il y a du travail, mais le jeune est très sélectif. »
Myjob.mu célèbre cette année ses dix ans. Rappelez-nous dans quel contexte ce site a été créé et qui en a eu l’idée ?
J’ai créé myjob.mu en 2007. À cette époque, je travaillais dans la sécurité. J’ai fait un MBA où j’ai appris à faire du business “online”. L’idée est donc venue de là. Au début, ce que je voulais faire, c’était introduire des sites internet à Maurice dans plusieurs secteurs. Le premier que j’ai réalisé est myhome.mu, dédié à la construction. Ensuite, myjob.mu, avec l’idée de faire beaucoup d’autres, mais myjob.mu est parti trop vite !
Y avait-il une grande demande pour ce site ?
Oui, l’interaction entre les compagnies et les candidats a démarré très vite. Je me suis donc focalisé beaucoup plus sur myjob.mu pour faire ce que le site est devenu aujourd’hui.
Ce n’est donc pas le constat d’un manque qui vous a mené à créer le site, mais plutôt l’envie de créer des sites “on line” qui vous a mené vers ce constat de cette demande…
Oui. Je pense que j’ai un esprit d’entrepreneur. Je voulais créer quelque chose. C’était assez innovant. C’était un des premiers sites de ce genre à Maurice, soit le recrutement en ligne.
Aujourd’hui, myhome.mu existe toujours ?
Oui, il est toujours là, mais myjob.mu est bien plus actif. Myjob.mu reçoit aujourd’hui plus de 300 000 visites par mois…
Quel est le but de myjob.mu ?
Le but est de “match” sur une plateforme le candidat en recherche de travail avec la compagnie qui recherche un candidat. De notre côté, il nous faut être à l’écoute de nos clients, des entreprises. Ce sont eux qui font vivre myjob.mu. Sans eux, on n’a pas d’offres d’emploi.
Myjob.mu suggère des postes dans le privé et dans le public…
Nous sommes ouverts à toutes les entreprises, publiques comme privées. Chaque compagnie s’abonne au site. Elle a soit un abonnement mensuel ou annuel. Quant aux candidats, toutes les visites et applications sont gratuites. Nous avons commencé avec trois employés en 2007 et nous en sommes aujourd’hui à 11.
En dix ans d’existence, quels changements avez-vous noté en termes de besoins et d’intérêts des demandeurs d’emploi ?
On a beaucoup travaillé en écoutant les demandeurs d’emploi et je pense que c’est ce qui a mené au succès de myjob.mu. On a accordé beaucoup d’attention à ce qu’ils voulaient et on a mis à leur disposition ce qu’ils voulaient. Le site a été développé par rapport à ce qu’ils recherchaient, c’est-à-dire un site qui soit facile à utiliser, où il soit facile de s’enregistrer et où il soit facile de poster son offre d’emploi. Et facile pour les entreprises également de prendre connaissance de tous les candidats, de les “screen” et de faire leur sélection. Myjob n’intervient en aucun cas dans le “screening”. L’entreprise a un code d’accès qui lui permet de découvrir tous les candidats. Le candidat prépare son CV sur le site et l’envoie à la compagnie à travers le site.
Le ministère du Travail avait lancé le site mauritiusjobs.mu. En quoi myjob.mu est-il différent ?
Le site suit un peu le même système que le nôtre. Sauf qu’il y a beaucoup plus d’offres publiques sur le site.
Est-ce que myjob.mu propose également des emplois dans les pays avoisinants ?
Oui, assez souvent. Des pays comme l’Afrique du Sud nous demande de poster des jobs pour eux. Ce sont surtout des emplois techniques, des postes d’ingénieurs, entre autres. Mais il n’y a pas beaucoup de volume.
Est-ce qu’à l’inverse vous recevez des étrangers comme demandeurs d’emploi sur Maurice ?
Oui, beaucoup de la France, d’Angleterre et d’Afrique du Sud ainsi que de certains pays d’Afrique. Nous avons effectivement un petit pourcentage (3 à 5%) de demandeurs venant de l’étranger. Le site myjob.mu est en quelque sorte une première vitrine pour eux pour connaître les opportunités de travail.
Le taux de chômage dans le pays est élevé. D’où vient le problème selon vous ?
Je pense que le problème se situe au niveau de l’expérience. Les jeunes quittent le collège, poursuivent leurs études et commencent à travailler tout de suite. Nous avons beaucoup de jeunes très qualifiés mais qui n’ont pas l’expérience voulue. Dans les entretiens, rien que pour cette raison, ils perdent beaucoup de points car il y a un manque de personnalité et de maturité, même s’ils sont très qualifiés. Ils ont du mal à s’exprimer. Mais je constate qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de stages qui sont offerts, ce qui est une très bonne chose. Sans compter qu’il y a beaucoup de cours qui sont en alternance pour combler le fossé entre les études et le monde professionnel. Je pense que c’est en train de prendre de l’ampleur et c’est vraiment l’avenir de Maurice si on veut aujourd’hui avoir des candidats de qualité. J’ai malheureusement une petite critique envers les jeunes : je suis triste de le dire mais je trouve qu’effectivement le jeune est très sélectif.Il veut tout maintenant, ce qui est souvent difficile. Je pense que nous, à l’époque, ou ceux qui sont un peu plus sensés, passons par cette étape d’apprentissage où on se prouve pour ensuite essayer.
Aujourd’hui, je pense qu’il y a des emplois disponibles à Maurice. Je ne pense pas que cela soit le vrai problème. Il y a du travail. Mais le jeune qui n’a pas le salaire qu’il faut préfère rester chez lui et attendre. Je remarque cela de plus en plus. De l’autre côté, il y a des compagnies qui sont passées par des moments difficiles. Elles se développent moins facilement, ont tendance à se restructurer et prennent le temps de trouver la perle rare et qui fera un peu plus de travail de qualité.
Sur 100 personnes, combien en moyenne parviennent à trouver un emploi en ayant recours à myjob.mu ?
Il y a beaucoup de demandeurs. Je renverserai plutôt la question en disant qu’en moyenne, sur dix compagnies qui proposent une offre d’emploi sur le site, 8 à 8,5 pourront trouver un bon candidat. En termes de candidats, il y a des postes comme des postes d’administration, de secrétaires ou d’accounts clerk, qui reçoivent beaucoup de postulants. Or, la compagnie cherche à n’embaucher qu’une personne. Quelquefois, il peut y avoir 200 personnes pour le même poste…Donc, une seule personne est choisie. Mais à la longue, le candidat trouvera le travail qui lui convient.
Cela prend du temps pour un candidat de trouver un travail à travers le site ?
Tout dépend s’il a bien fait son CV, s’il arrive à l’heure à son rendez-vous, s’il a de l’expérience. Il faut qu’il sache se vendre et se présenter avec le maximum d’atouts. Ici, nous, à travers un petit département, on aide beaucoup de candidats en leur prodiguant des conseils sur la manière de se préparer, de s’habiller ou d’améliorer son CV. C’est un service gratuit. Nous assurons aussi des “employability skills sessions”. C’est un projet qu’on a commencé dans les collèges. On a un autre projet qu’on a mis en place : le istudy.mu.
Quels sont les secteurs les plus porteurs actuellement ?
Cela reste les TIC et le BPO, qui ont un grand volume de recrutement. Ils sont bien structurés par rapport à leur processus de recrutement. Il y a aussi la communication, qui reçoit beaucoup d’offres et de demandes. Et dans la communication, il y a un secteur qui se développe : la communication digitale comme le “digital marketing”. Le secteur qui a progressé le plus chez nous en termes de nombre d’offres d’emploi est le secteur financier, qui n’est pas aussi fort que le BPO mais dont l’évolution a été plus forte ces dernières années. Côté hôtellerie et commerce, c’est toujours positif. Il y a ensuite le côté manufacturier, agro-industrie et textile, qui reçoivent bien moins de demandes.
Qu’en est-il de l’aquaculture ?
Nous commençons effectivement à recevoir certaines offres d’emploi dans l’aquaculture, ce qui n’était pas le cas les années précédentes. Il n’y en a pas beaucoup mais autrefois, il n’y en avait pas du tout.
Vous êtes le seul actionnaire de myjob.mu ?
Myjob.mu a été créé par moi en 2007. Je l’ai vendu en 2008 à un groupe sud-africain. Aujourd’hui, ce sont des Allemands qui en sont propriétaires. Je suis quant à moi le directeur depuis la création.
Pensez-vous que le site revêt plus d’importance aujourd’hui qu’à ses débuts ?
Oui, je pense que les visites le prouvent. Nous avons commencé avec 20 000 visites environ à plus de 300 000 aujourd’hui. Les jeunes sont tous connectés à internet et cet outil, à travers deux clics, leur donne accès à plus de 1 200 nouvelles offres d’emploi par mois.Ils ont aussi maintenant la chance de faire leur recherche sur le site à travers plusieurs catégories. On a plus d’une trentaine de catégories.
Faites-vous des suggestions aux universités par rapport aux formations qu’il faudrait davantage dispenser aux étudiants suivant la tendance de l’offre ?
Depuis deux ans, myjob.mu est entré dans un autre projet : istudy.mu, qui a été créé pour toucher les étudiants et les préparer au monde du travail. Istudy fait des présentations dans plus d’une trentaine de collèges à Maurice pour leur faire prendre conscience de ce qui existe comme études. Nous avons aussi un Istudy Bus, où on prend les élèves du HSC pour visiter les universités et leur permettre d’avoir un “feeling” de ce qu’est la vie d’étudiant. Nous mettons l’accent sur la différence entre étudier et le monde du travail. Nous donnons donc beaucoup de conseils concernant les métiers d’avenir et sur les “employability skills”. On ne peut malheureusement pas toucher tous les collégiens et étudiants mais ceux qu’on touche seront plus prêts à démarrer dans le monde du travail. Ils sont bien plus informés.
Comment qualifieriez-vous cette aventure dans laquelle vous vous êtes lancé il y a dix ans ?
Myjob.mu a été pour moi une aventure unique et exceptionnelle tant au niveau professionnel qu’humain. Mon équipe et moi avons côtoyé plus de 5 000 compagnies à Maurice. On a découvert le marché local. Ensuite, il y a le côté humain, où nous avons aidé plus de 60 000 candidats à trouver du travail. Cela procure de la joie quand on peut aider un jeune ou quelqu’un d’autre à trouver du travail. On a réalisé un parcours très intéressant en termes de performance et nous avons ciblé pour les dix prochaines années 100 000 candidats à trouver du travail.
Ce sont surtout des jeunes qui ont recours à votre site ?
Nous avons des candidats de tout âge.

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