Casse ce double vitrage !

PAUL REVEIL

Viens, sois ma Lumière,

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Mon feu d’Amour, Porte-moi

Dans le trou des Pauvres;

Chez les malades, chez les mourants,

Allume la flamme de mon Amour!

(…) Je les désire et je les aime,

Donne-moi leurs âmes, J’ai soif d’Amour!”

~ Paroles du Seigneur à Sainte Mère Térésa

Dans un coin paumé,

29 mars 2020,

7h00

C’était le début du printemps. Emmanuel, 10 ans, vivait chez ses parents – Joseph et Marie – dans une petite demeure construite par Joseph lui-même dans une campagne normande assez isolée du reste du monde. Ils vivaient très humblement et dépendirent majoritairement du travail de charpentier de Joseph. Marie, quant à elle, était bénévole dans une école primaire appelée L’école du Cœur, où allait Emmanuel.

Cependant, ces derniers temps, Emmanuel et Marie restaient tous deux à la maison, car les établissements scolaires étaient fermés à cause d’une pandémie appelée Coronavirus et qui était apparemment très dangereuse. Le gamin n’en avait nullement conscience. En effet, ils n’avaient pas de télé ni de radio chez eux et se tenaient informés de la situation actuelle que par un journal local. Je confirme que c’est une méthode de vie un peu trop ancienne pour une famille du XXIe siècle !

Ce jour-là, pendant que Joseph rajoutait un double vitrage à la maison – pour se protéger du froid glacial de l’hiver prochain –, un livreur, appelé Gabriel, lui déposa le journal et reprit la route avec célérité. Joseph lut les premières lignes qui parlaient justement de ce virus qui ravageait le monde entier. Il en fut bouleversé. Il entra dans la maison, appela Marie et lui fit part des mauvaises nouvelles. Tous deux décidèrent de prier à l’intention de toutes les personnes décédées, les familles endeuillées et pour cette situation compliquée. Emmanuel entra dans la pièce et leur demanda ce qui se passait.

– Viens. Sois avec nous. Nous avons besoin de Toi ici, lui dit tendrement Marie avec des petites larmes qui longeaient ses joues.

L’enfant obéit et rejoignit sa mère et son père, tous les trois à genoux. Joseph commença à entamer le psaume 129, qui était le psaume du jour :

– Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur. Seigneur, écoute mon appel !

Que ton oreille se fasse attentive, au cri de ma prière !

Marie poursuivit :

– J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole.

Mon âme attend le Seigneur, plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

Emmanuel écoute. Il prie aussi. Il est saisi d’émotion voyant ses parents ainsi. Une parole lui saisit le cœur et se trouvait être la suite du psaume : « Oui, près du Seigneur, est l’amour ;

près de lui, abonde le rachat. »

Le soir venu, la famille était à table. Chacun avait fini son travail respectif. Après la prière de bénédiction, Emmanuel prit la parole d’une voix inquiète :

– Que se passe-t-il dehors ?

Joseph regarda Marie qui acquiesça en hochant délicatement la tête.

– Il y a un virus, comme tu le sais, qui est très dangereux. Malheureusement, celui-ci tue énormément de gens, particulièrement les personnes âgées, mais encore…

Sa gorge se noua. Bien qu’il peinait à parler, il voulut continuer :

– Des gens souffrent Emmanuel… Tant de gens souffrent. En Inde, certaines personnes n’ont plus de travail et ainsi, plus de quoi se procurer de la nourriture qui est hors de prix dans les grandes villes… Il n’y a plus de transport… Ils marchent donc jusqu’à leur petit village parce qu’ils savent que, là-bas, ils ne mourront pas de faim. Certains marchent même jusqu’à 700 km ! 700 km !? Comment le gouvernement peut-il permettre cela?

Il continua en serrant les poings :

– Chez nos chers amis italiens et espagnols, le taux de personnes mortes ne cesse de croître ! En 24 heures, il y a eu environ 650 personnes décédées à cause de cette grippe en Italie et 830 en Espagne ! L’Amérique aussi subit drastiquement les sorts et certains sont malheureusement inondés par la peur au point de croire au pire; que les gens seront sur le point de cambrioler les maisons et les magasins, et donc pour se protéger, ils achètent des armes à feu… Le taux d’armes à feu n’a jamais été aussi élevé…

Il poursuivit :

– Il y a aussi des gens qui abusent de la situation en voulant tirer profit en revendant des gels hydroalcooliques ou autres matériels cruciaux pour les hôpitaux… On dirait que l’homme perd peu à peu son humanité…

– Joseph, dit Marie tendrement en lui caressant la main, ne dramatise pas les choses. Il y a aussi quelques avantages; au Kenya, en Colombie et bien d’autres pays dans le monde, les jeunes se mobilisent autant qu’ils peuvent pour aider; certains fournissent des provisions aux personnes âgées dans une mesure hygiénique irréprochable, tandis que d’autres, avec la technologie, prennent soin d’appeler régulièrement leurs proches pour en prendre des nouvelles, choses qu’ils ne font pas régulièrement dans la vie de tous les jours… Puis, j’ai même vu qu’en France, bien que la situation soit très dure pour les agriculteurs ces derniers temps, certains ont eu la possibilité de distribuer leurs récoltes dans un système beaucoup plus local, réduisant ainsi le taux de transport concernant la nourriture. Qui sait, peut-être que nous adopterons ce genre d’initiative lorsque la pandémie s’arrêtera; cela permettrait de réduire nos émissions de CO2 et c’est là une solution inaliénable pour le changement climatique! En outre, particulièrement durant ces temps difficiles, nous prenons d’autant plus conscience de la valeur de nos relations humaines; cela incitera peut-être les entreprises à se poser la question de « où placent-elles le contact humain dans leurs divers projets »…

Joseph écoute. Il est émerveillé par sa femme et sa capacité à toujours tirer du bon, même dans ce genre de situation. Il garda malgré tout un visage pâle. Emmanuel écoute aussi. On sentit que l’Enfant était profondément touché par ce qui se vivait à l’étranger.

– Joseph, nous avons confiance!, dit Marie tendrement, n’est-ce pas Emmanuel ?

– Oui maman ! Ne t’inquiète pas pour papa, c’est le double vitrage !

– Le double vitrage ?, demanda Marie sans comprendre pourquoi il disait cela.

Joseph aussi ne comprenait pas. Il pensait à trop de choses en même temps, mais il continua d’écouter.

– Dehors, commença Emmanuel avec sa voix enfantine, il fait si froid. Tant de gens souffrent. Les ténèbres dominent. Les personnes ont faim, ils ont si froid… Mais à l’intérieur, dans la Maison, le climat est doux et agréable !

– Que veux-tu dire Emmanuel ?, demanda Joseph.

– Si seulement il n’y avait pas de double vitrage, le flux de chaleur de la Maison se transférerait avec plus d’intensité vers l’extérieur, et qui sait; cela pourrait sauver ces gens qui ont si froid…

– Mais que veux-tu dire ?, lui demanda encore Joseph, l’hiver dernier nous avons eu tellement froid dans la maison, et sans le double vitrage, la température glaciale de l’extérieur l’emportera sur l’intérieur, et nous en souffrirons aussi…

– Non! La Maison est chaude… Elle brûle même… Mon Cœur est en joie en voyant toute la solidarité qui émane des gens ! Mon Cœur est en Joie en sentant que les aides-soignants se battent, jusqu’à passer plusieurs nuits blanches consécutives pour la victoire de la Vie, Mon cœur crie de Joie ! Mais mon Cœur est aussi en peine, saisi de compassion, mon âme est triste à en mourir, en voyant les malades, les souffrants, les mourants si désespérés… Mon Cœur est troublé en entendant que les gens sont apeurés. Ils en souffrent tellement…

Marie sourit. Elle a compris et médite profondément en elle-même.

Moi, dit l’Emmanuel, je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra. Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais… Crois-tu cela, Joseph ?

Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le Monde !

– Alors casse donc ce double vitrage de ton cœur, et laisse-le battre au même rythme que le mien… Que ton âme ne soit pas un isolant, empêchant le flux ardent de la Maison de mon Père atteindre ton Cœur qui se fait être si froid…

Joseph sourit, et il confessa avec émerveillement :

Mon Seigneur et mon Dieu !

Particulièrement durant les temps sombres – guerres, génocides, attentats, pandémie… –, notre humanité est mise à nue et nous nous trouvons face à toutes nos pauvretés qui se trouvent être révélées. Devant la faiblesse de l’homme, devant la souffrance et le sang, nous sommes terrorisés et abattus, car une phrase résonne en nous: « Tout est fini. » Or, c’est précisément durant ces temps ténébreux que le Christ nous rappelle que « Tout est accompli » et que notre place dans la Maison de notre cœur est prête à y être habitée. Il y a un feu d’Amour ardent dans cette Maison, mais très souvent, lorsque nous nous laissons tomber, nous y plaçons un double vitrage, rendant notre âme semblable à un isolant. Or, nous sommes appelés à être des catalyseurs d’Espérance en demeurant dans cette Maison et ainsi, faire rayonner la Lumière intérieure dans le monde extérieur, car « Il n’y a pas de crainte dans l’amour; l’amour parfait bannit toute crainte. » (1 Jean 4: 18).

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