Chagos Nu Leritaz — SAJ : « Ce qu’ont fait les Britanniques est une honte »

L’archipel des Chagos, qui apparaît désormais comme un territoire mauricien sur la carte officielle des Nations unies, a fait l’objet d’un docu-drama intitulé “Chagos Nu Leritaz”, produit par Vicky Ramdhun et réalisé par Varun Nunkoo. Le lancement de ce film d’une heure s’est tenu jeudi soir au MCiné de Trianon, en présence de l’ancien ministre Mentor, sir Anerood Jugnauth, du président de la Mauritius Film Development Corporation, Vikram Jootun, et de Sarita Boodhoo. Commentant cette réalisation, sir Anerood Jugnauth a déclaré que « ce qu’ont fait les Britanniques est une honte ». Le film a bénéficié des fonds mis à la disposition des artistes par le National Arts Fund et du soutien logistique de la MFDC.

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Chagos Nu Leritaz comprend les témoignages de sir Anerood Jugnauth, qui a défendu la cause chagosienne dans les instances internationales, dont les Nations unies et la Cour internationale de Justice. Il a déclaré à la presse, à l’issue de la projection du film, que « les Britanniques sont des voleurs ». Il a ajouté : « Ki manier zot ki pretann zot krwar dan drwa de lom, dan lazistis. Komdi bann-la, zot dir Angle voler, me vreman zot voler. C’est une honte ce qu’ont fait les Britanniques. Ils devront quitter l’île bientôt. Zot ankor pe persiste zot pe res la. Nou pou fer zot ale. » Sir Anerood Jugnauth a indiqué que les avocats travaillent sur ce dossier « afin que les Britanniques respectent le verdict de la Cour internationale de La Haye ». Il a par la suite félicité les réalisateurs de Chagos Nu Leritaz pour la qualité du film.

L’ancien ministre Mentor n’a pas fait de commentaires dans l’affaire Saint-Louis, mais a déclaré que « le Royaume-Uni devra mettre fin à son administration des îles Chagos dont l’île principale, Diego Garcia, est revendiquée par Maurice ». Dans son témoignage, il a déclaré que les Chagossiens « ont été déportés de force » de leur île natale. « Certains sont partis pour l’Angleterre et les Seychelles, et la majorité d’entre eux sont venus à Maurice. Les autorités britanniques leur avaient donné de l’argent pour leur “settlement” dans l’île, mais il n’y a pas eu de compensation. J’étais convaincu que la bataille pour la souveraineté des Chagos était tout à fait légitime, car le processus de décolonisation n’avait pas été complété et les Anglais occupaient un territoire illégalement. Les autorités britanniques ont tout d’abord affirmé que c’était une question de sécurité, car il y avait une guerre froide avec l’Union soviétique. Les Britanniques ont affirmé par la suite que la base militaire de Diego Garcia permet de se défendre contre la piraterie et la menace terroriste. Ce litige est vieux de 50 ans où Londres avait illégalement démembré son territoire en 1965. La cour de Justice avait donné raison à Maurice pour un retour des Chagossiens dans leur île natale. Plusieurs pays nous ont soutenus dans ce combat et nous sommes convaincus que les Chagos seront à nous très bientôt », a-t-il affirmé.

Le film contient aussi le témoignage de Rosemond Saminaden, le doyen des Chagossiens qui, les larmes aux yeux, a raconté qu’ils ont été traités « comme des animaux » lors de leur déportation et que c’était « un crime contre l’humanité ». Ils ont été forcés d’habiter à Cité La Cure et Bois-Marchand « dans des conditions déplorables ». Il poursuit : « Nous voulons notre droit de retour aux Chagos. » Un hommage a aussi été rendu à feu Lisette Aurélie Talate, qui a joué un rôle important pour le retour des Chagossiens dans leur île natale.

Quant à Satyendra Peerthum, elle a affirmé que la déportation des Chagos s’est déroulée entre 1965 et 1972 pour faire place à la base militaire, Downtown, à Diego Garcia. La Chagosienne Rosemonde Bertin, elle, a raconté qu’elle avait quitté les Chagos à l’âge de 17 ans avec un bébé de six mois dans les bras. Elle ne comprend pas la nonchalance des Anglais alors que la Cour internationale de Justice a rendu un verdict en faveur de Maurice. Emmanuel Richon, le conservateur du Blue Penny Museum, a, lui, déclaré que le musée contient des manuscrits sur les déracinés des Chagos et que le créole chagossien est étroitement lié au créole mauricien. « L’esclavage au XVIIIe siècle était étroitement lié à l’exploitation du copra pour la fabrication de l’huile de coco. Des gens de différentes confessions, dont des Tamouls, vivaient aux Chagos », a-t-il indiqué.

Jean Michel de Senneville, qui a eu l’occasion de visiter les Chagos, trouve « triste » que les Britanniques aient contribué au démembrement d’une nation et que « Maurice sera plus forte sur le plan géopolitique si elle parvient à récupérer les Chagos ».

Selon Varun Nunkoo, le film a nécessité six mois de recherches et de préparation, et les témoignages poignants, les documents, les photos, entrecoupés de séga tambour, portent un nouvel éclairage sur les souffrances des chagossiens. L’histoire est racontée par Ellianne Baptiste, la fille de Marie Suzelle Baptiste, secrétaire d’Olivier Bancoult qu’on n’a pas entendu le témoignage dans ce film. Les scènes ont été tournées à l’Escalier, Britannia, Rivière des Galets, Pamplemousses et Port-Louis. Gary Stephano, dans la peau de Rolo et dont la femme enceinte a dû quitter les Chagos pour Maurice, s’est également bien défendu. Varun Nunkoo – qui a remporté plus de 25 trophées depuis 2012, graphic designer et ayant suivi des cours en filmmaking en ligne et aussi chargé de cours dans une université – nous souligne qu’il a été particulièrement touché par cette scène où les Américains tuaient des chiens en les asphyxiant. Les soldats avaient menacé les Chagossiens en leur disant qu’ils subiront le même sort s’ils ne quittent par les Chagos. Varun Nunkoo et Vicky Ramdhun travaillent dans la compagnie de tournage Your Perfect Solution Eyedea Ltd et ont été les gagnants du National Award dans le domaine cinématographique en 2019 pour Leritaz Nou Anset.

Sachin Jootun, le directeur de la Mauritius Film Development Corporation, est fier du parcours réalisé par Varun Nunkoo jusqu’ici. C’est la première fois que l’histoire des chagossiens est racontée avec autant de détails. Maurice a toujours revendiquer la souveraineté de cet archipel et l’installation d’une base militaire américaine n’a fait qu’aggraver la souffrance du peuple chagossien. Chagos Nu Leritaz, c’est l’histoire de leurs combats et Varun Nunkoo a su restituer après plusieurs mois de recherches et de témoignages l’histoire de ce peuple déraciné. Cela témoigne aussi de la montée en puissance des jeunes réalisateurs qui grâce à leur persévérance ont gravi les échelons et ont produit des films de qualité. Il a aussi salué la contribution de SAJ dans la lutte chagosienne et a déclaré que la Covid-19 nous a montré qu’il faut être bon dans la vie et que rien n’est permanent.

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