COMMISSION D’ENQUÊTE : La GRA subit un striptease

Paris sur les courses hippiques et jeux dans nos casinos : c’étaient les deux grands axes de l’audition de Chayan Divya Ringadoo, Chief Executive Officer (CEO) de la Gambling Regulatory Authority (GRA), qui était convoquée par la Commission d’enquête sur la drogue hier, lundi 9 octobre. À l’issue d’environ 90 minutes de déposition en publique, et le reste à huis clos, Divya Ringadoo a permis à l’ancien juge Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs, Sam Lauthan et Ravin Dhomun, d’exprimer leurs inquiétudes quant aux failles qui subsistent dans les rouages du fonctionnement de cet organisme d’État. Ce qui « fait les affaires des trafiquants de drogue, qui mettent à profit l’univers du jeu et des paris pour blanchir leur argent », a soutenu le Chairman Lam Shang Leen.
C’est avec des sourires amers et des hochements de tête, traduisant son scepticisme face aux informations qui lui étaient communiquées, que l’ancien juge Paul Lam Shang Leen a mené l’audition de Chayan Divya Ringadoo. Cette habitante de Quatre-Bornes est la CEO de la GRA. Non seulement le président de la Commission d’enquête sur la drogue est resté sur sa faim, à l’issue de la partie publique de l’audition de la directrice de la GRA, mais tout autant, ses deux assesseurs n’ont pas obtenu les réponses à leurs nombreuses interrogations.
Ce qui a même poussé Ravin Dhomun, à un certain moment, à s’exaspérer : « You are defeating the GRA’s purpose concerning money laundering ! » Cela, après que Mme Ringadoo eut admis que l’organisme qu’elle dirige « has no mechanism of control. La GRA est pénalisée par un sérieux manque de ressources humaines et ne dispose pas des équipements de pointe afin de fonctionner de manière optimale ». Celle qui déposait devait également déclarer, répondant à Ravi Dhomun, que « notre mission, à la GRA, est d’assurer que les droits des parieurs soient respectés ». Divya Ringadoo devait de plus faire ressortir que « la GRA ne compte que six inspecteurs, dont deux chaque samedi, lors des journées de courses hippiques, interviennent auprès des bookmakers ». Ce qui a amené Paul Lam Shang Leen à s’exclamer : « Mais il y a plus d’une quarantaine de bookmakers. Vous n’allez jamais pouvoir agir comme il le faut, de cette manière-là. »
Dans le même registre, vers la fin de l’audition de la directrice de la GRA, Paul Lam Shang Leen devait lui suggérer : « Vous devriez créer de l’emploi. Avoir des enquêteurs qui se rendraient en total anonymat dans les maisons de jeux, auprès des bookmakers, entre autres, et vérifier si tout ce passe comme il le faut ou pas. » Cela après qu’il a demandé à Divya Ringadoo « est-ce que la GRA envoie des officiers incognito dans les casinos pour veiller au bon fonctionnement de ceux-ci ? » A cela, la directrice a répondu par la négative, rappelant que « nos officiers sont tous connus des services et stakeholders ». De plus, parlant de certaines infractions aux règles, commises par les patrons des maisons de jeu, bookmakers et autres, Paul Lam Shang Leen a voulu savoir « ce que la GRA fait dans ces cas. Quelles actions prenez-vous ? » Divya Ringadoo devait indiquer que « l’organisme n’a pas le droit de révoquer les licences. Même s’il y a des doutes, de part et d’autre, nous ne disposons pas de preuves pour étayer cela. Qui plus est, personne ne veut venir de l’avant et dénoncer ».
D’entrée de jeu, Paul Lam Shang Leen devait évoquer le rapport intérimaire sur les courses hippiques à Maurice, rédigé par Nick Parry, Ben Gunn et Paul Scotney. Le président de la Commission d’enquête sur la drogue devait aller droit au but, parlant de « blanchiment d’argent tant au niveau des courses hippiques, mais aussi via les casinos ». C’est ainsi que Divya Ringadoo a élaboré sur « plusieurs amendements en cours afin de régulariser la situation, et d’en arriver à avoir plus de transparence ». Mais l’ancien juge de la Cour suprême devait revenir à la charge, demandant à la directrice de la GRA si « les gaming houses se plient aux règlements en vigueur via les lois, comme produire leurs rapports complets de leurs transactions ? » A cela, Divya Ringadoo a déclaré que « certaines maisons de jeu détruisent leurs records, prétextant un manque de capacité de mémoire ». Ce qui n’a pas manqué de faire tiquer le président de la Commission d’enquête et ses deux assesseurs.
« Suspicious transactions »
Paul Lam Shang Leen a émis son sentiment quant à des « suspicious transactions going on ». Dans l’univers des paris et des jeux, et notant que c’est dans cette optique qu’une demande a été faite pour que « des unités de la MRA et de votre organisme nous donnent un certain appui, surtout en ce qui concerne les maisons de jeu ». Faisant allusion à la descente de cette année dans diverses gaming houses, dont Senator et Monte Games, par les unités d’enquêteurs de la Commission d’enquête, Paul Lam Shang Leen souhaiter savoir « quelles ont été les actions qui ont été prises à l’issue de ces raids ? » La directrice de la GRA devait indiquer qu’« une déposition a été consignée à la police ». Le président Lam Shang Leen n’a pas caché son incrédulité.
Il a aussi abordé un cas qui avait été rapporté devant la Commission d’enquête sur la drogue, où un parieur avait expliqué qu’il avait été payé par chèque par une maison de jeu et qu’en examinant ces chèques, certains portaient des numéros de série qui ne correspondaient pas aux dates d’émission, suggérant qu’il y a maldonne sur ce plan. Divya Ringadoo a répondu qu’elle souhaitait répondre à certaines de ces questions à huis clos.
Outre un bookmaker, qui intrigue fortement Paul Lam Shang Leen, mais dont le nom n’a pas été mentionné, l’audition de Divya Ringadoo a aussi été axée sur les paris en temps réel ou pas, entre autres. Des parallèles avec les méthodes mises en application à l’étranger pour traquer les blanchisseurs d’argent provenant du trafic de drogue ont été dressés. Ce à quoi, une fois de plus, la directrice de la GRA devait plaider le manque de ressources humaines et technologiques de son organisme. L’ancien juge de la Cour suprême a fait remarquer que « nous sommes sûrs que vous avez des informations sur comment les trafiquants de drogue mettent à profit tout l’univers des jeux et des paris pour blanchir leur argent et le réinjecter dans la société ». Sur ce point, Divya Ringadoo a déclaré que « des projets sont en chantier, destinés à renforcer la GRA ».
La question des courses truquées a aussi été soulevée lors de l’audition d’hier. La directrice de la GRA a révélé qu’« on a remarqué que certains parieurs, et ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent, misent toujours très gros sur les chevaux ayant la cote la plus forte ». Questionnée par le président Lam Shang Leen sur la manière de « contrôler tout cela et faire qu’il y ait de la transparence », la directrice de l’organisme a répondu que « la GRA n’en a pas les moyens pour l’heure ». La nécessité d’avoir un système de contrôle général, et généré via ordinateurs, a également été évoquée.
Répondant encore à une question de Ravin Dhomun, Divya Ringadoo a indiqué que « ce sont aux jeux comme à la roulette que les plus grosses mises sont faites ». Le président de la Commission et ses assesseurs devaient, une nouvelle fois, rappeler qu’« un des modus operandi des trafiquants, c’est d’envoyer plusieurs personnes, avec disons Rs 1 million à blanchir. Il s’avère que certaines machines prennent des billets de banque. Cela ne devrait pas être accepté ! Les parieurs devraient disposer de jetons avec lesquels ils joueraient… Car c’est une manière encore de contourner les règles et blanchir de l’argent sale ».

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -