COMMISSION D’ENQUÊTE : Siddick Islam m’a proposé Rs 500 000, a déclaré Stephan Justine

Siddick Islam, alias Nerf, trafiquant de drogue notoire condamné en mars 2006 à 30 ans de prison, lui aurait proposé Rs 500 000 « si j’acceptais un travail illégal… Je suis humain : j’admets que j’ai été tenté. Mais j’y ai beaucoup réfléchi. J’ai pensé à mon uniforme, mon travail, et le fait que j’ai un fils à élever ». C’est ce que soutient le Prison Officer Stephan Justine, qui témoignait hier devant la Commission d’enquête sur la drogue.
De mai à novembre 2016, Siddick Islam aurait communiqué à 18 reprises, via cellulaire, avec le Prison Officer Stephan Justine. C’est ce qui a été révélé lors de l’audition de ce garde-chiourme devant la Commission d’enquête sur la drogue, hier. L’ancien juge Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs ont aussi été intrigués par « de fortes sommes d’argent liquide, déposés sur les joint accounts » de Stephan Justine et sa mère. Celle-ci est employée du Casino de Maurice.
Le premier appel de Siddick Islam à Stephan Justine remonterait à décembre 2015 et avait duré 6 minutes. « Puis, après cela, plus rien, jusqu’en mai 2016, quand il vous recontacte de nouveau… Et pendant les sept mois qui suivent, jusqu’à novembre 2016, 18 appels ont été échangés entre un numéro qui a été trouvé sur Siddick Islam et un autre que vous utilisez ». Le garde-chiourme a expliqué que « j’utilise effectivement ce numéro. Il est enregistré au nom de ma petite amie. En fait, elle m’avait fait cadeau d’un téléphone. D’où ce numéro… » Cependant, l’officier de la prison compte plusieurs autres numéros de téléphone à son nom, ainsi qu’il l’a aussi indiqué à la Commission d’enquête. De plus, mis en présence de divers autres numéros de téléphone, provenant de ses relevés bancaires, le garde-chiourme a déclaré qu’il alimente « des numéros de certains amis quand ils me demandent un prêt… Je ne connais pas toujours les numéros que j’alimente ». Mais ce qui a surtout retenu l’attention concerne essentiellement ses appels échangés avec le trafiquant de drogue notoire Siddick Islam.
Stephan Justine rejoint les services de la prison en août 2014. Avant cela, il suit une formation en ingénierie au MITD ainsi que des cours universitaires à EIILM. Il travaille aussi pendant quelque temps pour une compagnie de construction. En juin 2016, en réponse à une question de l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, indique-t-il, « j’étais en vacances. Quand j’ai repris le service, j’ai été affecté à la prison de Beau-Bassin ». Mais avant, il a été posté à la prison de haute sécurité de Melrose.
Paul Lam Shang Leen : Vous connaissez un certain Logan Maureemootoo ?
Stephan Justine : Oui, c’est mon cousin.
PLSL : Il est en prison ?
SJ : Oui
PLSL : Vous avez déjà apporté des affaires pour lui ?
SJ : Non !
PLSL : Et un certain Jean Patrick Jeremie Baptiste, vous connaissez ?
SJ : Non
PLSL : Il s’agit d’un ancien détenu…
SJ : Vous savez, à la prison de Beau-Bassin, il y a beaucoup de détenus. J’en connais quelques-uns, mais pas tous !
PLSL : Selon un rapport des services de la prison, on vous soupçonne d’être un petit trafiquant…
SJ : J’ai entendu parler de cela…
PLSL : Ah bon ? Alors, c’est vrai, ces soupçons ?
SJ : Pas du tout !
PLSL : Revenons-en à l’époque où vous travailliez à Melrose. C’est là que vous avez fait la connaissance de Siddick Islam ?
SJ : En effet.
PLSL : Mais vous avez dit que vous avez été transféré à Beau-Bassin… Est-ce que vous êtes en contact avec Siddick Islam ?
SJ : C’est lui qui m’a appelé en premier. Quand il m’a parlé, la première fois, et plusieurs fois après cela, il s’est fait passer pour un proche de Siddick Islam. Il m’a dit qu’il s’appelait Bashir… Il voulait avoir des nouvelles du détenu, me disait-il. Je lui ai répondu qu’il devait passer par la prison, la voie officielle, pour cela.
PLSL : Vous ne saviez pas qu’il s’agissait de Siddick Islam lui-même ?
SJ : Non. Ce n’est qu’à la fin que j’ai compris qu’il s’agissait de lui…
PLSL : Mais vos conversations n’étaient pas courtes !
SJ : Non, en effet. Au fur et à mesure qu’il me demandait des nouvelles de Siddick Islam, il m’a proposé Rs 500 000 en échange d’un travail illégal…
PLSL : Il vous demandait de faire quoi ?
SJ : Je ne sais pas ! J’ai refusé de travailler pour lui. Je ne vous cacherais pas que j’ai été tenté. Je suis humain, après tout. Et Rs 500 000, ce n’est pas une petite somme… Mais j’ai beaucoup réfléchi. J’ai pensé au serment que j’ai prononcé en prenant de l’emploi comme Prison Officer. J’ai pensé à l’honneur de porter cet uniforme. Et j’ai pensé à mon fils que je dois élever ; je dois subvenir à ses besoins. Pour cela, je ne peux me permettre de perdre mon travail. C’est pour cela que j’ai refusé l’offre. Et c’est à ce moment qu’il m’a dit qu’il était Siddick Islam…
Invité à expliquer « comment (…) Siddick Islam a eu votre numéro de téléphone », l’officier de la prison a déclaré que « c’est simple : n’importe qui peut avoir les coordonnées d’un officier. Quand on appelle à la réception d’une prison et qu’on demande à parler à tel officier, on vous balance le numéro de portable de celui-ci. Il n’y a aucune sécurité à l’égard de l’officier ». Dans le même souffle, il a déclaré, suivant les questions du président et de ses assesseurs, qu’il a bien rapporté le fait qu’« un détenu, Siddick Islam, m’avait contacté au téléphone et m’a proposé de l’argent en retour d’un travail illégal. J’en ai parlé à mon supérieur, qui m’a dit de ne pas accorder d’importance à cela, que c’est ainsi qu’agissent les détenus. Il m’a conseillé de continuer à faire mon travail consciencieusement. Je l’ai écouté. Mais je crois comprendre qu’il n’a pas eu davantage de considération à mon égard, et relativement à ce que je lui ai rapporté. Même quand il s’est agi de l’incident où j’ai été agressé à Barkly (voir plus loin)… Sinon, je ne serais pas devant la Commission aujourd’hui à me justifier ».
Divers dépôts en liquide sur deux comptes bancaires du Prison Officer ont longuement intéressé le président et ses deux assesseurs. En effet, un versement cash de Rs 99 000, de même qu’un chèque de Rs 250 000, entre autres, ont soulevé une foule de questions de la part de l’ancien juge. Stephan Justine a expliqué que « les deux comptes bancaires sont des joint accounts que je détiens avec ma mère. Elle travaille au Casino de Maurice. Elle fait des dépôts sur ces comptes ». D’autre part, il a avoué que « la décision de faire des joint accounts avec ma mère est survenue depuis assez récemment. Vous savez, je suis jeune, et j’ai tendance à être dépensier… Elle garde ainsi un contrôle sur l’argent ». Questionné sur le salaire de sa mère, Stephan Justine a répondu qu’il allait demander à celle-ci.
Paul Lam Shang Leen a également posé une série de questions à Stephan Justine à propos de diverses personnes qui ont été retracées par le biais de son compte bancaire, à qui il aurait « soit prêté de l’argent, soit rendu ». Le garde-chiourme a expliqué qu’« il s’agit de mes amis. Quand ils me demandent de l’aide, comme alimenter leur téléphone ou leur prêter de l’argent, je le fais… » Un certain Jusub figurant parmi les noms relevés devait intriguer Paul Lam Shang Leen, celui-ci rappelant que « quand je vois ce nom de famille, cela me ramène évidemment vers un trafiquant de drogue qui porte également le même patronyme ». Stephan Justine devait répondre que « non, ce n’est pas la même personne. Ce Jusub est une connaissance, un ami ».
L’officier de prison dispose d’une quinzaine de jours pour produire des documents pour justifier la provenance des dépôts en liquide sur ses comptes, entre autres.

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