Conclusion de La Rencontre des Entrepreneurs de France 2021 : « L’Afrique n’est plus l’Afrique… »

KWANG POON

Cette formulation du Premier ministre ivoirien Patrick Achi lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF) en août dernier a reçu un « standing ovation », rapporte la presse ivoirienne. La francophonie économique était à l’honneur à Paris Longchamp lors de cette 3e REF. Aux dires du Président du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), organisateur de l’événement, l’idée de la REF aurait germé à la suite d’une remontrance du Président sénégalais Macky Sall – qui avait soufflé à l’oreille du Président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux qu’on est en train de sous-estimer le poids économique de la Francophonie en 2020. En effet, la Francophonie pèse près de 16% du Produit intérieur brut (PIB) mondial et compte environ 300 millions de locuteurs selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

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À titre de comparaison, le Commonwealth réunit 54 pays avec une population cumulative de 2,4 milliards. Le mot « Commonwealth » donne une orientation économique avec pour objectif ‘la prospérité en commun’ de la grande famille anglophone. Avec la langue de Molière comme trait d’union et médium de communication, la Francophonie compte œuvrer pour tisser et renforcer les partenariats économiques.

 Le Chief Guest de la Rencontre des Entrepreneurs de France  était le Président malgache Andry Rajoelina, qui s’est déplacé dans la Capitale française avec une forte délégation de haut niveau, dont des ministres fraîchement nommés issus du récent remaniement. La composition de l’équipe donne ainsi une indication de grands axes et priorités de Madagascar. D’ailleurs, lors de son allocution liminaire, le président Rajoelina a tenu à faire ressortir que les Velirano fixés sont plus que des objectifs ou Key Performance Indicators (KPIs) mais démontre l’engagement du gouvernement de travailler assidûment pour le progrès socio-économique de Madagascar dans le cadre de l’Initiative pour l’Émergence de Madagascar (IEM).

L’énergie serait un des secteurs prioritaires dans l’IEM et constitue le 2e Velirano du gouvernement, après la Paix et la Sécurité du pays. Le président Rajoelina a rappelé que Madagascar comptabilise seulement 400 MW en termes de capacité de génération pour une population de 25 millions d’habitants comparé à 500 MW à Maurice pour un peu plus d’un million d’âmes.

Dans cette optique, le Président Rajoelina a souligné que Madagascar compte mettre en valeur son fort potentiel hydro-électrique qui s’élève à 7,000 MW. En ligne avec l’Accord de Paris, conclu lors du COP21 en 2015, et en marge vers le COP26 qui se tiendra en novembre 2021 à Glasgow, Madagascar compte être solidaire, en tenant compte des limites de ses capacités, avec la mouvance internationale pour combattre le Changement Climatique. Au même titre que d’autres Petits États Insulaires en Développement (PEID), Madagascar ressent de plein fouet les problèmes liés au réchauffement planétaire et constate avec effroi l’érosion de son littoral compte tenu de la montée des eaux.

Durant le Business Forum entre le patronat français et la délégation malgache, les Français se sont enquis du calendrier pour l’ouverture des frontières à Madagascar. Ce à quoi, le ministre du Tourisme malgache Joël Randriamandranto a répondu que cette étape cruciale pour la relance du secteur est déjà à l’étude et qu’une annonce officielle ne saurait tarder. Aussi, dans un premier temps, des « travel bubbles » sont envisagés dans les stations balnéaires à Nosy Be et sur l’île Sainte Marie.

Sur le plan des projets présidentiels, relevons la nouvelle Smart City de Tana-Masoandro, le rehaussement de la ville portuaire Toamasina avec le Projet Miami pour la mise en valeur du front de mer et la priorité sur l’Émergence du Sud de Madagascar suite à la crise alimentaire.

D’un point de vue purement géographique, Tologanara serait mieux situé que Toamasina pour développer un Hub maritime parce que Tolagnaro se situe dans l’axe même des routes maritimes reliant l’Asie à l’Afrique, voire en prolongement vers l’Amérique latine.

Notons aussi que le Textile City de Moramanga est un projet G2G entre Madagascar et Maurice pour créer un nouvel espace en vue de l’épanouissement d’un écosystème autour de l’industrie de l’habillement. Il faut avouer que la délocalisation de l’industrie textile mauricienne vers de plus verts pâturages, notamment à Madagascar et le Bangladesh, s’est opérée depuis plusieurs années. À l’instar d’Apple – qui effectue l’assemblage de ses iPhones en Chine ou en Inde –, Maurice conservera les activités de design et marketing mais déplacera les activités de confection vers des économies plus compétitives pour accueillir ce type d’activités.

Pour en revenir à la petite phrase simple mais profonde du Premier ministre ivoirien Achi, il faudrait peut-être revenir en arrière en 2018 quand l’ancien Président des États-Unis Donald Trump qualifia publiquement et sans retenue les pays africains de « shithole countries ». Évidemment, tout Africain qui se respecte a été offusqué, voire choqué, par des propos indignes d’un chef d’État même si Trump gagnerait à tourner sa langue sept fois avant de parler.

En 2021, Joe Biden étant aux commandes à la Maison-Blanche, le discours a changé avec le programme ronflant de “Build Back Better World (B3W) », l’accent étant mis sur « together with Africa” pour ne pas se mettre personne à dos. À l’opposé de son prédécesseur, Biden cerne très bien l’importance stratégique de l’Afrique dans le grand jeu géopolitique global vu la taille du marché du continent et la source de minerais essentielle aux industries du futur, pour ne citer que ceux-là.

« L’Afrique n’est plus l’Afrique, l’Afrique a changé » résume bien le nouveau regard que les grandes puissances historiques et celles en devenir portent sur le continent. En début d’année, le Royaume-Uni a ouvert les hostilités avec le UK-Africa Investment Conference en janvier 2021. Puis, le Président français Macron a convié les chefs d’État et de Gouvernement africains à Paris pour le Sommet sur le Financement des Économies Africaines en mai 2021. En juillet 2021, ce fut au tour de l’Inde de tenir son India-Africa Partnership Conclave. Au cours du US-Africa Business Summit, le PM Pravind Jugnauth a même eu l’insigne honneur de s’adresser devant une audience internationale lors de la cérémonie d’ouverture à la fin de juillet 2021. Pour ne pas être en reste, la Chine a prévu d’organiser son Sommet sur le Forum de Coopération Sino-Africaine (FCSA) vers la fin de 2021.

À l’image de Charlize Theron, elle-même d’origine sud-africaine, qui a crevé l’écran pour devenir l’une des actrices les plus demandées et parmi les mieux payées à Hollywood, l’Afrique serait maintenant la Cendrillon des temps modernes qui n’aurait plus aucun mal pour trouver chaussure à son pied. À l’instar de Madagascar qui mise sur l’Émergence, le continent africain entend bien tirer avantage de son nouvel aura pour enclencher la Renaissance Africaine.

30 août 2021

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