CONFINEMENT : Parentalité et enseignement font-ils bon ménage… ?

BIBI TABASSOOM ALLADIN
Éducatrice du cycle secondaire

Certaines personnes parlent de vacances – vacances prolongées, vacances indéterminées.  Des vacances scolaires qui profitent plus aux enseignants qu’aux étudiants.  En temps « normal », on allie vacances avec sorties, shoppings, voyages, rencontres amicales ou familiales, entre autres.  Des enseignants en vacances font normalement partie de cette catégorie d’individus. Ces gens qui profitent librement d’un temps de repos bien défini.  Mais en ce temps de confinement (bientôt déconfinement graduel), on oublie vite (très vite même), qu’il y a des parents qui sont enseignants et vice-versa. Alors, qu’advient-il de ces enfants (bébés ou adolescents), qui ont des parents enseignants ? Comment s’occuper d’eux sans pour autant compromettre le rôle des parents et celui des enseignants à la fois ?

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Les enfants ont indistinctement droit à l’éducation formelle – et c’est sans appel, indiscutable même.  Quand ils sont bébés, leur autonomie physique étant quasi nulle, ils dépendent de leurs parents. Ainsi donc, ces derniers, qui peuvent travailler de chez eux, s’organisent à leur façon afin de combiner travail de bureau et celui de la maison.  Mettre la lessive dans une machine à laver alors que le repas est dans le four, tout en attendant que le cadet termine ses exercices de maths et l’aîné sa vidéoconférence avec son professeur de comptabilité, c’est manier plusieurs rôles à la fois dans une seule journée. Scénario typique d’une journée de confinement dans une famille où les parents ne sont pas enseignants… 

« L’école à la maison » devient possible, dépendant de plusieurs conditions. On ne peut nier, qu’avec un prolongement du confinement, un sentiment de frustration et de pessimisme prend place dans la famille.  Les parents jonglent au quotidien avec plusieurs rôles, quitte à mettre de côté leur rôle de parents, afin de faciliter la communication entre eux et leurs progénitures lors des séances éducatives. Maintenant, comme tous les parents ne sont pas des enseignants, utiliser les médias pour substituer l’absence des professeurs est une option mais la perfection dans ce genre d’activité n’existe pas.  En période de confinement, n’oublions pas le revers de la médaille, à savoir une autre réalité. Plusieurs enseignants sont aussi des parents qui doivent cuisiner, adopter des rôles de baby-sitters, jardiniers (en herbe), plombiers, mécaniciens, bricoleurs – tout cela en une seule journée.  Travailler comme instituteur virtuel à la maison est faisable, avec un bon planning et de la bonne volonté.  Mais d’un autre côté, cela ne remet-il pas en question la priorité de ces « parents-enseignants » ?  Qu’en est-il de ces enseignants qui ont plusieurs enfants et qui doivent établir un plan de travail au quotidien ?

La phase de déconfinement est pour bientôt, et amorcer cette phase avec précaution équivaudra à une réattribution des rôles prépondérants de tout un chacun.  Ce sera un ouf de soulagement pour ces parents qui ne sont pas enseignants et qui ont dû adopter ce rôle par désespoir de cause.  Toutefois, pour ce qui est des enseignants, reprendre le travail équivaudra certainement à une reprise des leçons précédemment dispensées afin de ne pas pénaliser ceux ou celles qui n’en ont pas eu accès. Mais au niveau du planning académique formel, c’est toujours une incertitude totale quant à la mise en place de la reprise des cours. C’est sûr qu’il faudra envisager des classes de rattrapage pour les élèves qui n’ont malheureusement pas eu la chance d’être coachés par leurs parents durant la période de confinement, car ces derniers travaillent comme policiers, infirmiers, ambulanciers, pompiers… Bref, des fonctionnaires qui ont dû mettre de côté leurs responsabilités de parents afin d’être sur la ligne de front durant toute cette durée (qui reste toujours incertaine). Par conséquent, plusieurs enfants sont restés seuls des jours et des nuits, leurs parents étant au quotidien à pied d’œuvre dans cette « bataille contre un ennemi dangereusement invisible ».  Pourtant, plusieurs dispositifs ont été mis sur place afin de permettre aux élèves de poursuivre leur scolarité depuis leur domicile tout en maintenant un contact (virtuel) avec leurs professeurs.  La technologie a pris les devants, mais la surveillance et la présence physique d’un adulte restent des critères essentiels au bon fonctionnement de cette démarche. Alors que certains apprenants n’ont pas d’ordinateurs à la maison, ou que dans une famille il n’y a qu’un seul ordi pour trois ou quatre enfants, le manque d’ingrédients essentiels à l’apprentissage virtuel peut avoir un impact direct sur ce parcours scolaire sans précédent. Ainsi, dans d’autres familles, le scénario peut être pire avec les deux parents qui exercent comme pédagogues.  Cela peut engendrer un faible appétit pour le travail académique, un découragement brutal et une frustration causée par l’incapacité de se déplacer à bon escient.  Nous vivons une période inédite, et l’on ne peut blâmer les enseignants pour les décisions d’urgence qui ont dû être prises afin de faire face à l’épidémie qui ravage le monde actuellement. Dès lors, du jour au lendemain, il a vite fallu s’adapter à un mode de vie étranger à l’activité humaine.

Par conséquent, pour ne pas sombrer dans le défaitisme, reconnaissons que ces échanges académiques virtuels ont quand même permis aux élèves de tisser des liens plus étroits avec leurs professeurs. Les élèves sont davantage en relation avec leurs enseignants respectifs et les discussions académiques sont donc beaucoup plus dynamiques entre professeurs et étudiants.  Finalement, cette distanciation sociale ouvre (paradoxalement) la porte à un rapprochement virtuel qui vient renforcer le lien entre les différents protagonistes du milieu scolaire. Le confinement n’a heureusement pas que de mauvais côtés puisque la majorité des professeurs ont à cœur de rester en lien avec leurs élèves, grâce aux outils pédagogiques qu’ils appréhendent de mieux en mieux. Mais jongler entre « l’école à distance » et le travail à la maison reste vivement un gros défi pour ces pédagogues qui cherchent à équilibrer leurs priorités au quotidien. De ce fait, ils se demandent les trois quarts du temps : être parents ou ne pas être enseignants ? … Et c’est là la question…

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