Consommation : Des vêtements importés à prix cassés envahissent le marché local

Des milliers de balles de vêtements que font venir des grossistes locaux débarquent par conteneurs

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Un business juteux s’est construit en quelques mois

Alors que la spirale des prix ne semble pas vouloir s’atténuer et que la crise du pouvoir d’achat ne cesse de miner la population, un marché parallèle d’importation de vêtements et autres produits à prix cassés s’est développé rapidement ces derniers mois. Ces articles, importés de Chine par balles et à des prix dérisoires, sont vendus à très bas prix à certains coins de rue et par divers « commerçants » en live sur les réseaux sociaux.

Robes, vestes, polos, shorts, pantalons, chemisiers, joggers, manteaux et pulls à… Rs 175 ou Rs 125 l’unité. Sur les réseaux sociaux, ces fameuses balles de vêtements sont devenues incontournables lors des Lives, et les ventes se multiplient. Nombreux sont ceux aujourd’hui à acheter ces vêtements par balles à des grossistes, qui les importent de Chine en énormes quantités pour ensuite les vendre à l’unité.
Ces prix cassés se voient également à certains endroits dans les rues commerçantes, comme ce « magasin » qui vend ces jours-ci des paillassons et tapis à Rs 25 l’unité. Cet autre commerçant est, lui, posté non loin du marché central et vend des Cushion Covers Rs 20 l’unité, des polos à Rs 25, des sacs à main à Rs 50, et même des sneakers de grandes marques et modèles très populaires à Rs 500 la paire.
Si ces bas prix font le bonheur de nombreux Mauriciens en grande difficulté financière ces temps-ci, des questions se posent néanmoins sur l’origine réelle de ces vêtements et les prix de ces produits. Plusieurs importateurs locaux ont flairé le bon filon et se sont lancés dans ce juteux business de faire venir des balles de vêtements à bas prix pour les vendre à des individus, qui les revendent ensuite à l’unité. Ces grossistes importent de gros conteneurs.
D’autres, eux, préfèrent passer directement commande auprès de certains sites chinois très connus. Et là, c’est la surprise, puisqu’on s’aperçoit que ces sites vendent vêtements et accessoires en vrac appelés “second-hand used clothing”, ou encore “used-clothing in bales”. Selon certains observateurs, ces vêtements de seconde main seraient « mélangés » à des vêtements ayant des “defects” et des vêtements invendus, le tout mis dans des balles, vendues à des grossistes au poids.
Certains avancent que ces vêtements pêle-mêle seraient « dry-cleaned, repassés, réétiquetés et réemballés pour créer l’illusion. » Là où le bât blesse, c’est que les individus qui les revendent sur les réseaux sociaux ne parlent pas de vêtements usagers, ni de vêtements avec des “defects” en présentant ces articles, parlant plutôt de « promotions », de « liquidation » ou de « déstockage ».
Différents grades de vêtements, sacs et chaussures de seconde main sont proposés sur les sites Internet chinois. Ces articles sont destinés à de nombreux pays africains, mais aussi à certains pays européens. Un marché en plein essor, né de la spirale des prix qui a vu le jour depuis la pandémie, et qui bénéficie à plusieurs importateurs et commerçants locaux.
Pour faire oublier qu’il s’agit de vêtements avec des “defects” ou de vêtements de seconde main, ce fournisseur chinois explique sur son site : « Our A-grade sorted products are in excellent condition, with no stains, tears, holes, or fading. We offer a wide variety of items, including men’s and women’s clothing, children’s summer wear, shoes, bags and toys. (…) We have direct control over the quality of our second-hand goods. » Le fournisseur en question se targue d’avoir pas moins de 600 clients répartis dans 60 pays.
Un autre site chinois se présente comme un « leading bale clothes supplier ». Il précise : « We have over 10 years of experience catering to the clothing bales needs of our clients around the world. From our 2 certified factories, we export various categories of second-hand clothing bales in small 20-ft or big 40-ft containers, including used children’s clothes, unsorted credential clothes, second-hand maternity clothing,  used dresses, and second-hand shoes. » Ce fournisseur propose des balles de 40 kg à 100 kg. Même le géant Alibaba propose des « balles de vêtements usagers » sur son site.

« Dimounn get zis pri, zot pa reflesi »

Certains observateurs dénoncent ces commerçants. « Enn gran scam pe deroule. Inn arive ler pou konn laverite, parski enn ta dimounn pe profite sa biznes-la e bann klian mem pa kone. Zot pe aste bann linz kinn deza servi, bann linz dumped. At least dimounn bizin o kouran, lerla li va deside si wi ou non li pou aste sa bann linz-la. Boukou dimounn get zis pri zot aste, zot pa reflesi », explique l’un d’eux.
Dans tout ce méli-mélo, une chose est sûre : la plus grande vigilance doit être exercée par ceux qui achètent des articles à prix cassés via leur smartphone, surtout qu’ils ne voient les articles que derrière leur écran. De plus, les prix dérisoires devraient déjà vous alerter sur le fait qu’il puisse s’agir d’articles de seconde main ou de vêtements avec des défauts de production.
Certains ont cependant la chance et tombent sur des produits de qualité acceptable pour le prix payé, comme Sandiya. « J’ai acheté plusieurs robes avec des vendeuses sur TikTok et j’ai été très satisfaite, de même qu’un sac à main à Rs 125, dont la vendeuse a précisé qu’il s’agissait d’articles de seconde main. Mais quand je l’ai reçu, il était en très bon état. Ce genre de modèles, on ne les trouve pas ailleurs, mais uniquement sur TikTok. Les vêtements étaient à mon goût et de bonne qualité, et je pense avoir fait de bonnes affaires. »
Certains conseillent cependant de bien observer les articles avant d’acheter, et de ne pas hésiter à demander à voir de plus près avant d’effectuer un paiement. Si certains clients trouvent leur bonheur avec ces petits prix, pour d’autres, la pilule peut être dure à avaler. « J’ai acheté deux vestes sur TikTok, mais quand je les ai reçues j’ai vu que ces deux vêtements paraissaient usagés. Je me suis fait prendre bêtement… » regrette Marie Michelle.
D’autres encore avouent avoir reçu des vêtements ayant clairement déjà servi. « Oui, c’est vrai, quand le colis arrive, c’est là qu’on s’aperçoit qu’il y a un souci », renchérit une autre cliente. Elle raconte avoir même demandé un remboursement à la commerçante qui lui a vendu les vêtements concernés, mais celle-ci a fait la sourde oreille.
Certains peuvent également se retrouver avec des surprises en recevant leur produit. Et la surprise est aussi pour les revendeurs parfois… « Monn deza pran enn balo pou travay, me marsandiz-la pa ti bon ditou, pann kapav vande e tou stok inn reste », raconte cette dame, qui assure qu’elle n’achètera plus ces fameuses balles de vêtements.

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