CONSTAT ET PROPOSITIONS AUX AUTORITÉS — Lettre ouverte : faire revivre la Nightlife mauricienne !

JAVED VAYID
Entrepreneur

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Hier
J’ai commencé à sortir très (trop?) jeune. La vie sociale vibrante des années 1990-2000 m’a offert mes premières immersions dans le monde de la nuit. Ce milieu m’a fait découvrir mes plus belles amitiés, un réseau varié de cet arc en ciel mauricien que je n’aurais peut-être jamais eu l’occasion de côtoyer autrement. Depuis ces deux décennies, le monde de la fête ne m’a jamais quitté.

Certains clubs mythiques ont marqué ma génération d’une empreinte indélébile. Dans de nombreux coins de l’île il y avait un endroit pour s’amuser : Zanzibar, El Diablo dans le Nord ; Secrets, Wild Monkeys, Vibe, Zeenex, Palladium dans le centre ; AG 22, Shout dans l’Ouest…entre autres.

Cette ère – soutenue par l’essor du tourisme et une politique d’ouverture – a porté ses fruits : plusieurs entrepreneurs ont fait fortune, les villes étaient dynamiques, les touristes sortaient de leurs hôtels et on pouvait ressentir, presque littéralement toucher ce « feel-good factor ».

Épique ! Il s’agissait sans aucun doute des années d’or de la nuit mauricienne que je me remémore, non sans un brin de nostalgie.
Covid

La période Covid a joué un rôle majeur dans le remaniement du secteur que ce soit dans :
• Le modèle économique : le sponsoring des marques d’alcool est maintenant interdit. Il s’agit d’une des lois les plus répressives (et inutiles) au monde qui est arrivée au moment où les opérateurs avaient le plus besoin de financement. Cette loi a affecté tous les organisateurs qui avaient l’habitude de pouvoir compter sur ce support pour financer leurs événements à hauteur de 20-30%.

• Le nombre d’opérateurs qui a diminué — il y a eu des fermetures d’établissements; plusieurs d’entre eux se sont reconvertis dans d’autres métiers. Certains, qui ont subi des annulations d’événements et le prolongement des restrictions, ont du mal à se relever. Seuls les plus résilients sont toujours en opération.

Aujourd’hui
Un ami me disait récemment que c’était dommage que la nightlife soit quasiment éteinte et que les loisirs des Mauriciens se cantonnaient à aller dans les centres commerciaux.
Nous ne pouvons nier que le modèle social des nightclubs est devenu obsolète, c’est un phénomène mondial. Si nous prenons l’exemple de la Grande-Bretagne, nous constatons que le nombre de nightclubs a diminué de moitié ces 10 dernières années. La Covid n’a pas arrangé les choses mais elle n’est pas responsable de ce déclin. 
Les types de loisirs les plus populaires d’aujourd’hui relèvent des bars, beach clubs et événements en plein air. Des facteurs structurels défavorisent donc le modèle actuel par rapport aux attentes de cette nouvelle génération.

Notre voisine, La Réunion, possède l’un des revenus les plus élevés en densité pour son activité de nightlife car elle a su évoluer avec le temps. Des milliers de touristes de la région se rendent sur l’île sœur chaque année pour assister au festival Sakifo, qui accueille entre 30,000 et 40,000 personnes. Cela est rendu possible grâce aux aides et à la politique de l’État qui réside à promouvoir la culture et le tourisme en encourageant ce type de manifestation.

Demain
Je distingue les problèmes majeurs suivants à résoudre afin de créer un nouveau « Golden Age » :
• Les lois et régulations ne sont pas adaptées à la réalité et sont souvent archaïques. Ces régulations ne sont pas en phase avec notre « modus operandi ». Les fonctionnaires devraient consulter les parties prenantes afin d’établir des lois en adéquation avec notre secteur d’activité.
• Les autorités sont répressives au regard de ceux qui sont en règle mais laxistes avec les opérateurs illégaux – c’est un problème qui perdure depuis une décennie où le nombre d’opérateurs illégaux est plus important que les opérateurs légaux… Les contrôles de police sont fréquents et la plupart du temps constituent un harcèlement qui n’est pas justifié.
• L’obtention des permis pour un événement est un vrai parcours du combattant. Souvent les organisateurs obtiennent leur permis la veille ou le jour de l’événement, ce qui ajoute de l’angoisse à un métier, qui est en soi très stressant.
• Il n’y a pas de volonté apparente de l’État d’utiliser la nightlife comme outil marketing afin d’attirer les touristes haut de gamme qui recherchent cette caractéristique dans leur choix de destination.

Conclusion
J’ai modestement contribué à améliorer la scène locale depuis plus d’une décennie. Avec l’aide de mes confrères nous avons fait de la nightlife mauricienne, un environnement sécurisé, innovant et inclusif.

À travers mes établissements, nous faisons travailler une centaine d’artistes toute l’année qui aident à promouvoir la culture mauricienne.
Avec le soutien de l’État, nous pourrions organiser notre propre festival international. Il faut simplement travailler en équipe et que les autorités ne soient plus dans une logique de conflit avec les opérateurs. J’ai toujours prôné la collaboration et le partenariat Public-Privé.
Cette collaboration dynamiserait tout un pan de l’économie, nous donnerait une image trendy à l’international et favoriserait le tourisme de luxe. Cela permettrait également d’instaurer un « feel good factor » dans le pays, sentiment qui a disparu depuis quelques années déjà.

Bien que je n’aurais jamais pensé quitter mon île un jour, je vis aujourd’hui à Dubai.
J’ai donc l’expérience de terrain pour distinguer les différences entre un État, pourtant musulman (il est important de le souligner dans ce contexte), où les autorités vous donnent tous les outils possibles pour atteindre le succès et un autre où on fait tout, même de façon inconsciente, pour bloquer les initiatives entrepreneuriales.

À Dubai, les permis s’obtiennent en ligne en 48 heures, le Gouvernement encourage les organisateurs à promouvoir le tourisme à travers du sponsoring et du marketing. Si vous avez les compétences requises, l’environnement vous permet d’exceller dans votre domaine. Bien qu’étant totalement nouveau dans cette ville, je n’ai ressenti aucune contrainte à y organiser un événement alors que ce sentiment est constamment présent dans mon propre pays !
En espérant que ces quelques mots ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd.

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