Constitution – Kugan Parapen (ReA) : « L’enjeu des élections : la survie de la démocratie »

La conférence consacrée à la Constitution de Maurice organisée par Rezistans ek Alternativ (ReA), et co-présidée par Nalini Burn et Satyajit Boolell à l’Unity House, à Beau-Bassin, a débouché sur un consensus autour de la décolonisation et la mauricianisation de la Constitution. À cette occasion, Ashok Subron a annoncé l’organisation de deux autres conférences afin d’approfondir les propositions formulées samedi et mobiliser les partis de l’opposition.

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Parmi les propositions évoquées figure l’importance de l’introduction d’une forme de proportionnelle pour une meilleure représentation de la population, dont des femmes, au Parlement. Il a également été question de la limitation au poste de Premier ministre à deux mandats, de la consolidation des institutions, et de l’abolition de la déclinaison de son appartenance communautaire dans la Constitution. Des propositions ont également été formulées concernant des droits touchant l’environnement, l’écologie et la culture, pour qu’il y ait plus transparence dans la gestion du pays, entre autres.

Il est revenu à Kuran Parapen, de ReA, d’accueillir les participants et l’assistance à la conférence. Pour lui, les prochaines élections générales ne doivent pas être un Bis Repetita. Il ne s’agira pas uniquement d’un changement de régime, mais il faudra aussi un changement en profondeur, des changements fondamentaux. Raison pour laquelle ReA a fait de la réforme constitutionnelle son cheval de bataille pour les prochaines élections générales.

Il a expliqué que les dirigeants de ReA ont rencontré toutes les forces de l’opposition, qu’elles partagent ou non l’idéologie du parti. Il est en effet important, selon lui, de partager la volonté pour un changement de fond et fondamental dans la façon de prendre les décisions dans le pays.

« Il existe à Maurice un désir profond de changement, et pas uniquement politique, mais un changement radical », fait-il comprendre. Il fait état ainsi que des milliers de Mauriciens étaient descendus dans les rues pour un message « bien clair », à savoir dire « Enough is enough ».

Ainsi revient-il aux partis politiques d’interpréter cette démarche et d’y apporter une réponse politique. Il rappelle de fait que la Constitution est la colonne vertébrale de la société, estimant toutefois que la démocratie est « malmenée, menacée et en danger », et qu’elle « s’évapore ». Il est par conséquent au-delà des appartenances politiques  de voir ce qu’il faut faire pour renforcer la démocratie, pense-t-il.

« L’enjeu des prochaines élections consiste à savoir si la démocratie continuera d’exister à Maurice, soit la survie de la démocratie. Les partis politiques ne doivent pas se tromper d’adversaires et réaliser que l’enjeu n’a jamais été aussi haut que cela », déclare-t-il en substance. De fait, que ce soient les partis politiques, les leaders, les activistes ou les citoyens en général, tous « doivent savoir de quel côté de l’histoire ils souhaiteraient être ». La question, en tout cas, est posée.

La CoChair de la conférence, Satyajit Boolell, réaffirme que la Constitution est la loi suprême du pays, et que toute législation qui n’est pas conforme à la Constitution est de facto invalide. La Constitution de 1968 était un document politique résultant d’un compromis à un moment où le pays était divisé, indique-t-il encore.

« La force de la Constitution réside dans la création d’institutions indépendantes, avec un Parlement appelé à prendre des décisions politiques », maintient-il.  Il est toutefois d’avis que le pays souffre d’une « inertie constitutionnelle ».

Satyajit Boolell a par ailleurs déploré l’amendement arbitraire de la Constitution afin de pouvoir révoquer les hauts fonctionnaires, avant d’ajouter que le texte constitutionnel a été amendé en 1983 afin de permettre au gouvernement de limoger de hauts fonctionnaires. Ce qui, selon lui, a affaibli l’indépendance de la fonction publique.

L’ordre d’intervention des participants à la conférence a été déterminé par tirage au sort. Les représentants de l’alliance Ptr-MMM-PMSD ont toutefois choisi d’intervenir d’une seule voix. Ce qui a donné lieu à un remous dans le public concernant l’allocation du temps à chaque entité politique. La confusion s’est toutefois dissipée à la suite des explications données par Stefan Gua.

Première à intervenir dans le cadre des débats, Géraldine Joulia-Hennequin, d’Idéal Démocratie, a énuméré ses propositions constitutionnelles. Parmi celles-ci figurent la limite de deux mandatures pour le poste de Premier ministre, l’introduction de la proportionnelle, la levée des obstacles à la participation de groupe ethnique à la vie politique et l’octroi à ces groupes d’une représentation appropriée au Parlement.

François Sarah, d’En Avant Moris, constate pour sa part que des principes sont constamment bafoués par la politique partisane. Ces principes comprennent la souveraineté du peuple ainsi que la séparation et l’indépendance des pouvoirs de l’État. De plus, l’exercice des pouvoirs doit être indépendant. Ensuite, il y a l’égalité et, finalement, les droits et les libertés des citoyens. Il propose dès lors la consolidation des chapitres 1 et 2 de la Constitution ainsi que du bureau de la présidence avec la création d’un conseil d’Etat.

Ashok Subron a précisé d’entrée que ReA est un parti écosocialiste. « Nous avons beaucoup de changements à proposer, mais nous nous limiterons à ceux qui s’inscrivent dans le contexte électoral à venir et aptes à recueillir une majorité de trois quarts lors des élections générales. Les changements proposés portent sur l’approfondissement de la démocratie et la mauricianisation du système électoral afin d’introduire la démocratie participative et inclusive », dit-il.

Par conséquent, tous les candidats doivent être considérés comme des citoyens mauriciens. D’où la nécessité, d’après lui, de remplacer la classification communale par une dose de proportionnelle dans le système électoral, ce qui permettra la représentation de toutes les sensibilités politiques ainsi que la représentation des femmes à l’Assemblée nationale. Il souhaite également l’introduction du Right to Recall.

Ivor Tan Yan, de Linion Moris, après avoir rappelé que l’actuelle Constitution n’est pas la première dont dispose le pays, estime toutefois que celle de 1968 est « la seule qui accorde autant de pouvoirs au Premier ministre depuis le général Decaen ». Au fil des discussions, il énoncera ainsi une série de mesures préconisées par son parti, dont l’introduction de l’écologie et de l’environnement, ainsi que des Digital Rights pour les citoyens mauriciens.

Kailash Trilochun, du Reform Party, insiste d’ailleurs lui aussi sur l’introduction d’un Bill of Rights. Il considère que le pays « n’est pas l’appartenance de deux ou trois familles ».

Veda Baloomoody reconnaît qu’il faut faire tout ce qui est possible pour moderniser la Constitution. Ce qui est, selon lui, un travail de longue haleine. La Constitution doit ainsi s’adapter à son temps, dit-il. Tout en estimant qu’il est « plus que jamais important qu’il y ait une réforme électorale ».

Bien que la Constitution stipule que Maurice est un pays démocratique, les institutions internationales, elles, « estiment que Maurice est un pays autocrate ». De fait, la réforme électorale doit permettre « à tous citoyens qui le souhaitent, de présenter leur candidature sans avoir à décliner leur communauté ».

Il souhaite également que, comme c’est le cas pour les municipales et les villageoises, des mesures soient prises afin de permettre aux femmes de siéger au Parlement. De même, la Constitution doit pouvoir garantir l’indépendance des institutions afin d’éviter des conflits, comme c’est le cas actuellement entre le DPP et la police.

Kushal Lobine met l’accent sur l’importance d’avoir une majorité de trois quarts. Il se dit aussi d’avis que les municipales et les villageoises ne peuvent être renvoyées, comme c’est pour l’heure encore le cas. Il considère également que le système de consultations entre le Premier ministre et le leader de l’opposition doit être ancré dans la Constitution, notamment en ce qui concerne les nominations.

Ritesh Ramphul constate pour sa part une dégradation du fonctionnement des corps parapublics. Pour remédier à la situation, l’alliance de l’opposition propose que les nominations des présidents d’institutions passent par un Appointments Committee, qui aura un droit de regard sur la qualité des candidats. De fait, ce comité devrait avoir un statut constitutionnel afin d’assurer son indépendance et d’empêcher les ingérences gouvernementales dans ses opérations.

Il faudra également, selon lui, amender la Constitution afin de clarifier la situation concernant les pouvoirs du DPP, et même renforcer davantage ces derniers, « d’autant plus qu’il a toujours été un rempart contre tous les actes abusifs, dont les arrestations arbitraires et les enquêtes téléguidées politiquement ». À noter que plusieurs membres de la société civile sont également intervenus.

Nalini Burn, qui coprésidait les débats avec Satyajit Boolell, a fait le constat d’un consensus autour de la mauricianisation de la Constitution et l’introduction d’une forme de proportionnelle pour une meilleure représentation des femmes au Parlement. Elle a aussi évoqué les idées émises à propos des droits touchant l’environnement, l’écologie et la culture, et ce, afin de garantir plus transparence dans la gestion du pays.

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