La troisième séance de l’enquête sur le naufrage du MV Wakashio, présidée par l’ancien Puisne Judge Abdurrafeek Hamuth, a été consacrée à l’audition de deux ingénieurs, à savoir Euloido Espellargo et Amisto Sarausos. Ils ont confirmé qu’il y avait une fête d’anniversaire à bord le 25 juillet 2020 et ont donné des détails des mesures prises lorsque le vraquier s’est retrouvé en difficulté. Ils disent avoir ressenti des secousses et des vibrations avant de réaliser que le navire prenait l’eau. Aux dernières vérifications, disent-ils, les moteurs fonctionnaient normalement.
Le deuxième ingénieur du MV Wakashio, Euloido Espellargo, a indiqué qu’il était sur le vraquier depuis le 29 octobre 2019 et qu’il avait effectué plusieurs voyages depuis, notamment entre le Japon et l’Australie. Son rôle à bord était de veiller au bon fonctionnement des moteurs – le principal, qui permet la navigation, et les auxiliaires, pour les besoins en électricité. Le jour de l’accident, a-t-il répondu aux questions de l’Assistant Solicitor General Rajkumar Baungally, les moteurs étaient en bon état. Rien d’anormal n’avait été décelé. Son Shift était de 4h à 8h du matin et de 16h à 20h.
Toutefois, a-t-il ajouté, il s’est rendu au Mess Room à 18h30 pour le dîner. Pendant ce temps, c’est le graisseur Christian Jason Bouta qui assurait la relève. Il est ensuite retourné à la salle des machines vers 18h50. À une question de Me Baungally, il a précisé qu’à ce moment-là, le vraquier se déplaçait à une vitesse de 72 rpm (rotation par minutes). Ce qui est considéré dans le milieu comme une vitesse « économique ». À 18h35, le graisseur a reçu un appel de l’officier en charge pour baisser à 68 rpm. Quant à savoir si de tels changements relèvent de pratiques courantes, il a expliqué que cela arrive lorsqu’il y a de grosses vagues.
À 19h20, le deuxième ingénieur dit avoir ressenti une vibration. Instruction a alors été donnée pour ralentir à 60 rpm quatre minutes plus tard, ce qui correspond généralement à la vitesse où un navire quitte ou entre dans le port. Par la suite, le moteur a été coupé. La première chose qu’il a faite par la suite a été de vérifier l’état des Oil Tanks, selon la procédure établie dans de telles situations. « Nous avions alors une idée que nous avions pu échouer. Nous avons aussi entendu l’alarme des Oil Tanks se déclencher et nous avons vu que l’eau commençait à pénétrer et à se mélanger à l’huile. »
Ce dernier a précisé qu’il n’a pas vu qu’on s’approchait des côtes, car il était tout le temps dans la chambre des machines. Il a aussi précisé que des manœuvres avaient été enclenchées pour essayer de faire machine arrière. Sans succès. « Comme l’eau continuait d’entrer, nous avons essayé de la bloquer avec un morceau de bois. » Autrement, a-t-il ajouté, l’eau aurait envahi les moteurs et le vraquier aurait pu couler. Il a aussi confirmé que l’eau entrait par le côté droit du navire et que la Suction Valve était abîmée. Tout l’équipage s’est alors attelé à enlever l’huile qui restait dans la partie endommagée, tout en empêchant le vraquier de continuer à prendre l’eau.
Concernant la fête d’anniversaire à bord, l’ingénieur Espellargo a indiqué qu’il n’y avait pas assisté, car il était de service. Toutefois, lorsqu’il était monté pour le dîner, il a entendu qu’on faisait du karaoké dans la salle d’à-côté. Au sujet des moyens de communication, il a déclaré avoir acheté une carte SIM en Australie et qu’il pouvait l’utiliser uniquement lorsqu’il est dans les ports. À bord, il utilise uniquement le courriel à travers un ordinateur mis à la disposition de l’équipage pour communiquer avec sa famille.
Les assesseurs Johnny Lam Kai et Jean Mario Geneviève, experts maritimes, ont par la suite posé une série de questions techniques à l’ingénieur. Il lui a ainsi été demandé entre autres pourquoi n’avoir pas pompé l’eau infiltrée par-dessus bord, au lieu de la transférer dans un autre réservoir, comme c’est autorisé en cas d’urgence. Il a répondu que c’était pour des raisons environnementales, car elle contenait de l’huile. De toute façon, une telle décision revient à ses supérieurs, a-t-il indiqué.
Le troisième ingénieur, Amisto Sarausos, a aussi fourni des détails similaires sur cet événement. Sauf que lui avait terminé son service et se reposait. Il dit avoir assisté brièvement à la fête d’anniversaire (voir encadré) car il devait reprendre son service dans la nuit. Il affirme également avoir ressenti des secousses en trois occasions alors qu’il était allongé dans sa cabine et qu’il pensait qu’il s’agissait d’un tremblement de terre. Ce n’est qu’en regardant par le hublot qu’il a aperçu des lumières et a su que le vraquier s’était rapproché du rivage. Il a aussi précisé qu’il arrivait que le navire se rapproche pour essayer de capter les réseaux.
L’anniversaire du 25 juillet
Rajkumar Baungally : Qu’avez-vous fait après votre service ?
Amisto Sarausos : Je suis monté dans le Mess Room.
R.B : Que s’y passait-il ?
A.S : J’y étais vers 17h et j’ai appris qu’un membre de l’équipage fêtait son anniversaire.
R.B : Y avait-il des boissons ?
A.S : J’ai vu un carton contenant des cannettes de bière. Je ne sais combien il y en avait en tout. Il y avait aussi une bouteille de whisky.
A.H : Un litre ?
A.S : Non, moins.
A.H : Combien de cannettes en tout ?
A.S : Je n’ai pas compté. Je sais qu’un carton peut en contenir 24 environ.
R.B : Combien de personnes y avait-il là-bas ?
A.S : Cinq, incluant moi.
R.B : Qui y étaient ?
A.S : Il y avait le capitaine, le Chief Engineer et deux autres officiers.
R.B : Et le Chief Officer ?
A.S : Non, il n’y était pas.
R.B : Avez-vous bu à cette occasion ?
A.S : On m’a offert une cannette et j’en ai pris un peu après le dîner. Je ne l’ai pas terminée, car je devais reprendre le service.
R.B : On y chantait ?
A.S : Quelqu’un chantait dans la TV Room.
R.B : Vous y êtes allé combien de fois ?
A.S : Une seule fois. Je devais reprendre le service à 2h du matin. Je suis parti dans ma cabine.