COURT OF INVESTIGATION SUR LE WAKASHIO : Le capitaine Nandeshwar dénonce et s’en prend à son second

  • « J’étais sous l’influence de l’alcool et il était au commandement du navire »
  • L’ex-juge Abdurrafeek Hamuth « Vous n’auriez pas dû consommer autant d’alcool. There was negligence across the board and from all levels. You were also negligent »

Le capitaine du MV Wakashio, Sunil Kumar Nandeshwar, n’a pas fait de cadeau à son second, le Chief Officer Hitihamillage Subodha Janendra Tilakaratna, qui était au commandement du navire au moment du naufrage le 25 juillet 2020. Devant l’ancien Puisne Judge Abdurrafeek Hamuth et ses deux assesseurs, Jean Mario Geneviève et Johnny Lam Kai Leung, il a confirmé ce dernier détail crucial. Quant à lui, il n’était plus en service depuis 17 heures ce jour-là et il est parti prendre quelques verres avec ses collègues, en particulier le chef ingénieur. Il avoue qu’il était sous l’influence de l’alcool au moment des faits et n’avait pas voulu prendre le commandement du navire.

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Au début de la séance, le capitaine du MV Wakashio a été interrogé sur ses fonctions quotidiennes, qui se résument entre autres à veiller sur les membres d’équipage, de vérifier les courriels, les cargaisons, entre autres, assurer la maintenance du navire. Et de préciser que ses fonctions prennent fin à 18 heures. Par ailleurs, il avance qu’en tant que capitaine, il effectue souvent des contrôles surprise la nuit.

Au sujet de la Plot Position, le capitaine précise que le responsable doit fournir une indication toutes les 10 ou 15 minutes s’il est proche des côtes et à intervalle d’une heure en haute mer. Il ajoute qu’outre le capitaine, un Navigation Officer peut prendre les décisions qui s’imposent puisqu’il est qualifié pour ce poste et la présence du capitaine n’est pas obligatoire si le Navigation Officer prend le relais. En revanche, un Look-out Officer est contraint de prendre ses services du coucher au lever du soleil. « Il doit se placer à un endroit où il peut avoir une bonne vue sur la mer. Généralement, le Look-out Officer peut choisir de se tenir sur le pont du navire. He can choose any spot he wants but cannot move from there until his duty is over. It is mandatory to have a look-out officer from sunset to sunrise », précise le capitaine..

Sunil Kumar Nandeshwar revient sur le jour fatidique et explique que le Chief Officer, qui devait prendre les commandes du navire, lui a demandé de laisser le Look-out Officer s’amuser un peu à la fête organisée sur le navire avant qu’il n’assume ses fonctions. « He was a Senior Chief Officer and he asked me to let him stay for the party for sometime. I said yes. There was not too much traffic, that is no fishing boat around », dit-il.

Il ajoute qu’il était alors environ 18 heures et le Look-Out Officer a pris ses fonctions à 20 heures. Pour ce qui est du Chief Officer, le capitaine lui avait donné des instructions vers 17 heures. « I asked him to maintain 2.40 course over the ground. I gave him the position. If he had maintained that course, the ship should have passed five miles away from the southern coast of Mauritius. When he took over the watch, we were 25 miles away from the coast », dit-il. Et de faire ressortir que certains membres d’équipage, à savoir les Philippins, avaient des cartes Sim avec l’option Roaming et ils ont détecté un réseau Internet.

Après avoir pris des verres avec les membres de l’équipage, deux selon le capitaine, il s’est rendu sur le pont en compagnie du Chief Engineer pour rejoindre le Chief Officer, qui avait pris le commandement du navire. « I went there with my glass of whisky to call my family. The chief officer was providing hotspot. I had one or two pegs. I do not remember because I was not conscious. When I looked at the sea, I could see like a fire on a mountain. I was busy getting network », avoue-t-il. Et dit se souvenir que le Chief Officer lui avait demandé s’il pouvait réduire le RPM pour maintenir la consommation quotidienne des énergies, ce à quoi il a consenti. Ensuite, il explique « we were 11 miles away from the coast. The ship was slightly close to the island. I told the Chief Officer to maintain 2.40 course but he maintained 2.38 course. I believed in the Chief Officer, that is why I did not check the course. Moreover, I was under the influence of alcohol and did not want to check anything. I could not take over the command. I accepted the course because the ship was supposed to pass five miles away from the coast », dit-il.

Entre-temps, le navire continue à s’approcher de la zone côtière de Maurice, l’objectif étant de pouvoir détecter un réseau Internet afin que les membres d’équipage puissent établir des contacts téléphoniques avec leurs proches. « We were 20 days away from Brazil. I would not have contacted my family till we reach Brazil. Or I could have a chance when we would pass near South Africa », soutient le capitaine, expliquant pourquoi il espérait tant obtenir une connexion d’Internet. « How far can we go Yaar ? Where are we ? We will go like this till nobody calls us », devait lancer le capitaine au Chief Officer, tout en lui disant de maintenir un parcours parallèle à la ligne côtière.

Pressé de questions, le capitaine devait aussi confier que le Chief Officer n’avait pas consommé de boissons alcoolisées ce jour-là parce qu’il avait pris le commandement du navire. Toutefois, ils étaient tous concentrés sur la connexion Internet. L’ancien Puisne Judge Hamuth a reproché au capitaine Nandeshwar d’avoir détourné l’attention du Chief Officer du commandement et de l’avoir poussé à se focaliser sur la connexion Internet. « Il a utilisé le téléphone satellite pour contacter sa famille et leur demander de recharger son crédit. En voulant avoir la connexion, nous nous sommes approchés de la zone côtière. J’ai dit au Chief Officer que nous approchons des côtes et il a répondu : No no sir. Don’t worry. At that time, we were already at 1.5 miles away from the island », a-t-il déclaré.
Selon la conversation enregistrée sur le Voyage Data Recorder (VDR), le capitaine avait aussi déclaré : « We are very very close to the land. If we are not getting it now, we will not get it. » Il faisait ici référence à la connexion Internet. Les assesseurs lui ont reproché d’être « more concerned about the internet than the safety of the ship ». Mais, le capitaine nie le fait d’avoir été irresponsable et explique que la faute revient au Chief Officer, qui était aux commandes du navire.

Sauf que les assesseurs lui ont demandé si ce n’était pas sa responsabilité en tant que capitaine de veiller au bon déroulement des fonctions. Ils lui reprochent d’avoir consommé de l’alcool et d’être ivre alors que le navire courait un danger. Les membres de la Court of Investigation lui ont demandé s’il ne devait pas intervenir puisqu’il y avait une urgence. Le capitaine persiste et signe, affirmant que c’était au Chief Officer d’assumer cette responsabilité.

Le navire était à une zone de profondeur de 179.1 mètres quand il commençait à s’approcher les côtes. Une minute après, il était à 96.1 mètres de profondeur, puis à 19.04 mètres de profondeur quelques minutes plus tard. « Il y avait un changement drastique », rappellent les assesseurs. « Vous avez vu le navire échoué et vous dites que vous n’étiez pas au commandement. Vous n’auriez pas dû consommer autant d’alcool. There was negligence across the board and from all levels. You were also negligent », s’insurge Abdurrafeek Hamuth. « I agree sir », a répondu le capitaine.

À la reprise dans l’après-midi, le capitaine devait confier qu’il était certes sous l’influence de l’alcool mais il a bien informé le Chief Officer que le navire approchait la zone côtière. Il devait aussi déclarer que le Chief Officer était plus intéressé à se connecter au hotspot pour parler à son épouse, qui devait subir une chirurgie. Par ailleurs, il avoue que les membres d’équipage n’étaient pas en possession d’un Large Scale Chart. « It was not necessary according to me », dit-il. Mais les assesseurs lui ont dit que si le Chief Officer lui en a parlé, c’est parce qu’il y avait un besoin.

Ce dernier a dû s’expliquer sur les évènements subséquents au naufrage, notamment comment les contacts avec la National Coast Guard. Il avance que le navire était en bon état quand il l’avait quitté et qu’il n’avait constaté aucune fêlure.

L’audition du capitaine reprendra le lundi 22 février prochain.

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