COVID-19 : Stratégie de Guerre

AVINASH RAMESSUR

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Comment vaincre dans une guerre ? Sun Tzu nous renseigne bienveillamment :

« Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent.

Ainsi, ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un État sans opérations prolongées. »

Cette guerre nous est imposée car nous ne l’avons pas vu venir et nous combattons désormais dos au mur. Il nous faut déjà, comme tant d’autres, saluer les efforts héroïques de ceux qui sont au front et qui ferraillent contre l’ennemi. Rien ne compensera ce sacrifice qu’ils font sinon notre reconnaissance sincère et il est heureux que notre mère patrie puisse engendrer des fils et des filles du sol capables de s’élever au moment où celle-ci en a besoin.

Mais dixit Sun Tzu, ceux qui sont au front ne doivent pas combattre seuls sinon l’espoir de vaincre s’amenuise et le découragement guettera. Les opérations ne doivent pas être prolongées car la lassitude et le manque de ressources se feront sentir. Il ne faut pas manquer de stratégie car combattre sans direction entraîne le désarroi et la ruine. Quels en sont donc quelques composants ?

Apprécier le terrain

Il faut déjà commencer par définir cette guerre et le terrain sur lequel elle se joue. Elle est, bien sûr, d’origine biologique, elle nous menace tous ; nous risquons d’être convertis en ses soldats si nous sommes contaminés à notre tour. L’ennemi se nourrit donc de nos faiblesses (non seulement individuelles mais aussi structurelles) pour agrandir ses troupes.

Sa grande force est son invisibilité mais nous connaissons aussi sa grande faiblesse qui est son mode de propagation. Au lieu de tergiverser, il est grand temps d’envoyer valser les recommandations minimalistes et tardives d’une organisation internationale et d’agir en fonction de nos propres intérêts et de nos moyens. Il nous faut donc : 1.) produire massivement des masques à travers nos usines textiles et les distribuer à toute la population et 2.) rendre obligatoire le port de masque pour tous en extérieur et ce, pour une durée longue.

Note : Il n’est pas dans mes compétences d’évoquer l’aspect médical et ce n’est pas le sujet de cet article. Ceci étant, dans une guerre, on ne peut apprécier le terrain, c’est-à-dire l’espace, sans apprécier le temps : le confinement est du temps acheté sur la vitesse de propagation de l’ennemi mais elle ne sera pas la cause de sa défaite. Pour cela, il faut tout (l’argent ne doit pas compter) mettre en œuvre pour tester et dépister massivement l’ensemble de la population. Il s’agit, et je le souligne, de la seule façon de lutter contre la propagation du virus – l’identification et il ne faut pas attendre pour cela un vaccin providentiel.

Mais le terrain de bataille n’est pas que biologique. Elle est aussi logistique car le monde est impacté dans son ensemble et il est fort probable que les circuits d’approvisionnement seront impactés sur le long terme et les pays se disputeront entre eux pour avoir accès aux matières, aux produits et aux denrées.

Dans le cadre d’un plan de gestion des risques, il nous faut donc penser à avoir de quoi nous nourrir si par aventure les importations se tarissent. Des actions sont à prendre dès maintenant pour planter, cultiver et stocker de la nourriture pour au moins les douze mois à venir. Des actions stratégiques immédiates sont aussi nécessaires avec qui veut bien nous aider (y compris ceux hors de nos cercles diplomatiques habituels) pour assurer notre approvisionnement en médicaments et en matériaux/équipements médicaux, je le répète, sur la durée.

Les grandes épopées guerrières sont remplies de défaites dues à un manque de logistique et de compétences sur la conduite de la guerre, ce qui nous amène au chapitre suivant.

S’entourer de bons généraux

« Celui qui a des généraux compétents et à l’abri de l’ingérence du souverain sera victorieux. »

Autant il est possible de s’entourer de fous (en référence au jeu d’échecs) en temps de paix pour se distraire, autant le temps de guerre demande de s’entourer de bons généraux définis comme ayant des qualités de sagesse, d’équité, d’humanité, de courage et de sévérité.

Il faut au plus vite se séparer de ceux qui font dans la demi-mesurette, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, qui font de la communication (notamment certains communicants aux cervelles de moineaux) au lieu d’agir réellement ou enfin de ceux qui sont des causes de distractions indésirables en ces temps. Personne n’a jamais gagné une guerre avec des bras cassés (ils se sont révélés pendant les semaines passées et il n’est pas besoin de les nommer) et il en va de la survie du pays.

« Si le général est doué de sagesse, il est capable de reconnaître les changements de circonstances et d’agir promptement. S’il est équitable, ses hommes seront sûrs de la récompense et du châtiment. S’il est humain, il aime autrui, partage ses sentiments et apprécie son travail et sa peine. S’il est courageux, il remporte la victoire en saisissant sans hésiter le moment opportun. S’il est sévère, ses troupes sont disciplinées parce qu’elles le craignent et redoutent le châtiment. »

Le paragraphe cité ci-dessus est illustratif de ce qui s’est passé depuis le début de cette crise sanitaire dans notre pays.

« Or, les qualités indispensables à un général sont avant tout la clairvoyance, l’art de faire régner l’harmonie au sein de son armée, une stratégie doublée de plans à longue portée … et la faculté de saisir les facteurs humains. Car un général inapte à évaluer ses possibilités ou à concevoir ce que sont la promptitude et la souplesse avancera, lorsque se présentera l’occasion d’attaquer, d’un pas trébuchant et hésitant, les yeux tournés avec anxiété d’abord à droite, puis à gauche, et il sera incapable de mettre sur pied un plan. S’il est crédule, il se fiera à des rapports indignes de foi, croyant tantôt ceci et tantôt cela. »

Conduire la manœuvre 

Celui qui veut être victorieux fait en sorte de prendre un temps d’avance sur son ennemi. Nous sommes mal partis mais nous ne sommes pas dépourvus de moyens. Il nous faut déjà nous mettre en ordre de bataille : repenser nos ressources, repenser notre organisation du quotidien, arrêter le déni des besoins réels et nécessaires d’une population qui a besoin de se nourrir et de se soigner, arrêter aussi d’être distrait par des problèmes engendrés par de mauvaises solutions apportées à d’autres problèmes. Par exemple, ce n’est pas le travail d’un policier de transporter des cylindres de gaz ; les solutions logistiques auraient dû suffire mais quelques actions de certains gouvernants ont été inadéquates.

Il nous faut aussi projeter une confiance dans notre capacité à nous en sortir. L’influence morale, dixit Sun Tzu, est un ingrédient essentiel de la victoire. « Par influence morale j’entends ce qui fait que le peuple est en harmonie avec ses dirigeants, de sorte qu’il les suivra à la vie et à la mort sans craindre de mettre ses jours en péril. »

Il faut enfin que la conduite de la guerre nous emmène vers une résolution plus ou moins rapide avec constatation des batailles gagnées dans cette guerre et de l’avancement vers la victoire car des opérations prolongées sans perspective de victoire, en outre de créer des ruines, engendreront de la lassitude et de la révolte. Le plus grand péril après la faim serait que la population baisse les bras.

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