CRISE ÉCONOMIQUE : Pression accrue sur la roupie, perdant 3,7% en six mois

  • Craintes d’aggravation de la dépréciation avec l’utilisation des fonds de la MIC

Avec la crise économique, la pression sur la roupie s’est accentuée ces derniers mois. La monnaie nationale a ainsi cédé 3,7% sur les six derniers mois. Le volume nettement inférieur de devises injectées dans l’économie n’arrange nullement la situation. Une situation qui inquiète plus d’un, car tant que l’économie ne redémarre pas, la tendance difficile se maintiendra et la Banque de Maurice acculée à jouer aux pompiers financiers pour repousser le pire…

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Les chiffres publiés par la Banque Centrale confirment une forte dépréciation de la roupie sur les six derniers mois depuis le début de la pandémie de Coronavirus. Le Mauritius Exchange Rate Index (MERI), qui calcule les mouvements de la monnaie locale face aux principales devises, est en hausse. Et la hausse s’est accélérée depuis mars. Une hausse du MERI 2 témoigne d’une dépréciation de la roupie. Cet indice, qui était de 103,966 en février, a bondi à 106,980 en mars, puis à 109,756 en avril. Depuis, il a gonflé constamment et rapidement pour atteindre 113,810 en septembre. Le MERI2 est calculé en se basant sur la distribution des devises au niveau des échanges commerciaux et des recettes touristiques.

L’économiste Rajeev Hasnah dit avoir noté une dépréciation « soutenue » de la roupie depuis mars, liée à l’impact de la fermeture des frontières ici et ailleurs, résultant ainsi à un quasi-effondrement du secteur touristique, principale source de devises étrangères à Maurice, avec un revenu annuel d’environ Rs 65 milliards. L’économiste Swadicq Nuthay renchérit : « La dépréciation accélérée de la roupie est la résultante de la situation dans laquelle nous nous trouvons, avec les effets désastreux du confinement sur l’économie. L’industrie touristique, qui est un des plus gros pourvoyeurs de devises, est à l’arrêt complet depuis plusieurs mois. Il y a aussi eu une baisse drastique des exportations et un ralentissement dans le secteur financier. Les trois combinés ont eu un impact très important sur le marché des devises. Il y a eu un moment où il n’y avait plus d’entrée de devises dans le pays et la Banque de Maurice a dû alimenter le marché pour financer les importations. »

Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC, explique que les chiffres du MERI2 sont plus révélateurs que ceux du MERI 1 de la situation actuelle. « Sur les six derniers mois, cet indice montre une dépréciation d’environ 3,7% de la roupie, car l’indice est passé de 109,746 à 113,810 en septembre. » Toutefois, il observe que la dépréciation a décéléré sur les trois derniers mois. « Si vous regardez les chiffres pour la période d’avril à juin, la dépréciation était de 2%, comparé à celle de juillet à septembre, avec une dépréciation de 0,74%. Donc, le taux de dépréciation de la roupie s’est réduit ces derniers mois », dit-il.
Ce ralentissement de la dépréciation ces trois derniers mois s’explique notamment par interventions de la Banque Centrale sur le marché forex. « En particulier la dernière, celle du 6 octobre, lorsque la Banque de Maurice avait vendu USD 25 millions sur le marché. Cela a permis de stabiliser quelque peu la roupie, en la gardant à une valeur plutôt constante », soutient le patron de PwC. Sans ces interventions de la BoM, la roupie aurait glissé davantage.

Rajeev Hasnah abonde dans le même sens : « La dépréciation a été d’une certaine façon contenue grâce aux multiples interventions, presque hebdomadaires, de la Banque de Maurice sur le marché en injectant des dollars américains, à hauteur de USD 752 millions précisément, de mars 2020 jusqu’au 6 octobre. » Si ce constat est plutôt positif à ce stade – la Banque Centrale étant parvenue tant bien que mal à limiter les dégâts –, nous ne sommes pas sortis de l’auberge pour autant… Car la dépréciation de la roupie a un effet sur le coût de la vie. Elle fait grimper en flèche les prix des produits importés, en particulier ceux des produits alimentaires, dont une très large proportion est importée, car Maurice ne produit pas suffisamment. « Nous importons quasiment tous nos produits alimentaires, y compris les médicaments, et les prix vont encore grimper », annonce Swadicq Nuthay.
Andrew Sin, General manager de la centrale d’achats d’Intermart, est aussi sur ses gardes, et dit que si la roupie s’est « stabilisée » ces dernières semaines, ce sont plutôt les autres devises qui fluctuent. « Malheureusement, on n’a aucun contrôle sur l’évolution du dollar. C’est vrai que la roupie se déprécie depuis quelque temps, mais ces derniers temps, elle s’est dépréciée moins rapidement. De notre côté, nous essayons de contenir les prix autant que possible. Mais si la roupie se déprécie davantage, c’est sûr que nous serons impactés et que les prix grimperont dans les rayons. »

La roupie va-t-elle continuer à s’affaiblir dans les prochains mois ? « Tant que notre économie reste en difficulté, la roupie ne va pas se stabiliser », lance Swadicq Nuthay. « La pandémie est toujours bien présente, et ce n’est pas de sitôt que nous allons avoir 1,2 million de touristes comme avant. Et il ne faut pas oublier que la récession mondiale impacte nos exportations. Nous serons aussi confrontés à une baisse d’investissements directs étrangers. »


Perspectives « précaires », selon Rajeev Hasnah

« Il faut noter que le MERI démontrait une roupie plus ou moins stable contre les autres devises pendant ces cinq dernières années. Cette stabilisation de la roupie, dans la période précédant la crise économique liée à la COVID-19, peut aussi être attribuée à une injection en devises étrangères à hauteur de Rs 40 milliards liée au secteur du “global business” dans notre système financier annuellement », explique Rajeev Hasnah. Il poursuit : « Les perspectives économiques pour l’île Maurice n’étant guère rassurantes avec un manque de visibilité quant à une reprise soutenue du secteur touristique, l’impact de la liste noire sur le secteur financier, ainsi que la capacité de la Banque de Maurice à injecter continuellement des dollars américains dans notre économie, suggèrent que la roupie mauricienne pourrait continuer à se déprécier dans les prochains mois, sachant que les perspectives économiques de nos partenaires commerciaux sont aussi précaires. »

 

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