D’une véritable stratégie contre la CORRUPTION

Au cours de la rencontre du Parlement populaire le 8 août, Reaz Chuttoo a parlé de la corruption comme étant systémique. C’est ce que l’on affirme depuis des siècles, par analogie biologique, qui représente la corruption s’infiltrant dans un système social, politique ou économique, tout comme un virus ou un médicament se faufile dans nos entrailles via notre système sanguin. Est aussi systémique, ce qui est pris dans son ensemble. Dans ce cas de figure, on considère la corruption en relation avec les autres éléments avec lesquels elle est intimement associée.
Mais politiquement nous assumons que la corruption est le produit d’un système immuable, accepté, imposé… et qu’elle subit ainsi des causes prédéterminées et comporte des effets prévisibles. On note, par conséquent, deux réactions : on ne peut rien faire ou il faut changer de système. Généralement on propose des lois les plus dures comme en Chine où la personne trouvée coupable de corruption subit la peine capitale.
Dans les faits, tous les systèmes politiques et économiques produisent la corruption : féodaux, coloniaux, capitalistes, socialistes, bureaucratiques,… théocratiques, monarchiques, dynastiques, oligarchiques, républicains, autocratiques, dictatoriaux…. À mon sens, les causes et les effets sont les mêmes, bien que la corruption soit multidimensionnelle.
Il est évident donc que l’on doit avoir une analyse systémique de la corruption en soi pour comprendre autant son évolution que ses rapports à travers le temps avec le pouvoir (de l’argent comme du pouvoir pour le pouvoir), comme composante des modes de production avec leurs lots d’accaparements, de fraudes, d’arnaques, de vol, de blanchiment d’argent, d’escroqueries, de pratiques mafieuses… Celui qui se bat contre la corruption est comme cet enfant que l’on amène de gré au magasin pour lui acheter son premier sac à dos. Il est content et heureux. C’est quand il lui faudra porter tous ses livres et accessoires d’école qu’il comprendra de force le poids réel des choses.
Rajen Bablee, de Transparency International, a, lui, évoqué la culture de l’honnêteté, du refus de céder à la facilité et à la tentation, entre autres, comme moyens de combattre la corruption. Il faut le faire. Je le soutiens. Mais je lui dis d’avance, c’est ce que beaucoup de personnes ont fait depuis des siècles et des siècles. Tout au moins depuis Socrate, forcé de « se suicider », en passant par celui qui a été crucifié et un pape assassiné au siècle dernier par la mafia.
J’ai proposé que dans la conjoncture actuelle on institue une « Commission d’aveu et de restitution » qui pourrait émuler la Commission Vérité en Afrique du Sud. Il y a trop de corruption dans notre pays. Ce serait de loin plus productif de référer à cette Commission tous ceux contre lesquels on a quelques dossiers compromettants. Avec l’argent restitué on pourrait créer un National Housing Fund pour construire des maisons pour les sans-logis.
Le Parlement populaire fera circuler bientôt une pétition pour soutenir la demande pour une Commission d’enquête sur le financement des partis politiques. J’ai déjà écrit à la Présidente de la République (15 juin 2015 – voir la page Forum du Mauricien) et au Premier ministre en ce sens. Je soutiens donc cette pétition. On va s’organiser et je crois qu’il faudra tenir une grande manifestation pour appuyer cette démarche. Il s’agit d’une proposition en deux phases (pétition – manifestation) très importantes.
Mais si on veut combattre la corruption à Maurice il faudrait prendre la mesure de deux choses : 1) La POCA exclut le secteur privé et l’individu qui a la chance de ne pas être un public officer ou qui agirait en tant que citoyen quand même il le serait. ; 2) Tout pouvoir se protège contre les lois par la manipulation des institutions. Pire, il peut être soutenu par les électeurs.
Je pense qu’il faut agir en aval. Nonobstant la clause 9 de la POCA, Il faut adopter une Prevention Against Corruptive Practices Act (PACPA). Aucun citoyen n’échappera à un contrôle sur la corruption, non plus par la sanction, mais par la prévention. C’est un moyen qui sied davantage à la condition humaine. Une prévention intelligente est à la fois éducative et culturelle.
Comme je l’ai déjà fait ressortir par le passé, une Whistle Blower Act est de mise. Je crois que le gouvernement viendra incessamment avec une telle loi. Pour moi, un Whistle Blower serait quelqu’un qui pratiquerait la prévention plus que la dénonciation. Il faut attirer l’attention des décideurs quand un système de gestion ou de contrôle ne fonctionne pas. Il ferait alors des propositions de redressement. Bien sûr, le dénonciateur doit être couvert, mais il faudrait qu’il soit protégé contre le licenciement et s’il est licencié, il devrait pouvoir être rétabli de plein droit dans ses fonctions.
Ma sixième proposition se rapporte aux journalistes. Je le ferai plus tard. Elle émane de deux interrogations : quand les journalistes affirment qu’ils constituent le quatrième pouvoir, quel est le pouvoir qu’ils remplacent ou qu’ils précèdent entre les pouvoirs suivants : celui du peuple, du législateur, du judiciaire et de l’exécutif ? Ceux qui constituent le cinquième pouvoir forment l’opinion publique et ils sont les intellectuels, les écrivains, les cinéastes, les danseurs, les musiciens, les peintres… En quoi les journalistes mauriciens forment-ils l’opinion publique ? En France, on dit d’un journaliste, qui est un agent du pouvoir politique ou économique, qu’il « fait un ménage » Cette expression est éloquente. Quid de la corruption intellectuelle ? On en reparlera.

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