Dans le contexte du Govinda tiruvizha : Vythi Chellen, un soprano

DEVARAJEN KANAKSABEE

Il fait partie des artistes à l’écart de la place publique, méconnus des contrées, et qui ont fait de leur art non un métier pour faire vivre leur famille et se nourrir en vivant dans le confort, mais un devoir dans le seul but de faire perpétuer au travers des générations leur passion, créant un espace, où l’art musical apportera un peu de bonheur, de paix et d’harmonie dans un monde matérialiste en perpétuel déclin. Ainsi se résume la philosophie d’un homme pauvre mais paradoxalement riche. Il est resté dans l’anonymat durant toute sa vie. Cette célébrité loin des médias n’est autre que le grand frère Vythi Chellen, que nous connaissons comme Ané Vythi. Son parcours est rarissime dans le monde artistique. Voici son histoire…

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Des contemporains, à l’instar de l’ancien secrétaire aux finances, feu Devarajen Soopramanien, et notre très regretté Renganaden Seeneevassen, et un ancien haut cadre du ministère des travaux publics, Veerakesavallee Govinden, trouvaient en cet homme un envoyé du Seigneur Tirumaal (Vishnou) pour chanter sa gloire dans l’Éternel notre Dieu. Il y a là tout lieu de croire que la présence fréquente et la participation de Renganaden Seeneevassen en cet endroit-symbole pour de belles démonstrations culturelles amenèrent les autorités d’alors de nommer cette rue après lui. On a été émerveillé et ébloui par le talent de ce barde qu’était Ané Vythi. Il faudra néanmoins attendre encore longtemps pour voir un deuxième Ané Vythi. Dans le cercle de chanteurs disparus, il s’apparente à l’homme à la voix d’or.

Heureusement, cette organisation tamoule plus que centenaire, le Parama Bhakta Suguna Vilasa Bajana Sangam, avec son siège originel sis rue La Rampe, à Port-Louis, a donné l’occasion à divers talents de s’épanouir, notamment R.Chellum (le père de Jayen Chellum), avec sa paire de tal, et un ancien de la vieille garde sifflant dans la coquille en direction du soleil levant.

Vythi Chellen avait une voix magique à faire réveiller tous les dévots un soir de grande veillée pour la nuit de Govinden. C’était cela sa particularité. Né le 29 décembre 1925, rue Etienne Pellereau, Port-Louis, et décédé en 1998, il restera toujours ancré dans la mémoire collective. C’était un auteur-compositeur sans pareil et un soprano de haute facture. Il a à son actif environ une centaine de chants dévotionnels. Jamais depuis sa disparition pleurée par bon nombre de personnes, on n’a entendu une telle voix sonore à percer ce ciel parsemé d’étoiles avant de se rendre au bord de la mer pour dire un au revoir au Seigneur Thirumaal aux premières heures matinales. On a copié et vendu par milliers ses chansons mais il n’attacha aucune importance à un quelconque bénéfice pécuniaire découlant de ses œuvres. Voilà sa conception de la musique !

Auparavant, seule cette organisation bénévole, sociale, culturelle et éducative organisait le Govinden, cérémonie religieuse. Ainsi, Ané Vythi et une équipe, dévouée à la cause musicale et composée de jeunes musiciens, faisaient des pèlerinages à travers l’île en vue d’initier la jeune génération montante à chanter ses belles chansons sans jamais réclamer le moindre sou. Voilà comment le Govinden a été propagé sur l’étendue de notre territoire. “Rombo nandri” (un immense merci) à Ané Vythi.

À ma connaissance, c’est certain qu’il y ait beaucoup qui connaissent ses chants mais il doit y avoir quelqu’un quelque part qui a une maîtrise absolue de toutes ses compositions. Ané Vythi a été épaulé par son père, Vathiar Chellen. Il faut constituer un répertoire car il peut s’avérer qu’il y ait d’autres créations dans un tiroir… Que cela plaise ou non, le nom de ce ténor doit figurer au panthéon de nos brillants chanteurs-compositeurs aux œuvres immortelles et harmonieuses.

Conscients que ni le gouvernement et ni aucune mairie n’érigeront une statue en son honneur, des amis de l’artiste ont pris les devants pour faire sculpter un buste en vue de faire vivre la mémoire de ce grand homme. On espère toutefois que tous ceux ayant immensément bénéficié des œuvres mélodieuses d’Ané Vythi puissent apporter leur contribution financière.

Entre-temps, je rédige un poème pour sa stèle.

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