Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a estimé qu’après avoir effectué un walk-out la semaine dernière, « les parlementaires de l’opposition ont finalement décidé de mettre de côté leur agenda politique pour s’intéresser au bien-être » de la population. « Cette attitude prévaut chez eux depuis le début de la pandémie de Covid-19. Cela équivaut à une rupture du contrat signé avec la population pour les représenter au Parlement. Leur façon de faire est hautement condamnable, car il s’agit d’un manque de respect et de considération pour ceux qui souffrent de troubles mentaux, » dit-il.
Il estime par ailleurs « choquants » les propos tenus plus tôt par le député Shakeel Mohamed, qui avait estimé que le ministre Jagutpal n’avait « pas le sens des priorités ». Il dénonce l’affirmation selon laquelle le Premier ministre, Pravind Jugnauth, aurait « une mainmise » sur cette législation. « Ce sont des mots lancés pour la galerie, car le chef du gouvernement a procédé à la nomination du président de la Mental Health Commission. (…) J’invite le député Shakeel Mohamed à dire en dehors du Parlement si les nominations ne se pratiqueraient pas de la sorte s’il était au pouvoir. S’il le fait, je le féliciterai, mais il ne le fera pas. » Et de lancer : « Indeed I am very proud to work my Prime minister. I am very proud to work under his guidance, his dynamism. He is a hardworking and a caring Prime minister, and now I will ask the honorable to state the same thing for his leader. He will not. »
Répondant à la députée Joanna Bérenger à l’effet que le ministère de la Santé emploie seulement huit psychologues, il expliquera que le ministère en dispose en réalité de 12. De plus, selon lui, « il n’est pas vrai de dire que le gouvernement veut bâillonner les membres de l’opposition alors qu’eux-mêmes avaient choisi de faire un walk-out ». Le député Shakeel Mohamed devait alors intervenir pour dire au ministre qu’il est en train de faire des attaques personnelles envers une personne en dehors du Parlement. Ce à quoi le Speaker devait affirmer qu’il va « look into it ».
Le Speaker est d’ailleurs encore intervenu un peu plus tard pour rappeler au député Shakeel Mohamed « That you no floor » et qu’il « ne doit pas interrompre le discours » du ministre Jagutpal, car il est déjà sous le coup de trois avertissements. « I was talking to myself », devait alors répondre Shakeel Mohamed. Reprenant son dicours, le ministre de la Santé devait ensuite tacler le député en lui lançant que « quelqu’un qui se parle à lui-même est un cas de psychiatric disorder ». Le Mental Health Care (amendment) Bill a été voté à la fin de son intervention.
Farhad Aumeer : « Un amendement cosmétique »
Le député Farhad Aumeer trouve « regrettable » que la majorité gouvernementale trouve les propositions de l’opposition « irrelevant ». Tout en affirmant que la santé mentale est « primordiale pour la qualité de la vie ». Selon lui, « une législation qui autorise l’État à pénétrer dans la vie privée des gens sera toujours controversable ». Or, dit-il : « La Mental Health Act donne à l’État le pouvoir de prendre la liberté d’un individu même si la personne n’est pas d’accord. Ailleurs, les relations entre la criminalité et les troubles mentaux font débat. La croyance populaire est que les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale ont tendance à commettre des actes de violences. »
Le député poursuit : « Il est malheureux que la définition du trouble mental soit trop vague dans ce projet de loi, alors que les cas sont tous différents. Pas moins de 80% des gens qui sont admis à l’hôpital psychiatrique sont concernés par la consommation de drogues synthétiques. » Et de lancer, dans le même souffle, qu’il s’attendait à ce que ce projet de loi « fasse provision pour faire la distinction entre un alcoolique et un patient psychiatrique ». Pour lui, ce projet de loi « est tout simplement un amendement cosmétique à la loi actuelle ».
Kalpana Koonjoo-Shah : « Le GM
soutient le ministre Jagutpal »
La ministre de l’Égalité des genres, Kalpana Koonjoo-Shah, a affirmé que le gouvernement « est ouvert aux critiques, surtout lorsqu’elles sont constructives ». Ce qui, selon elle, « ne veut pas dire qu’on doive passer à côté de la plaque lorsqu’on intervient sur un quelconque projet de loi ». Elle poursuit : « Les membres de la majorité ont écouté avec attention les parlementaires de l’opposition tout en espérant qu’ils feront des commentaires constructifs. Mais encore une fois, certains ont été à côté de la plaque, tout en démontrant en même temps un manque total de compréhension sur l’intention de ce projet de loi. »
« Ce n’est pas une surprise, car la plupart du temps, ils prétendent être des “jack of all trades and masters of none” », ditt-elle. Avant de dire regretter que lorsqu’un tel projet de loi avait pour la dernière fois présenté au Parlement, la plupart des membres de l’opposition avaient choisi de faire un walk-out. « Ce qui est encore plus “shameful”, c’est que l’opposition vienne dire après que le ministre de la Santé n’a pas le soutien du Premier ministre. Or, laissez-moi vous dire que le ministre de la Santé a non seulement le support du Premier ministre, mais également ceux de ses collègues et de toute la population mauricienne », a-t-elle fait ressortir.
Elle devait affirmer qu’un des membres de l’opposition avait allégué que le ministre de la Santé était « arrogant » et « n’avait pas le sens de la priorité » en amenant ce projet de loi au Parlement. Aussi a-t-elle invité les membres de l’opposition « à partager leur définition de la priorité, car cet amendement a été introduit pour s’adresser à des sujets ayant trait aux troubles mentaux ». Et de lancer : « Il est regrettable que les membres de l’opposition aient tenté de diminuer l’importance de ce projet de loi. »
Lutchmun-Roy : « Les patients souffrant de troubles mentaux sont mieux protégés »
La députée Subashnee Lutchmun-Roy est d’avis que « le syndrome des troubles mentaux continue de faire son chemin dans diverses parties du monde », citant notamment l’Italie, l’Espagne, l’Inde, le Royaume-Uni et la France. « Mais à Maurice, des mesures correctives ont été prises afin d’éviter que cette situation ne vienne frapper à nos portes. »
Pour elle, l’amendement apporté à la Mental Health Care Act a pour but d’accorder à la Mental Health Commission « plus de temps pour faire réaliser des enquêtes légalement ». Ce qui « empêchera des gens d’agresser des personnes souffrant de troubles mentaux », dit-elle.
« Ce projet de loi a ainsi démontré l’engagement du gouvernement à améliorer le secteur de la santé mentale. Les pouvoirs nécessaires sont ainsi accordés à la commission pour s’assurer que les patients souffrant de troubles mentaux soient traités convenablement par tout un chacun. »
Anjiv Ramdhany : « Pouvoirs accrus
à la Mental Health Commission »
Le député Anjiv Ramdhany a souligné que l’amendement apporté à loi actuelle vise à assurer la sécurité des patients atteints de troubles mentaux dans les institutions. Mais, plus encore, il accordera les « pouvoirs nécessaires » à la Mental Health Commission afin que cette dernière puisse avoir un regard sur l’administration des institutions concernées.
Ce projet de loi est prévu dans le sillage de délits punissables à travers des emprisonnements pour une période ne dépassant pas deux ans, dit-il. Rappelant que l’article 43 (A) a été ajouté à la loi actuelle, lequel prévoit de renforcer le pouvoir de la commission « pour sévir contre ceux donnant de fausses informations et faisant de faux témoignages à la commission », dit-il.
Anquetil : « Nous ne sommes
pas ici pour nous faire injurier »
Pour la députée Stéphanie Anquetil, les députés de l’opposition ont le droit de proposer, « de manière civilisée, des améliorations sans se faire insulter ». Et d’ajouter : « Sachez, Messieurs et Mesdames de la majorité gouvernementale, que nous, les parlementaires de l’opposition, ne sommes pas ici, dans cet hémicycle, pour nous faire injurier. »
Revenant sur le Mental Health Care (Amendment Bill), elle rappelle que l’Organisation mondiale de la santé s’ inquiète de l’impact de la COVID-19 sur la santé mentale. Son directeur général, dit-elle, « a souligné que le monde doit se préparer à un traumatisme mental pour les années à venir » après la fin de la pandémie.
« À Maurice, on a un retard très important sur la prévention des maladies mentales. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire sur le programme de santé mentale, car le personnel est insuffisamment qualifié et expérimenté, et on note des lacunes au niveau du manque de formation du personnel soignant dans le service public », a-t-elle fait ressortir. Et de rappeler qu’il n’existe qu’un seul hôpital psychiatrique, soit le Brown Séquard Hospital, pour l’ensemble de l’île. Elle propose de fait la mise en place d’unités de psychiatrie dans chaque hôpital afin de mieux répondre à la demande.
Pour elle, la définition de “mental disorder” dans la législation actuelle « est trop vague ». Elle se demande en outre si une étude a été entreprise par le ministère de la Santé afin de mieux connaître la santé mentale des personnes incarcérée dans le pays. En ce qu’il s’agit des patients du Brown Séquard Hospital qui n’ont pas les moyens de se payer un avocat, elle suggère l’attribution d’un représentant légal au profit du patient devant le Managerial Committee. « L’amendement ne fait pas mention également du Community Care », dit-elle. « Très souvent, on perd les patients lorsqu’ils retournent chez eux. »
Elle a aussi tenu à attirer l’attention sur les résidents du Correctional Youth Centre (CYC) et du Rehabilitation Youth Centre (RYC), « qui malheureusement ne bénéficient pas d’un panel de psychiatres pour déterminer si leurs problèmes comportementaux sont dus ou non à des troubles mentaux ». Elle a également souligné que des enfants ayant des problèmes de psychiatrie doivent être placés dans une unité spécialisée sous l’égide du ministère de la Santé. « Car actuellement, les enfants qui doivent être traités pour des troubles mentaux sont punis au CYC et au RYC. »