DÉBATS PARLEMENTAIRES | Climate Change Bill — Le chaud et le froid soufflent sur le Climate Change Bill 

Les débats se sont poursuivis mardi après-midi sur le Climate Change Bill à l’Assemblée nationale. Les députés des deux côtés de la Chambre ont, selon les cas, défendu ou critiqué le projet de loi. Petit tour d’horizon des différentes réactions.

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Subhasnee Luchmun-Roy : « Latet ot pou lenerzi prop »

Pour la députée du MSM Subhasnee Luchmun-Roy, backbencher de la majorité (No 4) l’avenir des enfants sur le sujet du changement climatique dépendra du sérieux de l’engagement et d’un « vre sanzman »avec « des mesures courageuses et essentielles ». Elle laisse entendre que ce projet de loi intervient « à un moment où l’Assemblée nationale a été malheureusement contrainte d’accueillir certains lobbyistes ayant habilement survécu à travers le temps et passant en ce moment même, sous nos yeux, le relais à d’autres lobbyistes ayant été élevés à en devenir ».

Elle estime que beaucoup de membres, se trouvant du côté de la majorité, ont bénéficié d’un renouvellement de confiance émanant de la jeune génération pour avoir sanctionné les sacs en plastique non biodégradables, et surtout pour avoir agi contre l’utilisation du charbon dans la production énergétique au profit d’un vrai programme pour l’énergie verte.

Elle a déclaré qu’il a fallu « un gouvernement Lepep » pour enterrer le projet d’une centrale à charbon à Pointe-aux-Caves, Albion, et ce après des épisodes interminables de « rise pouse » du gouvernement PTR-PMSD de 2007 à 2014. Elle a aussi avancé que l’engagement du gouvernement a été traduit dans l’action une fois au pouvoir. « Le projet CT Power a été Out kare kare sans hésitation et sans négociation obscure. Et ce n’était que le début d’une marche latet ot pou lenerzi prop », a souligné la députée de la circonscription No 4.


Mahend Gungapersad : « Que la bureaucratie ne paralyse pas la Commission ! »

Pour le député du PTr Mahend Gungapersad, « les modes de production et de consommation actuels ne sont pas viables et sont déjà responsables de problèmes complexes à résoudre – et interconnectés les uns avec les autres. Cela fait de la priorité pour les dirigeants politiques et les décideurs de trouver, plus appropriés, des moyens d’introduire un nouveau scénario de transition écologique vers un modèle économique plus durable », a-t-il affirmé.

L’élu travailliste de Grand-Baie/Poudre-D’or a suggéré que plus d’ONG, plus de membres de la société civile, des militants respectueux de l’environnement soient des membres actifs de la Commission sur le changement climatique. « Nous devons nous assurer que la bureaucratie ne paralyse pas la Commission du changement climatique. Les vrais sauveurs de notre environnement ne sont pas nécessairement ceux qui siègent dans des bureaux de climatisation et s’engagent à rédiger des objectifs pour faire de Maurice un pays résilient au changement climatique et à faible émission. Les sauveurs de notre environnement sont ceux qui se consacrent de manière désintéressée à la protection de notre faune et de notre flore contre les multiples assauts de la nature », dit-il.


Joanne Tour : « Vers un niveau plus élevé de conscience environnementale »

Joanne Tour, la députée du MSM au No 4, est d’avis que le pays est déjà très exposé à de nombreux risques environnementaux, tels que les inondations côtières, fluviales et causées par la pluie, les cyclones tropicaux et les ondes de tempête. « Les coups reçus de ces dangers peuvent rendre notre île particulièrement vulnérable à d’autres changements. Connaître les risques existants et leur évolution devrait nous aider à nous préparer aux risques futurs. En particulier, il est important de comprendre comment les vulnérabilités existantes pourraient exacerber les impacts d’autres risques environnementaux et ce qui peut être fait pour réduire la menace de catastrophe », déclare-t-elle.

Elle a soutenu que le développement futur de Maurice doit se faire harmonieusement dans un cadre bien établi en matière de changement climatique. Ce projet de loi permettra de mettre en œuvre le combat contre les effets néfastes des changements climatiques et de développer Maurice vers une économie plus verte.  « La lutte contre les changements climatiques est devenue beaucoup plus urgente et pourrait devenir le plus grand défi de survie de l’humanité, à ce jour. La preuve est claire : le changement climatique se produit maintenant plus rapidement. L’accélération du réchauffement planétaire est quasiment imparable, à moins que nous n’agissions maintenant, et à moins d’agir de manière ambitieuse, ensemble », a-t-elle dit.


Teenah Jutton : « Faire de Maurice un pays résilient
contre le changement climatique »

La Parliamentary Private Secretary (PPS) Teena Jutton a avancé que le gouvernement a pris l’engagement de soutenir le Sustainable Development Goal 13, qui consiste à prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique. Ce projet de loi contribuera à développer durablement Maurice vers une économie plus verte en utilisant un modèle de développement économique plus efficace.

Maurice, a-t-elle affirmé, s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30% d’ici 2030. « Grâce à ce projet de loi, nous serons en mesure de mettre en œuvre efficacement les obligations de Maurice au titre de l’UNFCCC, du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris. Ce projet de loi fournit un cadre par lequel Maurice peut contribuer à l’effort mondial collectif pour limiter l’augmentation des températures moyennes mondiales à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, comme indiqué à l’article 2 de l’Accord de Paris, réduisant ainsi considérablement les impacts et risques de changement climatique », a-t-elle laissé entendre.

Elle a avancé que l’objectif du gouvernement est de transformer les industries, l’économie et la société afin que nous dépendions de plus en plus des énergies renouvelables, obtenions une plus grande efficacité énergétique et réduisions la consommation d’énergie non renouvelable. Et d’ajouter que le projet de loi ouvre la voie à l’adoption de technologies avancées à faible émission de carbone. Pour elle, c’est jeter les bases en établissant le cadre juridique nécessaire pour faire de Maurice en un pays résilient au changement climatique et à faibles émissions.


Vikash Nuckcheddy : « Il faut agir maintenant »

Vikash Nuckcheddy de la majorité a affirmé que les effets du changement climatique se font sentir dans le monde entier et que nous pouvons nous attendre qu’ils s’aggravent avec le temps « si nous n’agissons pas maintenant ». Selon lui, comme de nombreux petits États insulaires, Maurice est vulnérable, en particulier aux effets du réchauffement climatique et à la montée de la mer.

« Le changement climatique est existentiel et nous faisons écho à l’appel lancé par tant de personnes, notamment nos jeunes, pour plus d’actions et de collaborations. Notre pays, tout comme le monde entier, est susceptible de faire face à un impact considérable sur le climat, et nous sommes appelés à participer activement à la résolution du défi climatique mondial », a-t-il déclaré.

Selon lui, les effets du climat aujourd’hui et à l’avenir « remettent de plus en plus en question la capacité d’adaptation de la société et des écosystèmes », et il est urgent de réduire immédiatement les émissions de gaz à effet de serre. « Ces réductions immédiates donneraient au monde plus d’espace pour des options d’atténuation et d’adaptation rentables et durables », a laissé entendre l’élu du No 9. « Des réductions immédiates créeraient des opportunités d’investissement dans l’innovation et les technologies pour une productivité accrue dans l’utilisation de l’énergie et des ressources, dans des technologies alternatives pour un monde exempt d’émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, et pour l’investissement dans le savoir-faire pour réaliser des transitions équitables », a-t-il indiqué.

« L’aspect le plus important du projet de loi est la réalisation d’un inventaire annuel des émissions de gaz à effet de serre par les sources et de l’élimination par les puits. Cela permettra de donner une image réelle de l’évolution, car nous ne parlons pas ici localement, mais c’est une question qui concerne le monde entier », affirme-t-il.


Kailesh Jagutpal : « Maurice sera vulnérable au changement climatique »

Intervenant sur le Climate Change Bill après la pause thé mardi après-midi à l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, s’est dit d’avis que « Maurice sera vulnérable au changement climatique ». De plus, le pays subira les effets de grands pays pollueurs, faute d’actions de ces derniers.

Selon lui, « il faudra dépendre des autres États insulaires et de nous-mêmes pour notre avenir ». Le changement climatique, dit-il, « exacerbera le problème de sécurité alimentaire ». Il ira même plus loin en faisant ressortir les effets sur la santé du changement climatique. Aussi annonce-t-il la mise en place d’une plateforme à cet effet avec le concours du ministère des TIC et de l’Organisation mondiale de la Santé.

Pour le ministre de la Santé, « la végétation indigène a un rôle essentiel à jouer » dans la stabilisation des zones côtières, en sus de servir d’abri pour la faune sauvage. De ce fait, Kailesh Jagutpal dit accueillir favorablement les amendements apportés à la Beach Authority Act, qui inclut dans son mandat la restauration des végétations indigènes et le réaménagement des plages publiques. Et de faire ressortir que les mangliers empêchent l’érosion des sédiments.

Les amendements apportés à la State Land’s Act sont également bien accueillis par Kailesh Jagutpal. « Ce sont des mesures concrètes pour la préservation de nos côtes et pour protéger les atouts naturels de notre pays », dit-il. Lors de son intervention, le ministre a aussi répondu aux attaques du leader de l’opposition, Arvin Boolell, qui affirmait que « rien n’a été fait pour protéger nos plages ».


Joanna Bérenger : « Ce projet de loi
manque de vision et d’ambition »

Le Climate Change Bill, selon la députée de l’opposition Joanna Bérenger, était attendu « avec impatience ». Prenant en considération le contexte de ce projet de loi et les effets du changement climatique, elle se dit ainsi d’avis que « ce projet de loi manque de vision et d’ambition ». Pour elle, le projet de loi « se focalise plutôt sur la “structure” que sur la “substance” ».

Une discussion sur ce projet de loi d’un point de vue communautaire aurait par ailleurs dû être tenue, selon la députée, qui dit espérer que le gouvernement « saura remédier à ce manque de consultations honnêtes ». Joanna Bérenger regrette en outre que Maurice ne soit « pas une économie verte, mais plutôt une économie “brune” ou “grise” », et ce, en raison de « projets controversés ». Et de se demander « comment on peut parler d’économie verte, alors que nous n’en avons même pas ? », avant d’ajouter : « May be it’s a joke and I just don’t get it. »

Concernant le projet de loi, elle fait ressortir « qu’aucun plan n’a été fait ». Pire : elle dit constater que la définition du changement climatique n’est pas complète. « Nous ne mentionnons même pas les effets du changement climatique », note-t-elle ainsi, rappelant que ce projet de loi « doit être aux normes internationales ». Avant de se demander de quelle manière ce projet de loi permettra la restauration de nos forêts.

Pour la députée, la question du changement climatique « doit être une priorité dans toutes les actions gouvernementales ». Aussi conseille-t-elle la mise en place d’un Special Cabinet Meeting ou d’un comité parlementaire en vue d’un « travail plus efficient et transparent ». La députée fustige par ailleurs la création d’un département sur le changement climatique au sein du ministère de l’Environnement, alors que ce département, dit-elle, existe déjà. « Qu’est-ce que ce département aura de plus que celui déjà existant ? » se demande-t-elle.

Joanna Bérenger avance également que ce projet de loi est « différent » de ceux qui existent à travers le monde. Lors de son intervention, elle a ainsi énuméré les différents plans mis en place depuis des années sur le changement climatique, et a demandé leurs effets. De même, elle se demande comment le gouvernement compte responsabiliser les pollueurs. « Nous sommes dans le flou ! » dit-elle, avançant que des rapports sont présents, mais que « leurs implémentations tardent ».

La députée s’est aussi intéressée aux amendements apportés dans différentes lois, et ajoute que les changements apportés à la Tourism Act sont « élémentaires ». Elle déplore aussi que le terme « genre » soit utilisé « de façon très cosmétique », et ce, dit-elle, « alors que les femmes et les enfants ne sont pas épargnés par le changement climatique ». D’où sa demande pour que des femmes soient aussi choisies dans la prise de décisions au niveau du changement climatique.

Par ailleurs, elle rappelle que « ce sont les démunis qui polluent le moins », mais que ces derniers sont aussi « plus touchés, et oubliés par ce projet de loi ». Pour terminer, elle dira que même si ce projet de loi « devra être voté, le cœur n’y est pas ».


Ravi Dhaliah : « Maurice fait face
à des défis sans précédent »

Concernant les dangers qui attendent Maurice en raison du changement climatique, le PPS et député de la circonscription de Piton/Rivière-du-Rempart, Ravi Dhaliah, avance qu’il est « de notre devoir de rétablir la nature dans ses droits ». Pour le député, « une lourde responsabilité repose sur nos épaules; nous devrons réagir en nous posant à nous-mêmes la question de l’héritage que nous voulons léguer à notre prochaine génération ».

Ainsi, pour lui, « il faut que nous ayons une vision avant-gardiste et résiliente » dans la lutte contre le changement climatique. Et de rappeler, chiffres à l’appui, que le niveau de la mer s’est élevé et que les températures sont en hausse constante. Ce qui démontre, selon lui, « à quel point Maurice est exposée au changement climatique ».

« Nos actions ont fait de la Terre une déchetterie ! » poursuit-il. Pour le PPS, « l’urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés changera notre façon de vivre ». Avant de dire craindre que les mangliers puissent disparaître « si nous ne faisons rien ».

Par ailleurs, le changement climatique augmentera la propagation des maladies ainsi que les menaces sur la sécurité alimentaire, affirme-t-il. Des effets qui, dit-il, « auront des conséquences économiques ». À noter que lors de son intervention, le PPS n’a pas cessé de tarir d’éloges le Premier ministre, Pravind Jugnauth, ainsi que de revenir sur les actions prises pour protéger l’environnement.


Stéphanie Anquetil : « Davantage de participation féminine »

Lors de son intervention sur le Climate Change Bill, la députée de l’opposition Stéphanie Anquetil s’est longuement appesantie sur le fait que « la femme doit participer aux débats » sur le changement climatique. « Les femmes ne sont pas assez représentées dans ces débats », déplore-t-elle ainsi, avant de faire ressortir que les Mauriciennes « sont aux premières loges » dans le sillage des effets du changement climatique.

Lors de son intervention, la députée a tenu à démontrer que les hommes polluent plus que les femmes. « Une femme émet 20% de moins de dioxyde de carbone qu’un homme », affirme-t-elle ainsi. Stéphanie Anquetil souhaite de fait que des femmes soient prises en compte dans les débats, et plus particulièrement les professionnelles, « et non pas des nominées politiques ».

Si elle admet que « c’est une bonne chose » que Maurice ait signé l’Accord de Paris, la députée estime cependant « important » que la population dans son ensemble, « et surtout les étudiants et les Ong », soit informée du contenu de cet accord, et de quelle manière Maurice en tirera avantage. Mais la grande question que se pose la députée est : « Sommes-nous préparés à lutter contre les impacts négatifs du changement climatique ? »

Par ailleurs, elle a tenu à revenir sur le travail effectué sous l’ancien gouvernement de Navin Ramgoolam au sujet de l’environnement. Elle avance ainsi qu’en 2008, un projet « visionnaire » avait été lancé, soit le concept Maurice Île Durable. Pour elle, face au changement climatique, « il faut impérativement ouvrir les débats, car trop souvent, ils sont limités à des considérations d’ordre technique et économique ». Ainsi, si elle reconnaît que les questions de l’atténuation et de l’adaptation sont largement discutées, elle déplore dans le même temps qu’on « parle rarement de l’impact du changement climatique sur les différentes composantes de la population, qui restent encore sous-exploitées » dans les débats, « alors qu’elles ont une importance capitale ».

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