DÉBATS Sur L’avortement: La vérité appartient-elle aux éditoriaux ?

Il y a des débats. Des hommes et des femmes. Des passions. Et là, couchée sur papier, du dimanche au samedi : l’Opinion. Opinion : froment de la réflexion quotidienne ou hebdomadaire, pouls d’une pensée sociale, et même parfois, gouvernail du pouvoir. Caressant les extrêmes, elle se dit électrochoc ; lorsqu’on bascule trop à gauche, l’opinion bifurque à droite et lorsqu’on se complaît à droite, l’opinion crie : À gauche toute. Le but de ces manoeuvres : parvenir à un équilibre. L’opinion se mue au gré des courants divers. Elle se fait réceptacle de vérité. Elle se fait conduit d’un semblant de modération.
Vérité, opinion – le couple même de la rhétorique. Et sur l’autel de cette union, le compromis entretient le désir de conciliation entre la pensée particulière et la pensée universelle… « Universelle », que l’on pourrait dire dogmatique ou doctrinale.
Et le reporter dans tout cela ? Son devoir est de présenter les faits. L’éditorialiste ? Son devoir serait-il simplement de les commenter, de les mettre en perspective, voire de leur donner du relief ?
Au lire de certains éditoriaux parus récemment dans des colonnes mauriciennes, il serait aisé d’en dégager une petite définition. Elle serait peut-être celle-ci : un dérivé d’actualité valsant de la polémique au satirique, au lyrique, à l’édulcoré, au grandiloquent. Et des colonnes viennent à critiquer fortement (ou atténuer gentiment) les idées des uns et des autres, à même défier des traditions fondées sur des millénaires de philosophie. La vérité appartient-elle aux éditorialistes ?
Or, à la lecture d’autres éditoriaux parus dans la presse étrangère : l’Express de Barbier, Le Point d’Imbert, entre autres – on noterait de flagrantes différences avec ce qui se fait ici. Là-bas, dans bon nombre de cas, on sent le soin de la nuance, ce besoin, jusqu’au sein de la polémique, de ne guère sembler catégorique. L’exigence d’être consistant. On n’est pas là pour marquer, impressionner. On est là pour durer. Car les écrits restent.
Mais que restera-t-il de nos titres ? Le débat sur l’avortement apporte un éclairage sur la question. Il n’est pas nécessaire d’étayer de beaucoup d’exemples. Quelques opinions émises récemment témoignent d’un style dépouillé, trop dépouillé parfois, tant dans la forme que le fond.
Débattre de l’avortement n’est pas le but de cette réaction du simple lecteur que je suis. Il s’agit seulement de discuter le traitement du débat. Mon point est comme suit : il est totalement concevable que l’on soit pour l’avortement. À ne pas remettre en question la bonne volonté de ces meneurs d’opinion. Non. Mais pour inscrire quelque débat dans la marche du progrès, il importe d’opérer à un niveau de discernement respectueux de tout courant. Par exemple, il ne serait pas constructif d’ironiser sur les positions pro-life. Quand on est dans le vrai, l’on sait que le moyen – l’expression et la forme de sa vérité particulière – pèse autant que la fin recherchée. Alors, seule la bonne volonté n’est pas suffisante. Si forme et fond ne congruent pas, la vérité s’en retrouve polluée. Il en résulte un débat dégradé, qui va jusqu’au déshumanisant. Nothing will come out of nothing. Nul n’a le monopole de la vérité !  Puis, il est surtout question de maîtrise de l’opinion, ce qui impliquerait un benchmarking avec d’autres écrits. Au sujet de l’avortement, avant de se lancer à l’assaut de certaines idées dites traditionnelles, il faudrait d’abord apprécier la rigueur rédactionnelle et esthétique de certains encycliques de l’Église. La simple satire ne suffit plus. Pis, elle dessert le combat. Un emballage approprié aurait rendu justice à la maturité de la pensée éditoriale. Il ne suffit pas de gaver le lectorat mauricien de résumés polémico-comiques ; la meilleure réponse aux éditoriaux ayant abordé de manière biaisée le débat sur l’avortement serait : l’Evangelium Vitae – L’Evangile de la Vie (l’encyclique de Jean-Paul II).
Prudence donc. À dénoncer les sophistes, docteurs d’une pensée que l’on juge soi-même « passéiste », on risquerait de s’embourber dans de l’ironie gratuite. On sombrerait dans le réactionnaire injustifiable, malsain. On s’enliserait dans la « bassesse » que l’on veut soi-même éviter. Mais je ne poursuis pas. Je ne veux pas vous ennuyer avec ma vérité particulière.
Nous laissons le soin à l’Histoire de juger ces plumes qui, à l’encre indélébile, auront su défendre ou non les causes qu’elles croyaient justes ou pas.

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