Demain commence aujourd’hui

Oui, on pourrait gloser à longueur d’année sur tout ce qui ne va pas. Et là, c’est vrai qu’il y en aurait à dire et à redire. Parce que ce n’est pas demain que les mauvaises habitudes vont changer. Pandémie ou pas. Des policiers qui n’ont rien d’autre à faire que de distribuer du pain non-emballé, posé à même le caisson du 4×4, c’était dimanche dernier à Saint-Pierre. Dans la circonscription du Premier ministre et un dimanche en plus, jour où les commerces sont censés être fermés et les boulangeries interdites d’activités et de distribution. Les habitants d’autres circonscriptions, qui courent après leur pain quotidien, ont dû apprécier. La campagne de vaccination contre la grippe est en caravane nationale depuis le lundi 6 avril. Ce vaccin qui était boudé, méprisé même avant l’arrivée du coronavirus, enregistre, cette année, un regain d’intérêt mais, pour commencer, il s’est, entre les quelques agglomérations choisies, arrêté d’abord dans la circonscription du ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, à Rivière-des-Anguilles. Mais il y a pire, les Mauriciens ont découvert ou redécouvert le niveau de l’enseignement à Maurice. Grâce au Covid-19 et à la classe version MBC. Les cours étaient truffés de fautes. Et cela n’a fait que confi rmer ce que nombre d’entre nous savaient déjà. Les profs médiocres produisent de piètres élèves. Et on voit partout ce que cela donne, dans toutes les sphères de la vie, des bureaux aux radios, en passant par l’Assemblée nationale où, s’exprimer pour certains, semble un exercice insurmontable. La pandémie et le confi nement n’ont pas eu que du mauvais. Même si c’est une période angoissante. Il a aussi eu un bon côté, dans la mesure où la privation de certaines choses a poussé les Mauriciens à s’éloigner de l’attitude de parvenus qu’ils ont prise ces dernières années et, comme dans les autres sociétés de consommation à outrance, il fallait faire la tournée des complexes commerciaux pour avoir l’impression d’être tendance. Face au calvaire d’aller au supermarché, les queues interminables, le supplice des très vieux, qui ne peuvent pas toujours compter sur plus jeunes qui manquent de s’évanouir sous le soleil et qui n’ont aucune possibilité de se rafraîchir les accès aux toilettes étant fi ltrés, ils ont fi ni par revenir vers les petits commerces, la boutique et la tabagie. Fini, on veut bien le croire, le temps de tout voir en grand. Pour se dépanner, il n’y a pas mieux qu’une petite marche jusqu’à l’épicier du coin. Même si le choix reste limité. On ne retournera peut-être pas au carnet ration généralisé, mais on regardera peut-être d’une autre manière ce qui se fait à petite échelle et qui a fi nalement une grande utilité sociale. Il n’y a pas que les habitudes de consommation qui ont changé, il y a la consommation elle-même. Regardez comment la papaye, et le fruit à pain, tout ce qu’une certaine génération dédaignait parce que la littérature nouvelle vague en matière d’alimentation saine et diététique chantait les vertus de la myrtille, de la cerise et autres raretés qui suivent un circuit long avant de venir occuper nos rayons à prix d’or, est en train d’être réhabilité. Local is Beautiful. Les recettes de grand-mère font désormais un tabac. On a aussi découvert qu’en ces temps d’approvisionnement abrutissants et stressants, que c’était très contraignant que de soulever des litres de packs d’eau qu’il n’est pas plus mal de se faire bouillir de l’eau du robinet. Et qu’on n’en meurt pas. Et, du coup, moins de bouteilles en plastique à porter au points de tri, de récupération et de recyclage qui ne sont pas partout accessibles. Espérons que l’on ne retombera pas vite dans les mêmes travers lorsque le Covid-19 nous aura abandonnés. Et si, en termes de résolutions fermes à prendre après le Covid-19, on profi tait aussi pour féminiser le monde. Elles montrent déjà la voie en ces temps très dramatiques que nous vivons. Au hit-parade des pays qui gèrent le mieux la crise sanitaire, il y a ceux qui sont dirigés par les femmes. Angela Merkel, dont on regrettera le départ, prouve une nouvelle fois qu’elle a des capacités de leadership solides. Beaucoup de cas d’infectés par le coronavirus, mais bien moins de morts qu’ailleurs en Europe. Au contraire, son pays accueille les patients de la France voisine, saturée dans certaines régions frontalières. À l’autre bout du monde, une autre dirigeante aussi connue, Jacinda Ardern, 40 ans, la cheffe du gouvernement néo-zélandais, ne surprend personne par sa maîtrise de la situation. Elle en a l’habitude maintenant. Sophie Wilmès, 45 ans, Première ministre de la Belgique depuis octobre dernier, s’en tire aussi remarquablement bien après avoir constitué le 17 mars un gouvernement de crise pour gérer au mieux la pandémie. Tout comme Sanna Marin, Première ministre de la Finlande, 34 ans, et ses homologues de l’Islande, Katrin Jakobsdottir, 44 ans et Mette Frederiksen du Danemark, 42 ans. Qui ont réussi à contenir l’expansion de la pandémie. Lorsqu’elles ne sont pas irréprochables, humaines et effi caces, ce qui est indispensable en temps de grande inquiétude, les femmes savent souvent aussi ce qu’il leur reste à faire lorsqu’elles sont prises en faute. Comme en Écosse, le médecin en chef et porte-parole sur la pandémie, Dr Catherine Calderwood, a démissionné de son poste après deux visites à sa résidence secondaire et après une interpellation par la police pour infraction aux règles de confi nement. Ils sont nombreux à réfl échir sur le monde d’après. Il devra être plus vert, parce qu’on voit déjà ce que l’arrêt des activités humaines a eu de bénéfi que pour l’écosystème, plus juste, plus égalitaire et aussi plus féminin. Que demain commence aujourd’hui.

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