Des commissions… à crédit!

Le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, se présentait comme un Game Changer dans la lutte contre l’un des plus gros fléaux au sein de la société. Mais très vite après la publication du rapport Rotin Bazar, la Roadmap arrêtée par Lakwizinn du Prime Minister’s Office (PMO) a laissé de la place à un refroidissement des ardeurs dans le camp des plus optimistes. Et les raisons de manquent pas.
2018 a également vu une autre importante commission d’enquête, avec une portée sans commune mesure constitutionnelle, confiée au juge Asraf Caunhye avec pour assesseurs deux autres juges de la Cour Suprême, Nirmala Devat et Gaitree Jugessur-Manna. La troisième commission d’enquête sous la présidence de l’ancien juge, Bushan Domah, se retrouve en veilleuse en cette fin d’année avec la décision de l’ancien Chairman Emeritus du groupe BAI, Dawood Ajum Rawat, de verser dans le dossier à charge sa version des faits sur la vente des actions du groupe au sein de la société Britam du Kenya. 2019, année de campagne électorale par excellence, devra voir le dénouement de ces affaires, dont la genèse de certaines remonte aux premiers mois du mandat de Lalyans Lepep.

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En tout cas, « komisyon a kredi », semble être bien le terme pour qualifier la commission Lam Shang Leen. Fait exceptionnel: cinq mois après avoir soumis les Findings des travaux, qui ont démarré en 2015, le président de la commission d’enquête, ses deux assesseurs de même que les collaborateurs, notamment venant de la force policière, n’ont pas encore bénéficié du moindre sou quant à leurs honoraires. Officiellement, les réclamations soumises doivent être vérifiées au niveau du Secretary to Cabinet Office avant d’être avalisées et payées.

En attendant, « kabri manz salad », alors qu’en ce qui concerne la mise à exécution des recommandations du rapport, la principale mesure, à savoir le remplacement de l’Anti-Drug and Anti-Smuggling Unit (ADSU) par la National Drugs Investigation Commission (NDIC), le gouvernement a apposé une quasi-fin de non-recevoir.

Depuis le vendredi 27 juillet dernier, c’est presque du Business As Usual au QG de l’ADSU même si le même juge Paul Lam Shang Leen a été appelé à enquêter dans une autre sinistre affaire, avec la disparition de 16 kilos d’héroïne dans les 135 kilos saisis dans le port et attribués au clan de Navind Kistnah, qui se la coule douce depuis son arrestation au Mozambique en avril 2017. Aucun Breakthrough majeur noté dans les interrogatoires avec gants de velours de ce suspect bénéficiant d’un traitement de Star-Witness in Waiting.

D’autre part, deux embûches se dressent sur la voie empruntée par la commission Domah en vue de faire la lumière sur les affaires du groupe BAI. D’abord, il y a le nœud gordien de l’audition via visioconférence de Dawood Ajum Rawat à trancher. Une première tentative a échoué avec des excuses des plus diplomatiques. Mais au début de 2019, la commission devra résoudre cette équation.

Il y a encore la position devenant de plus en plus intenable de Sattar Hajee Abdoula sur le Bench de la commission pour des raisons flagrantes de conflit d’intérêts. L’ancien ministre des Services financiers, Roshi Bhadain, a jeté une première pierre dans ce jardin lors des échanges In Confidence avec l’ex-juge Domah. L’on prête également l’intention à l’ex-Chairman Emeritus de BAI d’enfoncer le clou de celui qui a bénéficié de plus de Rs 30 millions de fees pour une quinzaine de jours de services professionnels.

Du côté de la commission d’enquête sur Ameenah Gurib-Fakim, l’heure de vérité devra bientôt sonner alors que jusqu’ici se poursuit le déballage du « linge sale des dessous de la connexion Planet Earth Institute/State House ». Les attributions de la commission Caunhye sont tellement étendues qu’il faudra s’attendre à des « far-reaching findings », susceptible d’ébranler le château…

Même si le nombre de drogues saisies cette année est inférieur à 2017, année durant laquelle l’île Maurice avait connu la plus grosse saisie d’héroïne de son histoire, l’affaire Kistnah est toujours d’actualité. Un Fact-Finding Committee, présidé par l’ex-juge Lam Shang Leen, a été instauré pour enquêter sur la disparition de 16 kg d’héroïne. Cette année a également vu la publication du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue, qui a épinglé des trafiquants de drogue, des avocats et des policiers, entre autres. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a mis sur pied un comité interministériel pour étudier les conclusions. Entre-temps, une “Task Force”, comprenant des membres du CCID et de l’ICAC, a interrogé certains avocats mentionnés dans le rapport.

Du 1er janvier au 10 décembre dernier, la police, avec la collaboration de la Customs Anti-Narcotics Section (CANS), a découvert environ Rs 2,3 Mds de drogue alors que l’année dernière, la saisie globale était chiffrée à environ Rs 2,7 Mds. Du côté de l’Adsu, on affiche la satisfaction, selon un haut gradé, et ce « malgre bann kritik ek osi rapor Komision ladrog ki rekomann demantelman LADSU ». Et d’ajouter que le nombre d’arrestation cette année est en hausse, soit de 2 695 contre 2 260 l’année dernière, et 1 858 en 2016. (Voir un tableau de comparaison plus bas). Zoom sur les gros cas de drogue qui ont fait les gros titres cette année.

Rs 1,65 Mds d’héroïne interceptées au large du Coin de Mire

C’est la plus grosse saisie de drogue de cette année et l’Adsu peut s’estimer chanceuse d’avoir pu intercepter  fin octobre un hors-bord avec 110 kg d’héroïne au large du Coin de Mire. Oomar Karrimbaccus (51 ans) alias Tirania, Fabrice Hemsley Jean-Pierre (33 ans) et Jean Michel Rosette (33 ans) ont été pincés avec cinq sacs en raphia contenant de la drogue et qu’ils ont récupérés en haute mer.

Ils ont reçu l’aide des skippers Jean François Camoin et Darmendra Rawjee, qui, eux, ont regagné Maurice plus tôt sur une autre embarcation. Alors que Tirania et sa bande devaient regagner la côte ouest, leur hors-bord a subi une avarie de moteur. Ils ont dérivé jusqu’au nord de l’île, où une équipe de la National Coast Guard les a interpellés pour un contrôle de routine. Les policiers étaient intrigués par leur comportement car ils ont refusé toute aide malgré les problèmes de moteur.

Ce qui a fini par attirer l’Adsu sur leur piste. Tirania a insisté sur le fait que les sacs contenaient du café et refusait toujours de dévoiler les commanditaires et ceux derrière le financement de cette cargaison de drogue. Quelques jours plus tard, certains de ses proches, dont Bibi Rehana Peerkhan (61 ans), Bibi Rashida Karrimbaccus-Peerkhan (52 ans) et Umayr Karrimbaccus (22 ans), sont arrêtés après la découverte de Rs 550 100 enterrées dans leur jardin à Camp-de-Masque-Pavé. À noter que le pêcheur Jean Vivian Hipolite (42 ans) est soupçonné d’avoir aidé Tirania en leur fournissant des matériaux et des téléphones portables pour leur sortie en mer.

Fact Finding Committee sur la disparition de 16 kg d’héroïne de Kistnah

L’information révélée en primeur sur le Mauricien avait été confirmée par sir Anerood Jugnauth au Parlement, qui a institué un Fact Finding Committee présidé par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen pour faire la lumière sur la disparition de 16 kg d’héroïne de la cargaison de 135 kg de Navind Kistnah. « Je ne suis personnellement pas satisfait de la réponse du commissaire de police », avait déclaré le ministre mentor en juillet à une question du député Ameer Meea.

Des hauts responsables de l’Adsu ont été entendus sur l’opération du 9 mars 2017 au port, dont le patron de cette unité, le DCP Choolun Bhojoo. Les policiers, ayant déposé devant le président, ont avancé que la drogue avait été pesée avec son emballage alors qu’au Forensic Science Laboratory (FSL), tel n’a pas été le cas. « D’épaisses couches de plastique couvraient la drogue pour qu’elle ne soit pas détectée au rayon X », nous a confiés un haut gradé qui a déposé devant le Fact Finding Committee. Et d’ajouter que le pesage avait été effectué avec une balance à ressort qui n’était « pas stable », au lieu d’un appareil électronique. Néanmoins, les conclusions de l’ex-juge Lam Shang Leen sont attendues pour lever le voile sur ce mystère.

Des policiers épinglés dans le rapport Lam Shang Leen

Le rapport de la commission d’enquête sur la drogue a été rendu public cette année avec le juge Paul Lam Shang Leen et ses assesseurs Sam Lauthan et Ravind Domah, qui ont épinglé des policiers soupçonnés d’être proches des trafiquants de drogue. Les policiers ciblés dans le rapport Lam Shang Leen sont le chef inspecteur Balmick Mohess, l’inspecteur Assad Rujub, le sergent Trendy Thondee, et les constables Rehaz Oojageer, Jean Noel Mestry, Hoomar Arshad Dahal, Gary Joumont et Shabeer Golamgouse. « The explanation given by them did not persuade the Commission and it is recommended to have a further enquiry into the cases of the officers above », a indiqué le rapport Lam Shang Leen. Entre-temps, l’équipe de la “Task Force”, comprenant des membres du CCID et de  l’ICAC, a déjà entamé des enquêtes sur ces policiers, se basant sur les recommandations du rapport. Mais, ce n’est que l’année prochaine que les principaux concernés devront se rendre aux Casernes centrales pour des explications, les enquêteurs s’étant surtout concentrés sur des avocats dont les noms sont mentionnés dans le rapport.

Kusraj Lutchigadoo quitte sa cellule avec la complicité policière

C’est l’un des plus gros scandales ayant ébranlé la force policière cette année. Kusraj Lutchigadoo, 33 ans, habitant Palma et recherché dans une affaire d’importation de drogue, a été appréhendé en mars dans un laboratoire clandestin, à Triolet, avec des ingrédients que la police soupçonne qu’il comptait utiliser pour la fabrication de la drogue synthétique. Il y avait 12 boîtes de thé, de l’acétone, du benzine et une somme de Rs 301 380. Après son arrestation, il a été incarcéré dans une cellule au Vacoas Detention Centre. Dans la soirée du 23 avril et avec la complicité de certains policiers, il quitte sa cellule « pour aller prendre l’air ».

C’est en mettant à jour l’enregistrement des caméras de surveillance de l’établissement qu’un policier est tombé sur une bande compromettante montrant le détenu, se cachant le visage et accompagné du caporal Narain, prendre place dans un 4×4 blanc qui l’attendait à l’extérieur. Le CCID soupçonne que, lors de son escapade, Kusraj Lutchigadoo est allé fabriquer un alibi pour l’exonérer dans l’affaire de drogue. Après enquête, l’équipe de l’ACP Reekoye a établi que le cerveau derrière cette escapade est Ashish Dayal, lui aussi détenu au VDC pour une affaire de drogue. Plusieurs arrestations ont eu lieu dans cette affaire, dont le frère de Kusraj, Rajoo Lutchigadoo, soupçonné d’être le chauffeur du 4×4, Oufran Amodh, qui l’avait accompagné jusqu’au VDC, Jean Clarel Anthoo, qui avait pris place dans la cellule du détenu lors de son absence, et les policiers Narain, Goomany et Auguste, qui auraient facilité l’escapade du prisonnier.

Onze mules arrêtées avec des boulettes de drogue à l’aéroport

Onze mules ont été interceptées à l’aéroport international SSR cette année avec des boulettes de drogue dissimulées dans leur estomac. Même si cette astuce est une vieille méthode utilisée par des trafiquants, elle est en tout cas encore très prisée par certains. Selon nos renseignements, c’est sur la base des soupçons, du comportement et du flair des éléments de la CANS de la MRA que les suspects ont pu être arrêtés et remis à la police.

C’est après un interrogatoire serré que les mules ont avoué avoir avalé des boulettes de drogue. Selon une source à l’Adsu, l’aéroport n’est pas doté d’équipements qui offrent l’imagerie en 3D et qui peuvent détecter des boulettes de drogue dans le corps humain. « Nous devons compter que sur l’exercice d’interrogatoire pour le moment », a-t-il dit. D’ailleurs, le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, avait annoncé à l’Assemble Nationale en octobre que le gouvernement compte aller de l’avant avec l’achat d’un “Body scanner” pour identifier les mules grâce à un système de détection de radiation.

Des Mauriciens pincés à Madagascar avec Rs 557 M de drogue

C’est une saisie record de stupéfiants effectuée dans l’océan Indien en termes de quantité, soit 146 kg de drogue estimés à Rs 557,4 M. Depuis l’année dernière, la MRA surveillaient Marc David Plaiche, 22 ans, résidant Roche-Bois, Mardochee Jeremy Leratz, 44 ans, de Baie-du-Tombeau, et Jules Roddy Avoula, 38 ans, habitant Sainte-Croix, et ce en raison de leur proximité avec l’entourage d’un réseau de drogue à Maurice. Les officiers ont épluché leurs différents voyages surtout sur l’axe Maurice/Madagascar/La Réunion et les gros versements sur leurs comptes bancaires, entre autres.

La douane mauricienne avait sollicité l’aide de leurs confrères de Madagascar et de La Réunion pour des “intelligence gathering” dès que le trio a foulé le sol malgache. En juin, la douane de la Grande île a confirmé qu’une transaction de drogue allait se dérouler sur leur territoire et le trio avait fait l’objet d’une opération de filature. Sept Malgaches et les trois Mauriciens, qui se trouvaient à bord d’un taxi-brousse à Manjakandriana ont été interceptés. Ils avaient quitté Tana et devaient gagner Nosy Be pour embarquer la drogue sur un bateau. À l’intérieur du véhicule, les officiers malgaches ont saisi 80,2 kg de cannabis (Rs 48,1M), 35,5kg de haschich (Rs 88,8M), 25,5kg d’héroïne (Rs 382,7M) et 4,8kg de cristal meth (Rs 38,4M).

Le chef de la sécurité d’un hôtel intercepté avec Rs 60 M de cocaïne

C’est la plus grosse prise de cocaïne de cette année et c’est grâce à un renseignement que l’Adsu du Port est parvenue à mettre la main sur cette cargaison, qui a échappé à la vigilance des autorités portuaires à l’aéroport. En juin, des policiers ont débarqué dans un hôtel à Balaclava, où ils ont intercepté le responsable de sécurité, Yamlikah Bin Ibrahim, 61 ans. Ce dernier a passé plusieurs années en France et son nom a même été évoqué après l’arrestation du steward français Christophe Caterino, avec 51 877 comprimés de Subutex en 2007. Le sexagénaire avait caché trois sachets contenant de la cocaïne, pesant 3kg, dans sa voiture. La valeur de la drogue est estimée à Rs 60M. Depuis son arrestation, Yamlikah Bin Ibrahim n’a rien voulu dévoiler sur le réseau pour lequel il travaille.

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