Dev Sunassy, co-leader de LPM : « Une bataille à trois pour les prochaines élections générales »

Dans l’interview qui suit, Dev Sunassy, co-leader de Linion Pep Morisien (LPM), passe en revue la situation politique et arrive à la conclusion qu’il « faut une bataille à trois pour les prochaines élections générales. » Il se dit ainsi convaincu que les 50% de la population qui, selon un sondage, ne veulent pas entendre parler ni de Pravind, ni de Navin, pourront alors faire leur choix. Il soutient que LPM se présente comme une alternative aux blocs politiques traditionnels qui sont au pouvoir et dans l’opposition.

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« Nous nous retrouvons dans une configuration avec, d’un côté, le MSM et ses alliés, de l’autre le Ptr et ses alliés, et le LPM et ses alliés. Beaucoup de personnes disent qu’elles ne peuvent pas voter encore pour Pravind Jugnauth. Donc, de quels choix disposent-elles ? À première vue, le choix est Ramgoolam et ses alliés. Or, beaucoup disent qu’on ne peut pas remettre Navin Ramgoolam au pouvoir. Cette catégorie a donc un autre choix : soit le MSM, soit le LPM. Nous pensons par conséquent que nous ne faisons pas le jeu du régime, mais celui de la population », affirme-t-il.

Voilà un peu plus d’un an que le LPM a vu le jour. Pouvez-vous faire un premier bilan de vos activités ?

Le LPM a été enregistré le 21 mars 2022 et, depuis sa création, il était important de présenter un programme et une vision de la société, mais aussi de la Constitution. Nous avons présenté un budget alternatif l’année dernière, qui reflète notre vision économique. Il était basé sur un programme économique à long terme.
Nous avons aussi présenté un projet de Freedom of Information Act, qui est la base d’une société moderne et démocratique. Nous avons aussi publié un document concernant la réforme constitutionnelle. A ma connaissance, aucun parti n’est venu avec un document aussi complet. Il propose une refonte de la police, du judiciaire, du fonctionnement du Parlement et de l’exécutif.

Nous avons tenu une série de manifestations. Nous avions fait une série de recommandations au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, l’année dernière. Nous avons organisé un colloque sous le thème Pou ki li pa rekokin eleksion. Des propositions ont été formulées concernant l’organisation des élections, dont l’abolition de la Computer Room et le décompte des voix le même jour que le scrutin. Ce travail a été fait conjointement avec le Rassemblement Mauricien et Nando Bodha, avec qui nous avions commencé à collaborer en novembre de l’année dernière.

En janvier de cette année, nous avons eu une première rencontre avec le commissaire électoral, Irfan Abdool Rahman, durant laquelle nous avons fait une série de recommandations et attiré son attention sur les risques éventuels qui se présentent au niveau de la sécurité du réseau contre les logiciels malveillants. Nous l’avons rencontré à nouveau en mars de cette année pour affiner les propositions.
Nous avons continué notre collaboration avec le Rassemblement Mauricien et avons beaucoup d’activités ensemble depuis le début de l’année, dont la deuxième marche contre la mafia.

Notre travail concernait aussi bien les activités académiques que des activités sur le terrain. Les manifestations ont permis à ceux qui ont peur de s’exprimer de le faire. Nous nous préparons actuellement aux élections à venir. Le LPM et le RM se présentent comme une alternative aux deux blocs habituels, c’est-à-dire le gouvernement et  l’opposition traditionnelle. Nous continuons notre travail.

L’absence des municipales ne vous prive-t-elle pas de la possibilité de mesurer votre popularité dans l’électorat urbain ?

Les élections municipales auraient été pour nous une opportunité de participer à des élections pour la première fois. Il est dommage que ces élections n’aient pu avoir lieu. Enn kapon res enn kapon. Notre équipe légale a logé une contestation en Cour suprême à travers Rama Valayden, Raouf Khodabaccus, Barbier et les autres. Ils seront défendus par l’équipe juridique composée, entre autres, de Mes Antoine Domingue, Senior Counsel, José Moirt, Kailesh Trilochun et Rama Valayden.

Plusieurs contestations ont été logées de part et d’autre de l’opposition. Est-ce qu’il n’y a pas une trop grande dispersion ?

Il est vrai que différentes motions ont été déposées. Chacun a adopté un angle différent. Il reviendra à la Cour de décider quelles sont les motions qui seront retenues. Les partis de l’opposition se sont rencontrés par le biais de leurs conseils légaux.

Tout le monde est d’accord sur le fait que le Premier ministre nous a menés en bateau et raconte des histoires concernant la réforme. Nous n’y croyons pas du tout. En parlant de réforme, on aurait dû commencer par harmoniser les découpages des circonscriptions avec les régions municipales. Nous ne comprenons pas pourquoi certaines agglomérations sont dans les circonscriptions urbaines durant les élections générales et dans les régions rurales, pour les élections villageoises. Je pense entre autres à Albion et Notre-Dame. Il nous faudrait à notre avis avoir des circonscriptions à l’intérieur des neuf districts.

Le LPM a multiplié les manifestations depuis sa création et se présente comme un parti hyperactif sur le terrain. Pouvez-vous mesurer les résultats de ces manifestations ?
L’année dernière, nous avions organisé plus de manifestations. Au début de l’année, nous avons fait une manifestation avec une centaine de personnes. En mars, nous avions organisé la première marche contre la mafia, et avions réuni une centaine de personnes. Pour notre deuxième manifestation contre la mafia, au début du mois, nous avons obtenu 700 personnes. Ce qui est, à notre avis, positif. Je pense que nous avons réussi à permettre aux citoyens mauriciens de surmonter la peur, tout en sachant qu’avec ce qui se passe avec la PHQ-SST, qui n’existait pas auparavant, cela peut effrayer davantage les gens.

Nous sommes aussi conscients que les manifestations dénonciations sont tout à fait légitimes dans un pays démocratique. Nous sommes témoins des difficultés rencontrées par les parlementaires pour obtenir des réponses, et donc le peuple doit pouvoir trouver un moyen parallèle pour faire entendre sa voix, alors que le Parlement constitue une démocratie représentative. Quelqu’un, quelque part, doit avoir le courage d’organiser ces manifestations pour représenter la voix populaire. C’est ce que nous faisons.

Le LPM a beaucoup évolué depuis sa création.
Le LPM est composé actuellement de 100% Citoyen, de GREA, du MP et du MTM, qui sont devenus le LPM. Nous travaillons en coopération avec le Rassemblement Mauricien. Ce sont deux entités séparées qui travaillent ensemble. Le moment viendra où nous devrons franchir le pas. C’est important pour la durée. Il est important que les hommes et les femmes, venus d’horizons différents, se rencontrent et se connaissent avant de s’unir. Cela fait six mois que le LPM et le RM collaborent. Nous avons fait deux congrès ensemble. Les prochains sont prévus à Curepipe le 7 juillet et à Saint-Pierre le 14 juillet. Il n’y a pas d’élection pour le moment. Nous continuons nos congrès dans les villes et les villages. Toutes ces activités nous permettent de mieux nous connaître et à nous, membres, de travailler en complicité, en synergie, en collaboration, et pas comme des compétiteurs, comme on le voit parfois dans les fausses alliances.

Vous êtes le seul parti à opérer avec un leadership collégial. Ce système marche-t-il bien ?
100% opérait sur une base collégiale. Aujourd’hui, dans ce qu’on appelle le collegium, il y a Dev Sunnasy, Rama Valayden, José Moirt, Vasant Bunwaree, Raouf Khodabaccus et Jean-Claude Barbier. J’adore la façon dont nous fonctionnons parce qu’il n’y a pas un misie konn tou qui vient dire ce qu’il faut faire. Il est arrivé qu’un dirigeant arrive avec une proposition en voulant bien faire, mais les autres dirigeants l’ont améliorée. Nous sommes six personnes différentes voyant les choses dans des perspectives tout à fait différentes. Ce qui fait que le résultat final est toujours mieux que la proposition initiale. De plus, n’importe lequel d’entre nous peut être absent sans que le travail ne soit affecté. Le leadership collégial est un avantage.

L’annulation de la charge provisoire portée contre vous par la police après une manifestation devant les Casernes centrales peut être considérée comme une victoire du LPM…
Bien sûr que c’est une victoire. C’est une affaire unique. Cela a été un signal envoyé aux forces policières pour leur dire qu’il ne faut pas utiliser les charges provisoires de manière abusive. De plus, la police doit revoir sa manière de fonctionner. Nous avons réussi à le faire parce que nous avons une équipe courageuse. Sans courage et sans peur, on n’aurait pas pu affronter la police. Nous ne pouvons peut pas permettre à la police de dire ce qu’il faut. Il faut également avoir une maîtrise de la loi et ne pas dépasser les limites. Nous disposons également d’une équipe légale compétente et les discussions entre nous nous permettent de nous enrichir.

En vous positionnant comme une alternative aussi bien du gouvernement que de l’opposition, vous considérez-vous comme une 3e force ?
Quels sont les choix dont vous disposez ? Soit Pravind, soit Navin. Nous, nous disons ni Pravind, ni  Navin. Notre équipe est suffisamment costaude et nous disposons de suffisamment de compétence pour agir comme une troisième force politique. Nous sommes prêts à affronter n’importe qui dans le cadre d’un débat.

Quel est l’adversaire principal du LPM ?
Lors des élections législatives, une personne présente sa candidature pour un poste de député dans une circonscription. Son adversaire sera un député sortant ou un candidat d’un autre parti. Par exemple, au No 18, nos adversaires seront Boolell, Ramano, Diole,  etc., au No 19 ce sera Bérenger, Collendavelloo, Daureeawoo, Nagalingum…

Donc, votre adversaire n’est pas le régime en place ?
Nous luttons contre un régime décadent et un dictateur, frustrant la population. Nous sommes conscients que le gouvernement dispose de moyens dont nous ne disposons pas.

Ne faites-vous pas le jeu du régime en optant pour une lutte à trois ?
Que veut la population ? Notre slogan est : “Avec le peuple pour le peuple”. D’après un sondage publié l’année dernière, 50% des électeurs ne se retrouvent dans aucun parti. Donc, nous présentons à ces 50% cette alternative. Nous nous retrouvons dans une configuration avec le MSM et ses alliés, le Ptr et ses alliés, et le LPM et ses alliés. Beaucoup de personnes disent qu’elles ne peuvent pas voter à nouveau pour Pravind Jugnauth. Donc, de quels choix disposent-elles ? À première vue, le choix est Ramgoolam et ses alliés. Or, beaucoup disent qu’on ne peut pas remettre Navin Ramgoolam au pouvoir. Cette catégorie a donc un autre choix : soit le MSM, soit le LPM. Nous pensons par conséquent que nous ne faisons pas le jeu du régime, mais celui de la population.

Dans le système électoral actuel, un parti peut avoir 35% et diriger le gouvernement.
Le LPM considère qu’il peut réunir 35% des suffrages. Nous travaillons avec acharnement dans les 20 circonscriptions. Une bonne liste de candidats a déjà été arrêtée. Les candidats désignés travaillent déjà sur le terrain afin de mieux se faire connaître. Au No 18, nous avons Kavy Ramano, qui fait partie d’une équipe pourrie. L’électorat ne peut pas continuer à voter pour lui. Il y a ensuite Boolell et Duval. Tous les deux siègent au Parlement depuis 36 ans et un autre 47 ans.
Au LPM, nous nous sommes donnés dix ans au Parlement. Nous ne sommes pas intéressés à faire carrière en politique. Lorsqu’on parle de changement de système, il faut commencer par soi-même. Les anciens, comme Bodha, Bunwaree, Valayden ou Barbier, ont décidé de servir pour un mandat de transition. Ils feront la transition avant de laisser la place à d’autres. Nous pensons qu’avec les 50% qui, selon Afrobarometer, ne veulent ni de Pravind, ni de Navin, nous avons toutes les chances de prendre le pouvoir.

L’opposition parlementaire préconise une unité des partis de l’opposition. Est-ce que cette unité est impossible ?
Je ne suis pas au courant de cette posture de l’opposition au Parlement.

Pourtant, à plusieurs reprises les leaders de l’opposition l’ont affirmé ?
Ils ont fait une déclaration, comme ils ont l’habitude d’en faire. Mais comment le réaliser dans les faits ? En 2021, j’avais proposé la constitution d’un gouvernement de transition pour un mandat avec les meilleurs candidats de tous les partis de l’opposition, « sans papa, piti, nièce, etc. ». Je ne crois pas que cela puisse se faire.
De notre côté, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il faut une bataille à trois pour les prochaines élections générales. C’est important pour donner le choix à la population.

Donc, un accord avec les partis parlementaires n’est pas envisageable ?
C’est difficilement envisageable parce que nous fonctionnons sur la base d’un programme. Lorsqu’on dit qu’il faut un modèle Full Time Parliament, une refonte de la démocratie, de la lutte contre la corruption, du fonctionnement du service public… tout cela est basé sur un programme.
Or, je n’entends aucun réel programme de changement au niveau de l’opposition parlementaire Nous avons entendu le titre : Rupture. Nous n’avons entendu rien de plus.  Pour le moment, nous nous engageons dans une bataille à trois.

Vous ne parlez pas du Reform Party, qui ne fait partie d’aucun groupe de l’opposition.
Nous nius sommes rencontrés en quelques occasions. Nus avons décidé de donner le temps au temps. Chacun fait son travail sur le terrain. Nous sommes convaincus que le moment venu, nous serons rassemblés.

Comment avez-vous accueilli les mesures budgétaires ?
Le budget est comme un manifeste électoral avec des mesures pour tous les secteurs et tous les groupes. Il y a des mesures pour « ti baba ki pa ankor ne ou ki pou ne, ceux qui ont 18 ans, ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite ». Toutefois, aucune mention n’est faite sur la façon de faire progresser le pays et sur l’avenir des jeunes.
Tout ce que le ministre des Finances dit, c’est que vous serez taxé encore plus, en indiquant qu’il s’attend à une augmentation des recettes fiscales. Cela veut dire que ou lavi pou vinn plis margoz, que la roupie continuera à se déprécier. Il n’y a pas de création de nouveaux secteurs.
Contrairement au gouvernement de sir Anerood Jugnauth, qui avait produit une Vision 2030, l’actuel gouvernement n’en propose aucune. Malgré tout, on constate que le gouvernement accumule les milliards de roupies et ses réserves à partir de l’argent des contribuables. Le gouvernement crée un trésor de guerre qui sera utilisé pour les prochaines élections. Cependant, si vous écoutez bien la population, vous entendrez dans tous les milieux : Nous ne nous laisserons bas embêter !

Quel modèle de société préconisez-vous ?
Nous préconisons une dose de State Capitalism, où l’État prend le risque d’investir. C’est comme cela que la Chine a grandi. C’est l’économie la plus dynamique aujourd’hui. C’est également le cas pour Singapour où, pour prendre un exemple, la plus importante compagnie engagée dans l’export est la Singapore Corporation Enterprise. Elle entraîne le secteur privé dans son sillage. Il faut faire beaucoup d’effort pour produire. A Maurice, nous avons un capitalisme libéral où l’actionnaire fait la loi. En fin de compte, ce qu’il nous faut, c’est un capitalisme à visage humain, et dans lequel le ministère le plus important sera celui du développement économique.

Quelles sont les activités prévues pour les prochains mois ?
Nous travaillons sur une liste de congrès. En juillet, comme je l’ai annoncé, il y en aura deux. Une liste a été élaborée pour les prochains mois avec, pour objectif, de maintenir le contact avec la population en permanence. Nous envisageons d’organiser un congrès au moins toutes les trois semaines dans différentes régions. Nous comptons aussi sur les médias pour transmettre nos informations de manière équitable, parce que nous pensons que nous avons une Dream Team in the Making. Nous n’avons aucun doute sur l’intégrité de nos membres. Le système doit changer, et il y a beaucoup de choses à changer.

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