Développement pharmaceutique : Ces neuf leviers de croissance pour booster l’industrie

Dr Claire Blazy-Jauzac*,

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Group CEO du Centre International de Développement Pharmaceutique (CIDP)

 

Le Grand Argentier l’annonçait dans son dernier budget : d’importantes mesures seront prises pour développer un secteur pharmaceutique et biotechnologique solide et durable. En qualité de prestataire de services dans le domaine pharmaceutique et cosmétique, le Centre International de Développement Pharmaceutique (CIDP) assume une responsabilité essentielle dans la promotion à l’international de ce segment de l’économie mauricienne.

En se consacrant à la conduite de travaux de recherches cliniques et précliniques pour le compte de laboratoires internationaux, le CIDP s’engage profondément à placer notre île sur la scène mondiale, renforçant ainsi nos partenariats commerciaux et les échanges d’expertise avec d’autres acteurs du domaine à travers le monde. Pour maintenir notre compétitivité et garantir un service de qualité supérieure, il est essentiel que nous nous efforcions constamment de surpasser nos concurrents, notamment à Singapour et en Afrique du Sud.

C’est dans cette optique, et à la suite d’échanges constructifs avec Business Mauritius, l’organisme de coordination et de soutien à la communauté des affaires à Maurice, que le CIDP est venu de l’avant avec neuf leviers pour optimiser la croissance dans ce secteur.

  1. La mise en place d’un cadre législatif reconnu à l’international, avec des organismes gouvernementaux de contrôle et d’accréditation compétents et formés.

La mise en place du cadre légal à Maurice en 2011 a permis de positionner le pays sur la carte mondiale de la recherche. Mais aujourd’hui, nous devons aller plus loin et proposer un environnement propice et attractif à l’industrie pharmaceutique en termes d’infrastructures hospitalières, de législation et bien sûr de compétences.

Le respect des délais est crucial, notamment pour l’obtention des autorisations nécessaires à nos études. Toutes les études cliniques nécessitent une revue scientifique et éthique dans chaque pays où sera conduite la recherche. Le laboratoire pharmaceutique va d’abord sélectionner le pays sur différents critères comme l’environnement règlementaire, le délai lors de la soumission pour l’obtention des autorisations… puis il sélectionne la CRO (Contract Research Organization) comme CIDP qui l’aidera à mettre en place l’étude (sélection des médecins, les cliniques ou hôpitaux, etc.) et fera le suivi afin de garantir la robustesse et la qualité des résultats de l’étude. Le non-respect de ces délais a, malheureusement, entraîné la perte de plusieurs projets au sein du CIDP, impactant la réputation de notre entreprise et de notre île. D’autres pays, à l’instar de Singapour, comprennent l’importance d’attirer la recherche en offrant un environnement propice au développement de l’industrie pharmaceutique, en mettant en place des réglementations efficaces, des incitations fiscales, des infrastructures hospitalières de qualité et en garantissant le respect des délais. Il est également primordial de garantir la confidentialité des données des volontaires et des patients recrutés. Les centres de recherche comme le nôtre doivent faire l’objet d’audit régulier de la part des autorités mauriciennes en vue de se conformer aux normes internationales et aux normes de qualité des clients de plus en plus exigeants. Ces audits réguliers amélioreront continuellement nos pratiques et garantiront la qualité de nos services. Les inspections règlementaires et les audits des autorités compétentes permettront de garantir la qualité de l’écosystème car malheureusement une seule brebis galeuse ferait perdre la confiance de l’industrie dans tout ce secteur encore très jeune à Maurice.

  1. L’obtention de la reconnaissance OCDE dans les domaines de la recherche et de la santé.

Il serait important pour Maurice d’adhérer à l’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, institution internationale qui a pour mission de favoriser l’amélioration du bien-être économique et social à travers le monde. Fondée en 1961 et établie à Paris, en France, elle regroupe actuellement 38 pays membres, principalement des économies avancées. Rejoindre l’OCDE offre aux pays membres une plateforme pour participer à des discussions internationales importantes, accéder à des ressources et à une expertise précieuses, et renforcer leur crédibilité et leur collaboration internationales. En l’absence de cette adhésion, notre laboratoire préclinique in vitro ne peut pas être certifié Bonnes Pratiques de Laboratoires (BPL) certification qui est donnée par une autorité compétente comme le ministère de la Santé. Les tests in vitro sont donc réalisés dans des laboratoires concurrents en Europe, aux US ou bien à Singapour.

  1. 3. L’élaboration d’un cadre réglementaire clair et favorable pour favoriser les partenariats privé-public dans le secteur ou notre fameux PPP qui a fait le succès de notre île.

Maurice a une longue et riche histoire de succès qui trouvent ses origines dans les partenariats entre le secteur public et privé. Nous pouvons notamment citer celui entre l’État et le Groupe IBL pour le parrainage de deux Covid-19 Testing Centres, à savoir ceux se trouvant à l’hôpital SSRN et à l’hôpital Dr. A. G. Jeetoo, pendant la crise sanitaire en 2020. Au même titre, nous proposons la mise en place de politiques et de lois qui encouragent ces partenariats dans le domaine de la recherche médicale. Cela pourrait inclure des incitations fiscales pour les entreprises privées qui souhaitent investir dans ce secteur, ainsi que des mesures visant à simplifier les procédures d’approbation et de réglementation pour les projets de recherche. Investir dans le développement et la modernisation des infrastructures de recherche médicale, y compris les laboratoires, les centres de recherche. Cela pourrait encourager les entreprises privées à s’associer avec les institutions publiques pour mener à bien des projets de recherche collaboratifs, et ainsi créer un écosystème favorable à l’émergence de l’industrie de la recherche. Le CIDP conduit plusieurs projets sur le diabète ou les troubles pigmentaires (pathologies très fréquentes à Maurice) en collaboration avec des spécialistes mauriciens et des leaders d’opinion de ses pathologies en Europe et aux États-Unis.

  1. Le développement de cours et de formation pour attirer et retenir les talents.

Maurice souffre actuellement d’une pénurie de ressources, en particulier en ce qui concerne l’accès aux spécialistes (Médecins, Attachés de Recherche Clinique, Chercheurs etc.) dans le domaine de la recherche. Nous sommes notamment confrontés à un manque de dermatologues dans le pays. L’éducation et la formation restent la solution pour pallier ce problème. Nous devons mettre en place un éventail élargi de formations dans les domaines de la recherche et de la santé. Cela inclut des programmes de recherche clinique pour former des Attachés de Recherche Clinique, en encore la mise en place de Masters en pharmacovigilance, en pharmacologie, ainsi qu’en production et contrôles pharmaceutiques. Il est crucial de développer les meilleures formations à Maurice, en collaboration avec de grandes universités internationales et locales. Ces formations pourraient être soutenues et subventionnées par l’État. Encore une fois, nous offrons notre aide au gouvernement car nous collaborons déjà avec plusieurs de ces institutions.

  1. L’accroissement de l’attractivité territoriale pour encourager le retour de la diaspora.

Comme discuté, devenir un pôle d’excellence dans les domaines de la recherche et de la biotechnologie passe inéluctablement par la nécessité d’attirer les compétences et les talents sur notre territoire. Malgré l’exode des cerveaux vers des destinations comme l’Angleterre, le Canada et l’Australie, des initiatives telles que le Mauritius Diaspora Scheme ont été lancées pour encourager le retour des Mauriciens expatriés et stimuler le développement économique du pays.

Il faudrait aussi favoriser l’attractivité de Maurice pour les compétences hautement qualifiées, attirer des leaders d’opinion dans des secteurs identifiés clés pour Maurice et faciliter leur installation, les démarches administratives.

S’inspirant de modèles tels que le programme Horizon Europe de l’Union européenne et les centres d’excellence établis par la Qatar Foundation, Maurice pourrait développer des initiatives similaires pour attirer des chercheurs internationaux et établir des partenariats stratégiques avec des institutions renommées, renforçant ainsi son statut en tant que centre d’innovation et de recherche de premier plan.

  1. L’organisation de congrès scientifiques.

Pour organiser des congrès scientifiques à Maurice, plusieurs étapes clés et acteurs impliqués doivent être pris en considération. Bien que la Higher Education Commission (HEC) puisse jouer un rôle important dans la facilitation et le soutien de tels événements, l’organisation réussie d’un congrès scientifique nécessite également une étroite collaboration entre différentes institutions, notamment les universités, le secteur privé et, potentiellement, des partenaires internationaux. Ces événements peuvent être un moyen efficace pour le pays de renforcer sa position dans le domaine de la recherche et de l’innovation, d’attirer des talents et des investissements, et de contribuer au développement économique et social à long terme.

  1. L’établissement de partenariats de recherche avec des institutions et des universités reconnues.

Établir des programmes de doctorat conjoints avec des institutions internationales reconnues peut offrir aux doctorants mauriciens des opportunités uniques de recherche sous la supervision conjointe de chercheurs mauriciens et internationaux. En sus de favoriser le partage des connaissances, des ressources et des meilleures pratiques, cela aidera à renforcer les compétences nécessaires pour mener des essais cliniques de haute qualité. L’État pourrait aussi élaborer des politiques et des réglementations qui encouragent l’investissement dans la recherche clinique.

  1. La création de CHU visant à encourager la recherche publique
    d’excellence.

Si la construction du premier hôpital universitaire de Maurice avance à grands pas dans l’est de Maurice, il reste à savoir si ce modèle combinera des activités de soins de santé, d’enseignement médical et de recherche. Comme c’est le cas à l’étranger, celui-ci, communément appelé CHU (Centre hospitalier universitaire), est associé à une université ou à une école de médecine. Il s’agit souvent d’un établissement de santé de haut niveau qui offre des services médicaux spécialisés, des traitements avancés et qui participe à la formation des futurs professionnels de la santé, tels que les médecins, les infirmiers et les chercheurs.

Cet hôpital universitaire devra former du personnel hautement qualifié (médecins, infirmiers, chercheurs) et mettre à leur disposition les derniers traitements disponibles sur le marché avec possibilité de proposer aux patients des traitements innovants souvent disponibles au sein des projets d’études cliniques.

Maurice devrait investir davantage dans ce modèle. Car, avec de nouveaux hôpitaux équipés de technologies les plus récentes et des infrastructures les plus modernes, Maurice peut se positionner comme un hub de santé de pointe et de grande qualité.

Il faudra, je pense, aussi uniformiser les protocoles de prise en charge des patients entre le public et le privé.

  1. Création d’unité de recherche biomédicale publique et d’un centre d’investigation clinique.

Une unité de recherche biomédicale de type Inserm mène des travaux variés dans les domaines de la biologie et de la médecine, impliquant chercheurs, médecins, biologistes et étudiants. Ces recherches contribuent à l’avancement des connaissances, au développement de thérapies et à la formation de professionnels de la santé.

La création d’une telle unité pourrait renforcer l’expertise locale, attirer des talents et améliorer les soins de santé, notamment en étudiant des maladies spécifiques aux populations locales, comme le diabète. Son impact s’étendrait à une meilleure réputation internationale du pays dans le domaine médical, favorisant les collaborations et renforçant sa position en tant que centre d’excellence biomédicale.

Nous attendons de voir comment ces propositions seront prises en compte dans le prochain discours budgétaire du Grand Argentier, une occasion de suivre les orientations et les priorités stratégiques du gouvernement. Ces neuf leviers de croissance proposés par le CIDP offrent des pistes concrètes pour stimuler l’industrie pharmaceutique et biotechnologique à Maurice et nous continuerons de placer notre île au centre de l’innovation mondiale.

 

 

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