Marie Andrea Laetitia Huët, doctorante mauricienne en Biomaterials Engineering and Biotechnology à l’université de Maurice, a été sélectionnée pour représenter Maurice en tant que jeune chercheuse à la 74e Lindau Nobel Laureate Meeting consacrée à la chimie, qui se tiendra du 29 juin au 4 juillet 2025 à Lindau, en Allemagne. Une cérémonie symbolique de remise de billets d’avion s’est tenue, jeudi, à l’Open University of Mauritius.
Une expérience inouïe pour tout jeune chercheur, qui pendant près d’une semaine pourra côtoyer les plus grands scientifiques de leurs domaines, et surtout discuter et échanger avec leurs consœurs et confrères doctorants. Ainsi depuis 2013, 15 jeunes chercheurs mauriciens ont eu l’occasion d’assister à la Lindau Nobel Laureate Meeting. En effet, en tant que partenaire académique du Conseil de Lindau, le ministère de l’Enseignement supérieur co-sponsorise chaque année un scientifique mauricien pour qu’il participe à cet événement.
« Nous sommes tous réunis ici pour célébrer et reconnaître l’accomplissement de Marie Andrea Laetitia Huët. Elle représentera le pays lors d’une des plus prestigieuses rencontres dédiées à la recherche et à la création du savoir », a déclaré d’emblée le professeur Kiran Bhujun, directeur de la Tertiary Education and Scientific Research. Il a indiqué que la Lindau Nobel Laureate Meeting a été créée en 1951 par deux scientifiques émérites allemands, et que c’est en 2013 que Maurice a conclu une signature d’accord avec le Conseil de Lindau. « Depuis, 15 jeunes chercheurs exceptionnels en chimie, physique et économie ont eu l’opportunité d’y participer », a-t-il ajouté. Par ailleurs, dans une volonté constante de partage des connaissances, le ministère de tutelle demande depuis 2019 aux participants de présenter leurs découvertes, expériences et travaux de recherche à leur retour sur l’île. « Et ce, afin d’encourager les jeunes chercheurs à leur emboîter le pas », a indiqué Kiran Bhujun.
La doctorante Marie Andrea Laetitia Huët a, pour sa part, exprimé sa gratitude envers le ministère de l’Enseignement supérieur pour l’avoir sélectionnée. « Représenter Maurice est pour moi un honneur. J’ai hâte de rencontrer les autres chercheurs de mon domaine et de discuter de nos recherches respectives », a-t-elle déclaré. En effet, la jeune femme au parcours élogieux présentera ses recherches sur un pansement biodégradable créé à partir de la bagasse de canne à sucre pour traiter les plaies cutanées de leishmaniose (voir encadré). « Je remercie mon laboratoire de recherche le Centre for Biomedical and Biomaterials Research de l’université de Maurice, ma directrice de recherche, la professeur Archana Bhaw-Luximon, et mes parents et mon frère qui sont pour moi ma force », dit-elle encore.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Kaviraj Sukon, a lui aussi félicité la jeune chercheuse, rappelant que la recherche reste essentielle pour le développement d’un pays. « Ce sera, je n’en doute pas, une expérience fructueuse, car cela fait partie du parcours doctoral de tout chercheur. Discuter avec ses pairs, partager ses recherches, mais aussi de ses challenges est important », a-t-il dit. « Marie Andrea Laetitia Huët aura l’occasion de rencontrer les Prix Nobel également. Cette initiative que nous avons démarrée en 2013 est extrêmement importante, car elle ouvre d’autres horizons aux chercheurs mauriciens qui pourront avoir un aperçu du niveau de recherche à l’étranger, d’autant qu’au gouvernement nous mettons beaucoup l’accent sur la recherche », a conclu Kaviraj Sukon.
Portrait : La science dans la peau et la passion de la recherche
Avec un palmarès parmi les plus remarquables, Marie Andrea Laetitia Huët se distingue autant par ses succès que par sa modestie et son sens des réalités. Âgée de 29 ans et des poussières, la jeune habitante de Quatre-Bornes vient de compléter sa thèse doctorale sur la création d’un pansement biodégradable créé à partir des fibres de canne pour traiter les plaies cutanées de leishmaniose. Celle qui semble avoir la science dans la peau avait remporté, l’an dernier, le Prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne pour les femmes et la science lors de la 15e édition de la Fondation L’Oréal et l’UNESCO à Cotonou, Bénin. Rencontre.
Ancienne élève du Couvent de Lorette de Quatre-Bornes, Marie Andrea Laetitia Huët raconte que son aventure scientifique a commencé un peu sur un coup de tête. « Après mon HSC, je ne savais pas trop quoi faire, et comme j’aimais bien la biologie, j’ai décidé de commencer mes études à Maurice. C’est comme ça que j’ai fini par faire un BSc (Hons) en biotechnologie à l’université de Maurice (ndlR : qu’elle obtient avec un First Class with Honours !) », confie-t-elle. « Et pendant mes études, je me suis rendue compte que j’aimais bien la microbiologie. J’ai ensuite obtenu une bourse pour faire un Master by research en microbiologie à la Monash University en Malaisie. C’était une expérience incroyable et je suis rentrée au pays les valises remplies de nouvelles compétences », raconte la jeune doctorante.
Malgré son excellent parcours académique, à son retour au pays, la jeune femme peine à trouver du travail, comme beaucoup de jeunes chercheurs mauriciens malheureusement. « Je suis rentrée pendant la pandémie de Covid-19. Et je suis restée six mois sans travail pour finalement avoir la chance de travailler comme Research Assistant au Centre for Biomedical and Biomaterials Research (CBBR) sous la supervision de la professeure Bhaw-Luximon. Après avoir travaillé quelque temps, le CBBR m’a finalement proposé de faire un Phd. Depuis je travaille sur la leishmaniose cutanée qui est, pour faire simple, un parasite qui va vous donner des plaies qui ne guérissent pas et qui affectent plus particulièrement des communautés très marginalisées n’ayant pas accès au système de santé. Je prends donc la bagasse de canne à sucre qu’on produit en tonnes ici et au lieu de la brûler pour polluer davantage, je la convertis en pansements bioactifs avec d’autres composants. Ceux-ci vont accélérer la fermeture de ces plaies », nous explique-t-elle.
Passionnée par son domaine, Marie Andrea Laetitia Huët nous parle de la place de la femme dans les Science, Technology, Engineering, Mathematics (STEMS). « Au centre de recherches du CBBR, il y a en tout cas beaucoup de femmes scientifiques et à un moment donné, on était même à 80 % par rapport aux garçons ! Par ailleurs, lors de ma participation à la 15e édition de la Fondation L’Oréal et l’UNESCO, l’année dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer des femmes remarquables en Afrique qui reste très patriarcale. Même si c’est vrai qu’à Maurice, nous avons tendance à dire que les filles c’est biologie et les garçons c’est physique, je pense qu’on a tous les mêmes opportunités ici. Il faut juste “work hard” et “work smart” surtout », conseille-t-elle.
Marie Andrea Laetitia Huët, qui s’est récemment inscrite en cours de kitesurf, conseille aux jeunes chercheuses « de faire tout ce que vous voulez faire vraiment. Même si tout le monde veut gagner un gros salaire, au final cela ne servira à rien de faire quelque chose qui ne vous plaît pas. Ce sera dur, très dur, mais au moins vous serez heureuses ». Elle remercie à cet égard ses parents qui l’ont toujours soutenue, malgré le fait qu’ils savaient qu’être chercheur à Maurice ne rapporte pas beaucoup. « Mais ils m’ont accompagnée et m’ont laissée faire ce que je voulais faire. » D’ailleurs, elle confie que son frère semble lui aussi avoir développé un penchant pour les sciences. « Il fait un BSc en mathématiques. Donc, je crois que c’est dans la famille, même si mes parents ne sont pas du tout des scientifiques ! » Marie Andrea Laetitia Huët est une jeune chercheuse à suivre de près !