Du binaire à la banane…

Téléphonie, visites de sites Web, réseaux sociaux, visioconférence, Work from Home, e-mails… Le numérique occupe une part croissante de nos activités, avec des conséquences sur le climat que nous ne mesurons pas toujours. Nous l’avons plusieurs fois évoqué ces dernières semaines, avec un impact carbone contribuant à hauteur de 4% des émissions de gaz à effet de serre globales, la facture environnementale du numérique est de plus en plus salée. Ce qui peut être troublant, voire carrément illogique, pour un secteur immatériel, et donc, pensons-nous, de fait complètement indolore.
Vous vous en doutez, il en est en réalité tout autrement. En premier lieu, il y a l’aspect matériel, puisque profiter du numérique nécessite bien sûr un support (smartphones, ordinateurs, téléviseurs, etc.). Problème : nos terminaux hi-tech carburent aux énergies fossiles, et ce, déjà bien avant de débarquer dans nos magasins, que ce soit en termes de kilomètres parcourus ou au niveau de la chaîne de fabrication. Saviez-vous par exemple qu’un laptop de 2 kg émettait 103 kg de CO2 dès l’usine, et pas moins de 156 kg durant sa vie ? Sans compter qu’une seule unité réclame 600 kg de matières premières, contre 500 kg pour une simple box Internet.
Et ce n’est pas tout, car pour que nos données puissent circuler, elles doivent emprunter des câbles sous-marins. Ce qui constitue évidemment une autre forme de pollution. Ainsi, enfouis au fond des océans et des mers du globe s’entremêlent plus de 400 câbles sous-marins, et dont le plus long mesure pas moins de… 20 000 km (Malaisie/Californie). Là encore, une réalité dont personne ne parle. Et pour cause, puisqu’elle ne concerne que les poissons. Enfin croyons-nous !
Et puis il y a le numérique à proprement parler. Autrement dit ce que nous faisons de nos portables et autres interfaces numériques, la manière dont sont véhiculées les données et ce qu’il en advient ensuite. Difficile là encore de se rendre réellement compte de ce qui se trame derrière nos recherches sur Internet, nos visios et autres posts sur les réseaux sociaux. Or, il faut savoir que nos données ne sont pas stockées « dans l’air », mais dans des Data Centers, et que la planète en compte environ 4 500. Le souci, c’est qu’ils sont de grands consommateurs d’électricité (pour l’essentiel produite avec du charbon), que ce soit pour alimenter les énormes quantités de serveurs qu’ils contiennent ou la climatisation permettant de les garder « au frais ». Sachant que l’on génère près de 2,5 trillions d’octets par jour, on comprend pourquoi ces centres de données poussent comme des champignons.
En résumé, le moindre de nos gestes numériques a un impact sur la planète. Pour autant, difficile, si ce n’est impossible, de se passer de nos jours d’Internet, tant notre système (économique, social, culturel, etc.) tend lui-même à totalement se dématérialiser. Alors que faire ? La réponse est à la fois simple et compliquée. Simple, car il nous suffirait d’être plus modérés et responsables au niveau de notre consommation numérique; et compliqué parce qu’il est évident que s’il nous est techniquement possible de le faire, peu accepteraient de sacrifier cet espace de confort. Si l’on peine déjà à rationaliser notre consommation dans la réalité physique, comment en effet pourrions-nous imaginer le faire sur le plan virtuel ?
Certains pays pensent cependant avoir trouvé une parade. À l’instar de la France, où les opérateurs de télécommunication ont désormais pour obligation de faire figurer l’empreinte carbone de leurs utilisateurs sur leurs factures. Mais est-ce vraiment une solution ? Et si oui, à qui profitera-t-elle ? Cela réduira-t-il réellement l’empreinte numérique de la France ? Et si oui, de combien ? Une mesure qui, vue d’ici en tout cas, ressemble davantage à une manière d’imposer une nouvelle taxe indirecte que de se confronter au vrai problème : celui d’un monde de plus en plus connecté et de plus en plus coûteux en ressources.
Une fois encore, le problème en revient à notre système économique. En l’occurrence à un système binaire alimenté en grande partie par du flux virtuel. Avec pour conséquence une des plus grandes inepties de notre temps, celle de nous faire croire que notre bonheur est intimement lié à un réseau de 0 et de 1. À côté de nous, nourris que nous sommes à Facebook et Netflix, les autres primates paraissent bien plus sages. Au moins, quelques bananes leur suffisent !

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