D’une lucidité citoyenne empreinte de solidarité !

RAJ RAMLUGUN
Citoyen mauricien

Les récents rassemblements citoyens montrent bien que le peuple ne dort plus (même la majorité silencieuse). Il a soif d’une autre société, d’une meilleure Île Maurice pour tous — plus juste et plus propre. Cela passe par de multiples avenues, au premier abord dans la gouvernance du pays à tous les niveaux. N’en déplaise aux légalistes et autres ‘professionnels’ du raisonnement à géométrie variable, … pour atteindre et adopter chez nous cette culture de bonne gouvernance, il faut aussi restaurer le sens du devoir et de l’éthique dans tout ce que nous entreprenons.

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Si nous nous emballons pour une révolution sans nous questionner nous-mêmes, sans interroger nos valeurs, comportements et éthique dans la vie de tous les jours, de quel type de changement parlons-nous? L’ambiance d’une révolution, c’est bien… c’est un grand exutoire pour toutes nos colères et indignations réprimées face aux divers dysfonctionnements et injustices qui ont la dent dure sous divers pouvoirs.

Mettons de côté les polémiques sur les mots (« b… li deor »), entre autres, mais au-delà de l’ambiance populaire et des cris à l’unisson, il nous faut sérieusement réfléchir sur l’après : what’s next? Où trouver cette meilleure alternative et comment la construire? Qui sont ces citoyens faisant l’unanimité et pouvant se rassembler autour d’une vision et projet de société qui inspirent l’adhésion populaire (pas populiste) dans la durée? L’avons-nous clairement en tête cette alternative ou cherchons-nous tout simplement une alternance de pouvoir politique? Y avons-nous réfléchi? Ou, est-ce que le tout de nos actions et de notre détermination se résume à ‘b…. li/zot deor’ …. apre nou ava gete ? Kisannla pou gete apre?

Soyons honnêtes et francs. Il y a deux dimensions importantes (écologique et économique) aux crises que nous vivons. Ne parlons pas de la dimension sanitaire, tant nous avons l’impression qu’on la banalise outrancièrement déjà. On n’a qu’à voir comment on respecte les gestes barrières et le port du masque! Partout. Presque personne, même les autorités, ne semble donner l’exemple! Pourtant la sonnette d’alarme continue de retentir concernant les dangers que pose toujours la pandémie. Enfin… restons cool! Ça n’arrive qu’aux autres. Pourtant les habitudes (bonnes ou mauvaises) … ça s’apprend constamment. N’est-ce pas ?

‘Ochlocracy’

Ne me prêtez pas des agendas ou intentions autres que ceux que je défends avec constance; je me sens quand même le devoir de me rappeler que faire la ‘révolution’ est une chose, mais comment construire par la suite est une autre paire de manches. Beaucoup plus difficile! L’histoire de l’humanité nous l’a démontré à maintes reprises – l’être humain, avec ses forces et faiblesses. Surtout quand on est en position de POUVOIR ! Et la démocratie de la foule ou ‘Ochlocracy’ se résume souvent à ceci (quand la lucidité n’y est plus’) : « Always remember that the crowd that applauds your coronation is the same crowd that will applaud your beheading. People like a show. »

Cela dit, ne sous-estimons pas la sincérité patriotique du peuple et ses revendications légitimes par les temps qui courent. Il s’agit d’une expression d’énergie formidable. Cependant, si cette énergie collective n’est pas accompagnée d’une intelligence personnelle et citoyenne, elle risque de nous mener nulle part. Ou, peut-être, à de plus grandes désillusions ou fractures. Je dis cela par rapport au contexte dans lequel nous vivons. La COVID-19, de par ses conséquences sur l’économie (lives v/s livelihood) reste une menace planétaire même pour les régimes les plus démocratiques, performants et justes. Nous nous sommes habitués à un modèle économique (production/consommation de masse) qui régit presque tout dans notre société (bon comme mauvais). C’est ce modèle économique (que nous semblons aimer) qui donne aujourd’hui sens à nos vies à travers les emplois qu’il génèrent, entre autres activités multiples. La question ethnique ou non nous importe peu à certains moments! Nous avons construit notre dignité, épanouissement et survie personnelle et familiale autour du présent modèle. Même si nous refusons de l’admettre, seule une infime minorité semble être disposée à consentir à des sacrifices pour changer ce système.

Pour nous, que représentent tous ces défis, nonobstant notre classe politique et culture de gouvernance et d’impunité? Notre économie est presque totalement dépendante de l’environnement externe. Tant que celui-ci reste précaire, nous resterons cloués au sol. À la merci du monde! Sauf si nous osons faire face à la dure réalité et changeons drastiquement nos modes de vie et habitudes issus d’un autre modèle économique. Sommes-nous prêts à faire ces efforts ou sacrifices vers une plus grande sobriété? Et sur la base de la même solidarité que nous témoignons pour les rassemblements populaires. Derrière toute démarche citoyenne, je trouve ces questions omniprésentes, mais auxquelles seul un petit groupe réfléchit; et la plupart parmi nous ne sont que des suiveurs consentants ou assujettis par les bruits de la masse. Si la pandémie persiste pour longtemps et que perdurent les crises économiques – ouverture des frontières ou pas – il nous faudra apprendre à assumer la dure réalité de vivre et être heureux avec moins. Est-ce facile? Mais surtout à concevoir une plus grande solidarité citoyenne (une Économie solidaire) pour s’entraider au-delà des rassemblements. Les politiciens ou gouvernements peuvent nous vider toute la Trésorerie publique ou nous enfoncer davantage dans l’endettement pour céder ou calmer les clameurs de la rue. Rien ne sortira de leurs poches. Tant pis pour l’avenir. Est-ce qu’on y réfléchit assez à chaque fois qu’on nous donne de l’aide ou des services gratos? D’où viennent l’argent et les ressources? Surtout quand on produit si peu.  Ce sera comme d’habitude : « Dezabiy Pierre pou abiy Paul! »

Qu’on le veuille ou non, nous aimons à Maurice avoir tout gratuit; et aux gouvernements et politiciens pouvoiristes et populistes de chanter ensuite sur tous les toits leur générosité…. leurs largesses de l’État-Providence au peuple. Nous applaudissons et nous conditionnons le peuple à demander encore et encore. Et les gouvernements continuent de céder pour nous faire plaisir… sans aucun exercice de diligence ou de mérite. Sur ce qu’on appelle: ‘affordability & sustainability’. Who cares? Pe gagne, nou pran, nou dimann ankor. Et aux politiciens pouvoiristes de dire: donn zot, kalme/aste zot ….. kas pa sorti dan nou pos!

Jeu infect

Cette même mentalité de ‘survie personnelle’, d’intérêts personnels avant tout, est de céder peu importe les impératifs d’« affordability » et de « sustainability » pour le pays; cela gangrène la gouvernance partout, que ce soit au sein du Gouvernement ou dans des instances où l’État a des intérêts ou un certain contrôle. Il en est de même pour le secteur privé. Sinon comment peut-on être si à sec au lendemain d’un confinement?

La culture de l’assistanat mêlée à de l’extravagance et des largesses au sommet des hiérarchies perdure, souvent dans la plus grande complicité entre gouvernements, gouvernés et aussi certains contrepouvoirs et mouvements sociaux/citoyens.

Gouvernman Bizin Done! Voilà notre principal.e slogan/devise. Par compassion, certes, mais par le jeu infect de populisme et de clientélisme. Et ce, à divers niveaux.

Si aujourd’hui avec la COVID-19 et autres tragédies qui se sont abattues sur nous, on ne se réveille pas au-delà de « b…li/zot deor » et commence à se poser des questions de fond sur le « comment » et « les moyens » dont nous disposons vraiment dans ce pays pour continuer à entonner et enflammer la foule avec « BIZIN DONN ANKOR », eh bien, attendons-nous à des réalités encore plus dures!

Je ne suis pas prophète de malheur. Je reste éveillé pour ne pas me laisser emporter par la démagogie politicienne et des autres. Derrière toutes nos revendications et demandes, il faut que, nous tous, nous exercions notre capacité pour comprendre et savoir d’où viendront les moyens et sur quels critères de mérite et de justice tout est fait. Le gouvernement et ses titulaires ne sont propriétaires de rien. Ils assument la fonction d’arbitre dans la gestion des affaires de l’État. En principe!

Pour chaque sou dépensé ou distribué il faut qu’il y ait Transparence, Accountability et plus de protection pour les plus démunis. Ce n’est pas ceux qui crient le plus fort qui doivent toujours avoir raison. Le mérite et la compassion doivent prévaloir en tout temps. Et un gouvernement qui est responsable et proche des réalités de son peuple, surtout des plus vulnérables, ne doit pas toujours attendre les pressions de la rue, des médias et contrepouvoirs pour agir dans le bon sens. Ou à la veille des élections générales.

L’ambiance de foule et la Solidarité citoyenne sont formidables et exaltantes. Mais, il ne faut pas que les cris de foule nous fassent perdre notre lucidité sur les réalités objectives, sur nous-mêmes et nos devoirs. Plus que jamais, il nous faut nous battre pour changer le système, mais aussi en assumant nos responsabilités individuelles et citoyennes. Constamment. Ne perdons jamais nos facultés de réfléchir et de comprendre: LE COMMENT & WHAT’S NEXT?

En attendant les changements de fond, rien, absolument rien n’empêche le gouvernement de prendre le taureau par les cornes et cesser le pourrissement de nos institutions par des interférences intempestives et l’imposition d’une servile médiocrité à différents niveaux. C’est la manière la moins coûteuse et la plus rapide de nous rendre plus résilients face aux menaces/défis externes.

It’s now or never !

Ase konfond dibyin leta kouma propriete personel!

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