ÉCHANGE THÉÂTRAL: De l’Indépendance tunisienne au printemps arabe

La troupe de l’option théâtre du Lycée La Bourdonnais vient d’accueillir pendant dix jours, dix jeunes comédiens tunisiens, également lycéens dans le cadre d’un échange théâtral. Ces derniers ont présenté vendredi dernier la pièce qu’ils ont écrite eux-mêmes, s’inspirant de la révolution tunisienne qui a ensuite entraîné le printemps arabe et qui a sensiblement changé la donne dans les pays du Maghreb. Rêves de Médina raconte cette révolution, ses suites ainsi que l’histoire de ce pays passionnant. Décryptage avec leur professeure et metteuse en scène Mouna Jamoussi.
Ils s’appellent Hela Ammar, Zineb Bouricha, Rachid Hentati, Ilyes Kammoun, Sedki Masmoudi, Sadok Megdiche, Chéma Messedi, Zeineb Mhiri, Mahdi Sellami et Oumaima Siala. Tous sont originaires de Sfax, deuxième ville et centre économique de Tunisie située à environ 270 kilomètres de Tunis. Lycéens, ils apprennent le théâtre depuis plusieurs années et ont ouvert en mars dernier, le Festival Européen de Théâtre Lycéen Francophone (FETLYF), à Saint-Malo en France, avec leur spectacle consacré à la révolution tunisienne « Il était une fois la Tunisie ». Jean-François Achille et les lycéens mauriciens ayant noué des liens avec eux à cette occasion, leur ont lancé l’invitation de venir quelques jours à Maurice.
Comme ils ont été profondément émus par les événements qui continuent à transformer leur pays — notamment les atteintes à la liberté d’expression et aux pratiques artistiques perpétrées par les membres du mouvement salafiste —, ils ont imaginé une suite à cette pièce sous le titre de « Rêves de Médina ». Dirigés par leur professeure de théâtre, Mouna Jamoussi, les comédiens ont écrit leur pièce en se basant sur l’improvisation et l’histoire de la Tunisie. Les talents de chacun sont mis à contribution, à l’instar des deux excellentes chanteuses qui ouvrent la pièce par un chant émouvant et des musiciens qui les accompagnent. Créée avec sincérité et enthousiasme, cette pièce transcrit les espoirs, les déceptions, les peurs et les valeurs de cette jeunesse qui a tant à dire. « Le théâtre s’insère ici, nous explique Mouna Jamoussi, dans une nouvelle pédagogie qui consiste à apprendre tout en jouant. C’est en fait toute une leçon d’histoire, mais plutôt qu’un cours parachuté, c’est une leçon vivante et chargée d’émotions. À travers cela, nous voulons montrer aussi que les élèves ont de quoi dire ; ce ne sont pas des jeunes qui se laissent faire ! »
Des acquis et des droits
Rêves de Médina rappelle les fondements de la Tunisie indépendante, la richesse de ce carrefour de civilisations, avec son peuple originel et les présences arabe, espagnole puis française. Le père de l’Indépendance, Habib Bourguiba, puis de triste mémoire, le pillage commis par la famille Ben Ali, avant que la révolution ne les balaie jusqu’aux événements actuels. Tous ces faits sont évoqués par le jeu dramatique, la musique et les symboles dans une pièce particulièrement touffue.
« Cette réflexion sur l’histoire du pays, reprend notre interlocutrice, vient aussi d’une certaine manière de l’influence du premier président de la Tunisie. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’Habib Bourguiba est le premier président arabe à avoir instauré l’éducation gratuite et obligatoire chez l’enfant de six ans, le premier président à avoir aussi donné à la femme et à l’homme l’égalité. En s’appuyant entre autres là-dessus, nous venons dire que nous avons des acquis et que la liberté n’est pas un cadeau sur un plateau… Cet enseignement les aide aussi à comprendre ce qu’ils sont et ce qui se passe chez eux aujourd’hui. »
C’est aussi indirectement grâce à Habib Bourguiba que cet échange a été possible car il a fait de la Tunisie le premier pays à imposer des cours obligatoires de théâtre, comme la musique ou le dessin dans d’autres pays. Habib Bourguiba a créé l’ISAD, Institut supérieur d’arts dramatiques, et il a poussé à partir de 1969 l’idée que le théâtre soit une matière obligatoire au sein des lycées. Les cours ont commencé avec quelques comédiens et metteurs en scène. La première grande promotion des professeurs de théâtre est sortie en 1983.

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