ÉCHIQUIER POLITIQUE – Pour une opposition et une alternative crédible

MANAND BALDAWOO

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Entrepreneur

Avec les révélations (quoi qu’on en pense de la teneur) de Sherry Singh, il y a eu un emballement médiatique dont le pays semble désormais coutumier depuis 2019. Nous avons eu le malheureux incident du Wakashio, puis la mort suspecte de l’ancien agent du MSM Soopramanien Kistnen, les achats de médicaments et d’équipements médicaux dans des circonstances pas toujours très claires, entre autres… Autant de faits qui, selon l’opposition et autres opposants au pouvoir, relèvent du scandale. Pourtant, jusqu’ici le gouvernement de Pravind Jugnauth tient toujours et ne semble pas s’émouvoir de tout ce remue-ménage. Tant s’en faut, le parti orange a mobilisé ses troupes depuis vendredi dernier et le Premier ministre, galvanisé, nargue l’opposition en déclarant qu’il attend ses détracteurs de pied ferme.

Pour revenir au fameux Sherry Singh, voilà un personnage qui, il y a quelques semaines encore, était perçu, à raison d’ailleurs, comme ayant été installé à la tête de Mauritius Telecom et sur des conseils d’administration de plusieurs entités où l’État est actionnaire en raison de sa longue proximité avec la famille Jugnauth. Ses nombreux détracteurs ont toujours avancé comme reproche un enrichissement inexpliqué de sa part, entre autres choses qui relèveraient du scandale. Bref, il est perçu comme un pestiféré pour les opposants au pouvoir comme l’ont été jadis Roshi Bhadain ou encore Nando Bodha.

Tout comme le départ de ces derniers des rangs gouvernementaux avait suscité un emballement pour les opposants, aujourd’hui certains attendent le « tsunami » et un cyclone classe 4 promis par Sherry Singh. Mais, encore une fois, il n’en est jusqu’ici rien. Et c’est bien dommage car derrière l’espoir suscité par les déclarations de l’ancien CEO de MT, on oublie l’essentiel, c’est que le pays continue à s’enfoncer dans le marasme. Alors que l’opposition continue à ronger l’os donné par le « descendant royal », un trimestre s’est écoulé et le parlement est aujourd’hui en vacances.

Les rares présences des députés de l’opposition au Parlement se sont ponctuées par des « walk-out » et des expulsions, rendant notre démocratie ineffective. Le budget qui avait suscité beaucoup d’espoir et qui finalement n’a pas ou peu apporté de solutions pérennes pour soulager la spirale d’appauvrissement de la population a été voté sans que l’opposition ne vienne avec des contre-propositions valables.

Aucune mention d’Air Mauritius dans le budget pour une compagnie d’État ô combien capitale pour le tourisme ! Aucun mot sur le hub Asie-Afrique que l’on nous a vendu comme « game changer » il y a quelques années ! Dans le même temps, des aéroports comme Dubaï, s’inspirant de Singapour, engrangent des milliards pour un service que l’on aurait pu offrir comme des visas de courte durée et des boutiques hors taxes pourvoyant des produits à des prix compétitifs.

Rien sur le scandale de perte à la State Bank. L’agriculture a bénéficié d’un budget de 3 milliards de roupies ! C’est bien mais comment sera utilisé cet argent alors que depuis des années des milliards sont investis dans ce secteur sans que nous n’ayons encore atteint l’autosuffisance alimentaire ? Aucune question des parlementaires là-dessus ! Alors que dans les années 80, nous exportions des anthuriums aujourd’hui, nous importons des fleurs comme les roses et les chrysanthèmes… Nous avons perdu notre avance parce que nous ne sommes pas restés en phase avec les développements en cours dans l’agriculture.

Pendant ce temps, l’opposition parlementaire se repaît de « scandales » ; on est en droit de s’interroger sur la substance de ceux-ci. Deux ans et demi après sa défaite aux élections, rien n’a été fait pour présenter une alternative crédible. Ramgoolam a encore une fois mis en doute le fonctionnement de notre démocratie, et en particulier celui de la Commission électorale. La plupart des recours en justice ont été rejetés jusqu’ici, le dernier en date étant celui logé par Suren Dayal contre Pravind Jugnauth.

Entre-temps, les Ramgoolam, Bérenger et Duval et les caciques des partis traditionnels sont toujours là. Quant à l’opposition extraparlementaire, il s’agit d’un mélange d’aboyeurs et de ceux du style intello bobo qui n’ont pas compris que pour représenter une force politique il faut sortir des réseaux sociaux et aller vers le peuple et qu’au lieu des manifestations stériles, il importe d’entreprendre un travail de conscientisation et d’éducation de la masse avec un programme de rupture des politiques qui sont présentes depuis des décennies.

Personne ne saurait contester l’impopularité du gouvernement de Pravind Jugnauth mais il est fort à parier que si les élections devaient avoir lieu aujourd’hui, le MSM et ses alliés l’emporteraient comme en 2019. Car notre système démocratique repose sur le « first past the post ». Un système décrié, imparfait, mais qui nous permet d’avoir un gouvernement stable à la différence de pays comme l’Italie ou Israël où les gouvernements ne tiennent pas un mandant complet.

Est-il souhaitable que le MSM reste au pouvoir ? Je suis foncièrement contre car j’estime que la gestion du pays est catastrophique. Quelle solution alors ? En fait, l’alternative reste le Parti travailliste, le seul capable en raison de ses assises et de son passé à pouvoir gouverner. Mais pour cela, il est important que Navin Ramgoolam se mette en retrait. Tant qu’il sera là, il ne peut que servir les intérêts de Pravind Jugnauth. Les deux défaites successives de Ramgoolam lors des précédentes élections législatives ont montré que le peuple ne veut pas de lui et ce n’est pas sa contestation du scrutin en justice qui va changer les choses. D’ailleurs, jusqu’ici presque toutes les pétitions ont été rejetées.

Tant que Ramgoolam restera à la tête du Parti Travailliste, ce dernier demeurera en position de faiblesse et les coalitions avec les autres partis de l’opposition n’apporteront aucune synergie positive. 2014 et 2019 nous l’ont montré. Les Mauriciens ont horreur des ego surdimensionnés. Il est temps  qu’une autre génération de politiciens émerge et les remplace. Le Parti travailliste a des éléments valables, Mahend Gungaparsad ou Osman Mahomed, entre autres. Il est temps que la vieille garde se retire afin de laisser percer l’espoir. Il y va non seulement de l’avenir du parti mais aussi du pays.

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