Flambée des prix : La perspective d’un dollar US à Rs 50 fait craindre le pire

De nouvelles hausses des prix à prévoir pour les produits importés, avec déjà le billet vert américain coté à plus de Rs 47 Bhavish Jugurnath (économiste) : « Avec une roupie qui tend à se déprécier, le niveau d'inflation ira en s'accentuant »

L’évolution du taux de change du dollar américain par rapport à la roupie donne des sueurs froides ces jours-ci. Le billet vert américain, qui s’échangeait à moins de Rs 45 en novembre et décembre de l’année dernière, et même début janvier, à Rs 44,30 ou Rs 44,50 en moyenne, a amorcé un changement brusque à partir du 26 janvier, en franchissant irrémédiablement la barre des Rs 45. Depuis, la valeur du billet vert augmente de manière abrupte, jusqu’à s’échanger à Rs 47,43 le 10 mars, représentant un taux d’appréciation de 5,3% depuis le 26 janvier.

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La prochaine hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine, prévue pour le 22 mars, risque d’aggraver la situation. Car un dollar fort signifie encore de nouvelles hausses de prix localement, avec les coûts à l’importation qui vont encore augmenter.

Pour les observateurs économiques et autres spécialistes du marché Forex, ce qui explique que le taux de change du dollar américain par rapport à la roupie demeure la forte demande de devises étrangères par rapport à l’offre de la part des importateurs et des gestionnaires d’actifs. Par ailleurs, ils notent « une absence de soutien de la part de la Banque centrale », notamment depuis sa dernière intervention sur le marché des changes en date du 1er décembre 2022. « La roupie continuera inévitablement à se déprécier si elle est laissée aux seules forces du marché, soit de l’offre et de la demande », rappelle-t-on avec force dans les milieux des cambistes. La vigueur actuelle de la monnaie américaine s’explique également par la perspective d’une nouvelle révision à la hausse des taux de la Réserve fédérale américaine.

Entre-temps, les dégâts sont visibles sur le plan local, avec les prix qui grimpent sur les rayons des supermarchés. « La baisse de la roupie exerce une pression sur les prix déjà élevés des importations de produits pétroliers et des matières premières, ce qui entraîne une hausse de l’inflation importée. Chaque fois que la roupie se déprécie par rapport au dollar, les exportateurs de biens et services en profitent, mais pour les importateurs, la dépréciation de la roupie est néfaste, car ils doivent payer plus cher pour acheter la même quantité que celle qu’ils achetaient avant la dépréciation de la roupie », fait comprendre l’économiste Bhavish Jugurnath. Et, par ricochet, la flambée de la facture des importations plonge le déficit commercial du pays en zone rouge, soit à Rs 190,7 milliards (2022), en hausse de 43,6% comparé à 2021 (Rs 132,8 millions de 2021).

Sur le front de l’inflation, il semblerait que l’on ne soit pas près d’un apaisement à ce stade, avec une inflation à deux chiffres qui tend à se prolonger. « La crise dans la chaîne d’approvisionnement depuis le Covid-19, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les politiques chinoises de Zéro Covid ont conduit à une inflation à deux chiffres. Localement, avec la tendance croissante à la dépréciation de la roupie, le niveau d’inflation va encore s’accentuer, ce qui aura sans aucun doute un impact direct sur le coût de production et le coût de la vie pour les Mauriciens », regrette Bhavish Jugurnath.

Comment va réagir la BoM ?

Face à un dollar américain de plus en plus robuste depuis le 26 janvier, une inflation galopante, la Banque de Maurice (BoM) devra jouer aux équilibristes pour stabiliser les prix. « Compte tenu de l’état de son bilan, la Banque centrale pourrait ne pas avoir la puissance de feu nécessaire pour stabiliser la roupie et mettre en Å“uvre un nouveau cadre de politique monétaire, à moins qu’elle ne suive la recommandation du FMI, qui est de s’engager dans la voie de la recapitalisation », affirme l’économiste.

Pourtant, des observateurs s’attendent quand même à ce que la Banque centrale intervienne sur le marché des changes pour stabiliser la roupie par rapport au billet vert. « La BoM va sûrement attendre la direction prise par la Fed lors de sa réunion du 22 mars avant d’agir. Mais le marché international s’attend que la Fed augmente les taux d’intérêt aux États-Unis, et cela continuera à renforcer le dollar par rapport à la roupie », explique un spécialiste de l’investissement.
« La BoM analysera l’état de ses réserves et la position de la Fed, pour décider si elle doit encore ajuster à la hausse le Key Rate ou intervenir sur le marché Forex, comme elle l’a fait l’année dernière, pour ainsi fixer le prix du dollar pour un certain moment », ajoute-t-il.

Un dollar à Rs 50…

La tendance résolument haussière épousée par le billet vert depuis fin janvier soulève des appréhensions localement et plusieurs spécialistes craignent déjà le pire, avec un dollar qui pourrait bientôt atteindre la barre psychologique des Rs 50, provoquant une montée en flèche de la facture d’importation nationale. « Si les tendances se maintiennent, le dollar pourrait même atteindre Rs 49 ou Rs 50 dans les six à huit prochains mois », explique Bhavish Jugurnath. Un spécialiste financier soutient même que « cela pourrait même arriver plus tôt… » Avec des prestataires de biens et services dans le secteur des exportations se frottant les mains avec de potentiel Windfall Gains.

À l’heure actuelle et face aux pires craintes, les marchés financiers ont les yeux rivés sur la position qu’adoptera la Réserve fédérale. Ils s’attendent que les taux augmentent de 0,25%, mais si l’inflation n’est toujours pas sous contrôle aux States, les taux pourraient être relevés de 0,5%. Citant Jerome Powell, president de la Fed, l’agence Reuters souligne d’ailleurs que « the latest economic data have come in stronger than expected, which suggests that the ultimate level of interest rates is likely to be higher than previously anticipated ».

Pire, les observateurs internationaux n’écartent pas la probabilité d’une série de quatre hausses de taux consécutives d’un quart de point chacune en autant de réunions de la Fed, en mars, mai, juin et juillet. Si c’est effectivement le cas, le dollar sera encore plus fort, avec les effets catastrophiques que l’on imagine sur les prix à la consommation dans le monde, et surtout à Maurice…

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