Economie : l’industrie locale préoccupée par la crise de la main-d’œuvre

Julien Audibert : « Nous sommes tous affectés par cette crise »

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Élection de Lawrence Wong à la présidence de l’AMM

Une femme travaille en moyenne deux heures de plus par jour que les hommes

Face à la pénurie de main-d’œuvre qui perdure dans le pays, le président sortant de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), Julien Audibert, a fait un plaidoyer pour le « renforcement du réservoir de talents sur le long terme ».

Intervenant lors de la 29e assemblée générale de l’AMM, qui a vu l’élection de Lawrence Wong à la présidence, il a estimé essentiel que les entreprises manufacturières puissent « créer une main-d’œuvre dotée des compétences techniques et non techniques nécessaires pour reconquérir leur place de leader dans l’économie mauricienne et combler en même temps le déficit qui se creuse. »

Il a mis l’accent sur l’importance de la diversité et de l’inclusion, afin de réduire l’écart entre les hommes et les femmes dans le secteur manufacturier dans cette situation de crise. Il a réitéré l’importance d’un secteur manufacturier solide d’autant que Maurice est dépourvue de ressources naturelles et confrontée aux défis croissants du changement climatique.

Julien Audibert a sollicité l’aide des autorités pour réaffirmer l’importance de l’emploi dans l’industrie locale : « Mobilisons-nous pour promouvoir les métiers du secteur manufacturier. Cette crise nationale de l’emploi nous affecte tous, et il est évident que ces enjeux ne peuvent être abordés de manière isolée. Pour une île comme la nôtre, souvent marginalisée par sa petite taille et son éloignement des grands centres économiques, un secteur manufacturier solide est d’autant plus crucial », déclare-t-il.

Explorer les solutions locales

Shirin Gunny, Chief Executive Officer (CEO) de l’AMM et du Made in Moris, a fait écho aux propos de Julien Audibert. « Nous nous interrogeons sur la part locale de la main-d’œuvre, pour que l’on puisse continuer à dire : Ena nou lame ladan », dit-elle. Dans le plaidoyer pour la réduction des importations et une moindre dépendance vis-à-vis de l’extérieur via le Made in Moris, il est crucial de remettre en question « notre recours grandissant aux ressources humaines venues d’ailleurs » et d’explorer les solutions locales pour pallier ce manque de main-d’œuvre, a-t-elle souligné. Et, à cet égard, l’inclusion et la féminisation du secteur manufacturier « se présentent comme une réponse prometteuse. »

Shirin Gunny a fait un tour d’horizon des changements intervenus en 20 ans sur les emplois dans le secteur manufacturier, soutenant que « construire notre indépendance économique passera par rendre nos industries plus attractives ». Et d’ajouter : « Misons, aujourd’hui sur le potentiel local et sur la richesse de nos ressources humaines. »
Dr Myriam Blin, Gender Economist, a évoqué les difficultés actuelles du secteur de la manufacture en matière de recrutement. « Cette crise de talent rend difficile notre capacité à être producteur, à innover et donc à être compétitif, mais imaginons une île Maurice où chaque talent a l’opportunité de contribuer à notre avenir, et une île Maurice où la manufacture est pionnière dans la féminisation du travail », a-t-elle lancé aux membres de l’AMM. Elle a expliqué que 185 000 talents féminins sont actuellement non-exploités, soit des femmes au chômage ou hors du marché du travail, alors que « ces femmes sont un potentiel de talent pour votre secteur. » Elle a affirmé que le nombre de femmes stagne dans le secteur manufacturier « qui a le plus de mal à attirer et retenir des femmes ».

« Pourquoi elles ne postulent pas ? »

Dr Blin a soutenu qu’une industrie mauricienne compétitive ne peut se passer de la moitié de la population, et qu’il faut convaincre les femmes à se joindre et à rester dans le secteur, qu’il faut imaginer une entreprise « où chaque homme et chaque femme a les moyens de grandir et s’épanouir ». Il faut des entreprises qui puissent libérer le potentiel de chacun et chacune. « Pourquoi elles ne postulent pas ? Les femmes évitent ce secteur car le temps de travail dédié à l’usine est en compétition directe avec le temps consacré à la gestion du foyer. Il faut savoir qu’une femme mauricienne travaille en moyenne deux heures de plus par jour que les hommes. Elles ne viennent pas vers le secteur manufacturier, car il y a la perception que le travail d’usine est sale et fatiguant. Elles ne viennent pas travailler car le secteur est perçu comme un secteur où il y a le plus de harcèlement au travail. Elles ne viennent pas aussi car souvent la famille considère ce secteur comme étant inapproprié pour une femme », ajoute-t-elle.
Selon Myriam Blin, les femmes sont aussi victimes de discrimination « parce qu’on pense qu’elles vont tomber enceintes » et en fait, elles sont victimes d’une série de discriminations. « Ce n’est pas parce qu’on a construit une entreprise que l’on doit supposer que nos employés sont disponibles à 100% sans aucune autre responsabilité », a-t-elle lâché à l’adresse des employeurs.

En toute franchise, elle a abordé certaines réalités qui freinent les femmes à venir travailler dans la manufacture : « Quelle image projette ce secteur ? Quel langage est utilisé ? Il faut impérativement surveiller les langages et les comportements sur le lieu de travail. Et le changement doit commencer en haut de la hiérarchie. Les dirigeants doivent mettre des objectifs clairs et montrer l’exemple, ainsi que les responsables RH. Il faut un audit des politiques inéquitables qui ont cours dans l’entreprise, des opérations inadaptées, des politiques de ressources humaines, et aussi introduire la mobilité transversale et verticale dans les opérations. Il s’agit aussi de rendre les femmes plus visibles au sein de l’entreprise et les entreprises peuvent s’engager dans la promotion des femmes au travail .»
Et Myriam Blin de conclure que l’inclusion des femmes n’est pas seulement un impératif économique mais un pas vers une société plus juste et équitable : « En introduisant plus de diversité dans votre entreprise, vous allez changer, vous allez automatiquement modifier vos comportements, vous serez plus juste. Votre secteur a le pouvoir de changer la société. »

Pour sa part, Naveena Ramyad, ministre du Développement industriel, se dit pleinement consciente des préoccupations et des défis des membres de l’AMM : « Je suis consciente des nombreuses difficultés auxquelles font face les opérateurs, surtout concernant le recrutement. Mais cette problématique concerne d’autres secteurs également. Le gouvernement a rendu plus flexible le recrutement des travailleurs étrangers, mais le recrutement local est plus important. »
Naveena Ramyad a insisté sur les efforts à mettre en œuvre pour soutenir la base manufacturière locale, mettant l’accent sur l’importance de la qualité des produits locaux par rapport aux produits importés. « Les produits locaux sont souvent de meilleure qualité que les produits importés », a-t-elle dit. La ministre a promis que « nous ferons tout pour que l’industrie locale soit encadrée, formée et qu’elle puisse faire face aux défis internationaux. »

La ministre a dit avoir étudié les propositions budgétaires soumises par l’AMM et a déclaré qu’il est important de trouver les moyens financiers de créer un environnement d’affaires propice à l’épanouissement du secteur manufacturier. Et d’ajouter : « A ce stade je peux vous assurer que ce sera fait. »

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