Education – Fin de cycle secondaire – Collèges privés payants: Entre gros business et vocation sociale

  • Un communiqué du MES sème le trouble parmi les parents en précisant que les cinq Credits s’appliquent aussi aux collèges privés

Le Mauritius Examination Syndicate (MES) est venu surprendre le monde de l’éducation en imposant le critère des cinq Credits aux collèges payants. C’est la lecture des managers de ces collèges, en prenant connaissance d’un communiqué émis la semaine dernière. La nouvelle a également eu l’effet d’une bombe pour les parents, qui ont déboursé gros afin que leurs enfants puissent poursuivre leurs études dans ces institutions, faute des cinq Credits pour le faire dans les collèges publics et subventionnés. Alors que les principaux concernés crient au scandale, estimant que le MES et, par extension, le ministère de l’Education appliquent une « dictature ». Intéressons-nous de plus près à ces collèges, dont certains sont devenus des machines à sous, alors que d’autres disent plutôt remplir une vocation sociale.

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Les connées compilées par Statistics Mauritius révèlent une population de 6 534 étudiants dans les collèges privés payants en 2019. Il faut d’abord faire la différence entre les collèges proposant le baccalauréat et ceux optant pour le système national. C’est cette dernière catégorie qui est concernée par le communiqué du MES. En 2019, ils étaient 257 candidats de ces collèges à prendre part aux examens de HSC, dont 56 seulement ont réussi. Il faut aussi savoir que certains collèges proposent plutôt à leurs élèves de passer l’épreuve de GCE A Level en juin, au lieu du HSC. À ce sujet, il n’y a pas de statistiques disponibles, étant donné que les candidats sont considérés comme étant privés, et non des School Candidates. Déjà, depuis l’année dernière, avec le critère des quatre Credits obligatoires, certains de ces collèges ont connu un intérêt subit. Car ils n’avaient aucune obligation jusqu’ici de respecter ce règlement du ministère, étant des collèges privés non subventionnés.

Avec les cinq Credits obligatoires, cette année et le fait que seuls 5 518 candidats sur les 18 659 ont atteint la barre, il y a eu une ruée vers ces collèges payants. Les parents étant en moyen d’assurer les frais de scolarité ont pris cette option afin que leurs enfants puissent accéder au Grade 12 et se préparer pour les examens de HSC l’année prochaine. Mais le MES est venu couper court à cet élan en précisant que les cinq Credits s’appliquent à « tous les collèges privés enregistrés ». Ce qui constitue un retour à la case départ pour de nombreux parents et élèves. Toutefois, à ce jour, le communiqué demeure très flou, sans préciser que les collèges payants sont bien concernés.

Il faut aussi savoir que l’école payante est devenue aujourd’hui un gros business pour certains. Surtout ceux qui coûtent des sommes énormes aux parents. Toutefois, d’autres maintiennent qu’ils remplissent un rôle social et que, sans leur présence, de nombreux jeunes se retrouveraient en dehors du système. C’est le cas du Mauricia Institute de Floréal, insiste le Dr Hassam Sakibe Coowar, le directeur. « Ce que nous proposons, c’est une alternative au système en place. D’abord, nous avons des frais de scolarité relativement bas comparé à ce qui est pratiqué dans le secteur, soit Rs 3 500 par mois. Ensuite, nous n’admettons pas les élèves directement en Lower VI (Grade 12). Tous passent par le GCE O Level, qui se tiendra en mai-juin et qui fait office d’examen de rattrapage pour ces jeunes. Je suis conscient de la nécessité d’avoir cinq Credits pour le monde du travail. Suite à cela, ceux qui ont obtenu les résultats appropriés passeront en Lower VI pour se préparer pour le HSC et les autres auront la possibilité de faire le GCE A Level. »

Avec les nouveaux règlements, ajoute le Dr Coowar, le MES vient aussi priver ces derniers de la possibilité de faire le GCE A Level. « Cambridge n’a jamais mis des règlements pour cela. C’est à Maurice qu’on est en train d’imposer des critères. Au contraire, Cambridge dit que les Less Able Candidates peuvent prendre cinq matières en O Level. Je ne comprends pas la logique du gouvernement de donner l’éducation gratuite et, ensuite, de mettre une barrière pour certains. » Une centaine d’élèves sont concernés par cette mesure au Mauricia Institute.

Collèges payants vs leçons particulières

À la Sumputh Full Day School, Saraswatee Sumputh, la Manager, relativise par rapport à cette situation. « Nous avons bien reçu une circulaire du MES, comme nous recevons d’ailleurs toutes les circulaires de la PSEA, même celles qui ne nous concernent pas, mais nous n’avons aucune précision à ce jour si les cinq Credits s’appliquent aux Fee Paying Schools. On a parlé généralement de Registered Private Schools, est-ce que cela inclut les Fee Paying? Nous attendons que la PSEA vienne dire les choses clairement. » Elle ajoute que si effectivement les collèges payants doivent suivre les mêmes règles que les collèges subventionnés, « cela veut dire que moi aussi je peux aller prendre la voiture Duty Free” qu’on donne aux recteurs. »

Comme le Dr Hassam Coowar, elle indique que l’école mène plutôt une vocation sociale. « Il faut que le gouvernement comprenne que pendant 15 à 20 ans, nous avons fait ce qu’il n’a pas pu faire : nous accueillons tous ces enfants qui se retrouvent en dehors du système. Tous les enfants ont le droit à l’éducation. C’est aux parents de choisir s’ils veulent une Fee Paying School afin que leurs enfants puissent prendre part au SC et au HSC. Il y a une culture des études académiques à Maurice. Tout le monde ne veut pas faire les études techniques. Laissez les parents choisir ! »

Quant à savoir si les collèges payants font du « business » sur le dos de ces enfants, Saraswatee Sumputh est catégorique : « Où est le gouvernement quand les enseignants se font de gros sous sur le dos des enfants avec les leçons particulières ? Chez nous, les frais de scolarité sont de Rs 2 300 pour les petites classes et cela va jusqu’à Rs 4 000 pour le HSC. Cela pour tous les cours pendant une semaine. Savez-vous combien coûte une leçon de HSC aujourd’hui ? Entre Rs 8 000 et Rs 1 000 pour un jour de cours par semaine. Faites-le compte pour savoir combien ces enseignants récoltent avec les leçons particulières… Et c’est nous qu’on vient accuser de faire du business ! »

Elle ajoute que pendant toutes ces années, les collèges payants n’ont posé aucun problème. « C’est juste parce qu’il y a un critère aujourd’hui, qui empêche les jeunes de poursuivre leurs études, qu’on trouve que nous faisons du business. Des 13 000 candidats du HSC, il n’y a qu’un millier qui sont partis dans les différents collèges payants. Chez nous, il y a environ 200 étudiants au total, de Grade 7 au HSC. »

Au niveau du Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC), Gilberte Chung, la directrice, attend confirmation du MES pour y voir plus clair dans cette affaire. « Nous n’avons aucune indication encore confirmant ou infirmant que les collèges payants sont concernés. Je peux comprendre que pour les collèges privés financés par le gouvernement, il y ait un droit de regard sur la qualité de l’éducation, mais cela ne s’applique pas pour les collèges payants. » Elle indique que Ste Marie a bien accepté quelques étudiants avec quatre Credits, mais qu’il y a aussi des cinq Credits et plus. « Les parents font de gros sacrifices pour que leurs enfants soient dans ces écoles. Je ne pense pas qu’ils vont accepter facilement que le gouvernement vienne leur imposer ce critère. »

Actuellement, personne au niveau des autorités concernées n’a pu apporter plus de précisions sur cette affaire, la directrice du MES, Brenda Soburrun, étant en congé. Il n’empêche que les managers des collèges privés payants ont déjà contacté leurs hommes de loi pour une action légale. Précisons également que l’OCEP, qui attire un grand nombre d’étudiants depuis quelques années, se permettant même de construire un bâtiment flambant neuf à Curepipe, n’a pas répondu aux sollicitations de Le Mauricien.

HSC 2019

Faible taux de réussite

Des sept collèges privés payants ayant enregistré des candidats pour le HSC 2019, seul le collège Saint Marie sort du lot. Cette institution catholique, qui opère sous le SeDEC, enregistre un taux de réussite de 70,8%, soit 17 candidats sur 24. Pour le reste, le constat est assez préoccupant. Soit 15 candidats sur 45 (33,33%) pour le City College, 4 sur 31 (12,9%) pour l’OCEP de Port-Louis, 5 sur 64 (7,8%) pour la Full Day School Samputh de Curepipe, 1 sur 17 (5,88%) pour le Mauricia Institute, 10 sur 66 (15,15%) pour l’OCEP de Curepipe et 4 sur 10 (40%) pour la St Nicholas Grammar School de Phoenix. Précisons toutefois que certains de ces collèges proposent le GCE A Level, pour lesquels le MES ne publie pas de statistiques.

Combien ça coûte ?

Les frais de scolarité dans les collèges payants proposant le système national varient selon les classes et les services proposés. Selon les indications disponibles, une classe de HSC coûte Rs 3 500 par mois au Mauricia Institute, Rs 4 000 à la Sumputh Full Day School, Rs 4 500 à l’OCEP et Rs 20 000 à Ste Marie. Certains appliquent également des frais d’enregistrement.

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